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Certains me diront qu’il est peut être trop tôt de rédiger un pareil article prétextant qu’il faut laisser Macky travailler. Je leur répondrai que Wade nous a appris au moins une leçon, c’est que le devoir de vigilance ne doit pas connaitre de répit. Les premiers actes d’un gouvernement le placent sur une pente positive sur laquelle il peut continuer allègrement sa route, ou au contraire l’enferment dans un cercle vicieux dont il aura du mal à sortir.

En écoutant Abou Abel Thiam sur la RTS, on peut se rendre compte facilement que la conception que le gouvernement de Macky Sall a de la transparence est quelque peu erratique, et sa compréhension du secret d’Etat hyperbolique.
Plus un État est secret, plus il est fort. On aurait cru entendre parler l’idéologue d’un parti communiste d’Europe de l’Est, ou un dirigeant du Parti Communiste Chinois.

Il convient de noter tout d’abord que la notion d’État fort me parait être un anachronisme dans un contexte postmoderne, où le citoyen est devenu le centre des préoccupations à travers ses exigences de transparence de bonne gouvernance et de reddition des comptes. La pratique du pouvoir dans le contexte actuel pose moins une exigence d’un État fort que celui d’un État transparent, juste et respectueux de la bonne gouvernance dans ses dimensions politique économique et sociale. C’est ce qui explique la floraison d’acteurs non étatiques dans la sphère publique, qui agissent en véritables contre-pouvoirs contre le Léviathan dont semble rêver Abou Abel Thiam.

Le présupposé derrière cette affirmation quasi-stalinienne est à mon avis celui de la primauté de la force de l’État sur sa transparence. Ainsi en liant le caractère fort de l’État à sa nature secrète, on affirme par là même que la transparence l’affaiblit. Plus un Etat est secret, plus il est fort revient à dire que plus un État est transparent plus il est faible. Or, le secret dans le cadre de la bonne gouvernance, ne saurait être la règle, mais plutôt une exception dictée par des circonstances extrêmes.

Cette affirmation trahit une conception infantilisante du peuple. En effet, si le peuple ne doit pas savoir, c’est parce qu’il ne peut pas comprendre. C’est en raison de son incapacité à s’élever pour entrer dans l’intelligence des « dossiers complexes» de l’État – autant dire dans le secret des dieux- que l’on doit le laisser dans l’ignorance totale.
Lier le caractère fort de l’État à sa nature secrète relève d’un mépris pour le peuple et d’une incompréhension totale des exigences de transparence d’un État moderne. Ce mépris n’est pas sans rappeler celui de Senghor qui pour instituer le régime présidentiel, prétextait l’immaturité de notre peuple et l’incapacité de notre système politique à faire face aux exigences du régime parlementaire.

Le Secrétaire général du gouvernement Seydou Gueye n’a pas lui aussi dérogé à cette règle du …secret lorsqu’il affirmait que le président avait déjà fait sa déclaration de patrimoine, et que c’était un non-événement. Il faut noter d’ailleurs que c’est dans la clameur d’une actualité judicaire et sportive très chargée que cette annonce a été faite; comme pour cacher la déclaration de patrimoine derrière la…bedaine de Balla Gaye 2.

Ces déclarations s’accompagnent dans les faits d’une véritable politique du secret dont la plus grossière manifestation se trouve dans les accords de défense signés récemment avec la France. En effet, les accords de défense signés entre Paris et Dakar (j’aurais du dire entre Sarkozy et Macky) n’ont jusque là fait l’objet d’aucune discussion, ni même à l’Assemblée nationale à travers sa commission des affaires étrangères, encore moins de divulgation. Pour rappel, on n’a jamais pu déterminer avec exactitude le contenu des accords de défense signés au moment des indépendances, tant ils étaient entourés d’un secret qui frisait l’omerta.
On ne peut d’ailleurs ne pas noter la rapidité avec laquelle l’accord Macky-Sarkozy a été signé, moins d’un mois après la prise de fonction du nouveau président. Si l’on connait le temps que ça prend généralement pour négocier des accords internationaux, une question légitime se pose à nous : quant a commencé la phase de négociation de ce traité?

Combinés à cet empressement suspect, le silence assourdissant et la communication sibylline autour de ces accords, nous installent dans une culture de l’opacité. Devra-t-on attendre, conformément à l’article 102 de la Charte, que ce traité soit enregistré au Secrétariat des Nations Unies et que ce dernier le publie pour en connaitre le contenu? A moins que les deux parties décident tout simplement de ne pas le faire. L’avenir nous édifiera.

Il est évident qu’aucune personne sensée ne peut demander à un gouvernement d’être une sorte de « maison de verre » où tous les dossiers se retrouvent sur la place publique. Cependant, l’obligation de transparence devrait aussi pousser un gouvernement à ne pas adopter une culture de l’opacité devenant ainsi un bloc de béton d’où rien n’échappe.

L’obligation de transparence à laquelle Macky souscrivait si allégrement en procédant dans une attitude presque jubilatoire à la lecture du rapport de l’IGE sur les chantiers de Thiès devant le corps diplomatique reste valable. Elle devrait être respectée par nouveau président à moins qu’il ne croie qu’elle s’applique aux autres et pas lui, ou qu’il ne soit rattrapé par…son passé maoïste.

Alioune Ndiaye
Montreal
[email protected]

3 Commentaires

  1. Moi je dirais pas de laisser Macky travailler mais plutot je dirais de reflechir avant de t’empresser de parler. Vous savez bien que ce que Wade a eu dans ce pays plus personne ne l’acceptera d’un president. Abel parle plutot du bavardage qui a caracterise le regime Wade ou tout se traitait sur la place publique.

  2. Mon cher frère,

    je trouve l’intention de l’article qui exige la vigilance très noble. Cependant il y a à redire sur la rigueur de l’analyse. Pendant que l’ancien régime a fermé les yeux sur des armes du MFDC qui transitent par le Nigeria et la Gambie, pendant que le Mali dijoncte avec les anciennes milices de khadafi et Aqmi, et que la mauritanie–on le sait–ne nous aime pas, pendant qu’un general de la zone sud démissionne parce que ses hommes ne sont pas aussi equipés que la politices anti-émeute de Dakar, tu veux que le président signe sur la place publique des accords de défense? On sait que Wade s’est débarassées de bases militaires francaises pour s’accaparer des terres, vu que sa boulimie est insatiable. Je doute fort que ce soit à cause d’une quête de souveraineté.
    Il n’y a jamais eu autant de transparence en si peu temps dans l’histoire politique du Senegal. La vigilance est une noble posture, mais quand même on ne peut pas tout de même tout mettre sur la place publique, c’est une question justement de sécurité nationale. Abu Abel Thiam a juste dit en terme très diplomatique que la presidence de la république va arreter d’être le marché sandaga qu’elle était sous Wade. Il ne faut pas aller chercher du leviathan et du stalinisme dans cette remise en ordre de notre république…à moins que tu ne sois envoyé par ton mentor idy pour décocher des flèches inopportunes et immatures sur Macky!

  3. Je ne sais si de l’hypocrisie, de la naïveté ou les 2 à la fois, mais nous reproduisons le syndrome de la wadomania ambiante de 2000. Les sénégalais n’aiment pas l’objectivité, nous aimons spéculer sur les consirations personnelles qui confortent nos désirs et même nos rêves chimériques. En ne posant pas certains actes attendus par les populations qui lui ont confié la gestion de l’état,Macky envoie un signe qui ne trompe pas. Trop d’opacité dans les actes pour augurer des lendemains meilleurs pour la bonne gouvernance. Pourquoi tous ce mystère autour de sa déclaration de patrimoine? Pourquoi n’y a t il pas un signe fort pour restaurer l’état de droit par le réglement du pillage des biens de l’état et des ressources publiques? Preparons nous à une opposition radicale pour imposer à ce wadiste la prise en compte des préoccupations des populations au lieu de verser dans l’angelisme béat qui fait notre réputation d’émotifs incapables de nous départir de notre subjectivité. Wassalam

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