« L’homme aux lunettes » n’a pas vu venir les militaires

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Mamadou Tandja, un ex-militaire devenu politique, a été emporté par sa boulimie du pouvoir. Arrivé à la tête de l’Etat nigérien de manière démocratique, il était le seul président à terminer ses deux mandats sans être renversé par un coup d’Etat militaire. Son entêtement à rester aux affaires a fini par réveiller les vieux démons du Niger : les coups d’Etat militaires.

Mamadou Tandja est tombé, emporté par un coup d’Etat dirigé par le commandant Adamou Harouna. « L’homme aux lunettes », comme l’appellent ses compatriotes, s’est fait remarquer par son entêtement à rester au pouvoir, en violation flagrante de la constitution nigérienne et de sa promesse faite devant le président Sarkozy, en visite au Niger, de « quitter le pouvoir la tête haute ».

Son obstination l’avait conduit à dissoudre l’Assemblée nationale et à limoger les membres de la Cour constitutionnelle qui s’étaient opposés à son projet de prolonger de trois ans son mandat, qui devait normalement prendre fin en décembre 2009. Après « la mise en sac des institutions » à travers un référendum où le oui l’avait emporté à plus de 90 %, selon les résultats officiels, Mamadou Tandja validait ainsi, par la voie populaire, son désir de rester au pouvoir. Ce oui consacrait ainsi l’avènement de la sixième République nigérienne. Comme argument pour son maintien, il avait avancé son désir d’« achever les chantiers entrepris », notamment la renégociation des contrats d’uranium et la préparation de l’entrée du Niger dans le groupe des pays producteurs de pétrole.

Depuis des mois, la tension n’a cessé de monter ; les observateurs craignaient le pire. Lors de son dernier sommet des chefs d’Etat, la Cedeao a désigné le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, comme médiateur entre l’opposition et Mamadou Tandja en vue de faire baisser la tension. Les militaires nigériens ont mis Tandja hors jeu.

Retour sur le parcours de l’homme. Né en 1938 à Mainé-Soroa, dans le département de Diffa, ville frontalière avec le Nigeria et le Tchad, à un millier de kilomètres de Niamey, Mamadou Tanja est un militaire. Après des années de formation au Mali et à Madagascar, il revient au pays pour diriger plusieurs garnisons. Il s’est fait d’abord connaitre en associant son nom au premier coup d’Etat du Niger dirigé par le général Seyni Kountché, en 1974, contre le premier président du Niger, Diori Hamani. C’est sous le règne du président Seyni Kountché que le militaire commence à goutter aux délices du pouvoir et à la politique.

Il a été deux fois préfet, ministre de l’Intérieur puis ambassadeur du Niger au Nigeria. De mars 1990 à mars 1991, il est à nouveau ministre de l’Intérieur dans le gouvernement du président Ali Saïbou. Au mois de mai 1990, des membres de l’ethnie touareg qui réclamaient « un traitement équitable » dans l’administration ont attaqué une caserne de gendarmerie de l’intérieur du pays. Les forces de l’ordre, sous l’autorité de Tandja, avaient durement réprimé ce mouvement.

Avec le vent démocratique qui a soufflé sur le continent, au début des années 90, poussant la plupart des pays africains à organiser des élections libres et transparentes précédées de conférences nationales, Mamadou Tanja se présente à la première élection présidentielle du 27 février 1993 de son pays. Il arrive en tête du scrutin en recueillant avec son parti le Mouvement national pour la société de développement (Mnsd) 34,22 % devant Mahamane Ousmane crédité de 26,59 % des voix. Au second tour, il est battu par son adversaire. Après le putsch du général Ibrahim Baré Maïnassara contre son vainqueur, le 27 janvier 1996, il se présente à nouveau contre le nouvel homme fort, mais arrive en troisième position.

Il paye régulièrement les salaires

Après l’assassinat du président Ibrahim Baré Maïnassara, en avril 1999, au cours d’un coup d’Etat militaire et la prise de pouvoir par le commandant Daouda Malam Wanké, auteur du putsch, une nouvelle élection présidentielle est organisée, en novembre 1999. Mamadou Tandja, qui se présente pour la troisième fois, sort vainqueur de ce scrutin en recueillant, au second tour, 60 % des voix. Tandja prend ses fonctions de président de la République le 22 décembre 1999.

Au cours de son premier mandat, les salaires des Nigériens étaient à nouveau régulièrement payés à la fin de chaque mois. Ce qui n’était pas le cas avant son accession à la magistrature suprême. Le front social s’était aussi calmé et beaucoup d’opposants avaient rejoint le camp présidentiel. Il est réélu, en décembre 2004, au second tour avec 65,53 % des voix devant le chef de file de l’opposition, Mahamadou Issoufou. Certains commençaient à parler du « mystère Tandja ».

L’économie s’est redressée, le pays connait une relative paix malgré une résurgence de la rébellion touareg avec l’apparition du Mouvement des Nigériens pour la justice (Mnj). Face à ceux-ci, il avait fait preuve de fermeté en les qualifiant de « rebelles » et en refusant tout dialogue. De plus, les relations avec la France, ancienne puissance coloniale, étaient « bonnes ». Le président Sarkozy avait même fait le déplacement à Niamey, le 27 mars 2009.

Mamadou Tandja aurait pu partir tranquillement avec le sentiment du devoir accompli et entrer définitivement dans l’histoire de son pays comme le seul président à avoir terminé deux mandats sans être victimes d’un coup d’Etat. Il aurait pu également légitimement avoir sa place dans le cercle restreint des « sages de l’Afrique », ayant contribué à renforcer la démocratie dans leur pays. Son obstination à s’accrocher au pouvoir a réveillé les vieux démons de son pays. Les militaires, auteurs du putsch d’hier, ont finalement mis fin à sa boulimie du pouvoir. Il clôture ainsi tristement une longue carrière politique de 35 ans.

Mamadou GUEYE

lesoleil.sn

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