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Face à la blancheur de la page, comme ce cœur généreux et immaculé, l’on se rend bien compte qu’il est difficile et terrible de rendre l’hommage mérité à cet être d’une exceptionnelle dimension : Jules François Bertrand Bocandé. Oui deux exigences renforcées par la douleur, la perte d’un être adoré peuvent constituer d’imposantes barrières : éviter la redondance et sacraliser des faits historiques qui ont jalonné un merveilleux parcours. Nous prenons donc le pari de nous acquitter d’un impérieux devoir, après cette succession encore ininterrompue de témoignages émanant de toutes les classes sociales, de femmes et d’hommes, de jeunes et de vieux qui, en des circonstances différentes et éloignées, vibrèrent grâce aux immenses exploits du monument de Boudody, du Casa, de Metz, Nice, Psg et des Lions du Sénégal.

Le devoir m’oblige donc à franchir la limite que nous impose notre sacerdoce, l’obligation de réserve imposée au juge, même sur l’aire de jeu. Par devoir et par amitié mais également et surtout grâce à notre bien commun, les couleurs nationales, je me permets, au nom du corps arbitral de mon pays, le Sénégal, de laisser aux vestiaires cartons et sifflets. Je voudrais aussi occuper cette place commune, celle du sportif qui a su vibrer face aux prouesses d’un libéro, devenu attaquant en passant par la zone intermédiaire, pour mieux incarner la polyvalence. Oui avec le sifflet, j’ai pu suivre jules, sur le terrain, en défense où il construisait quand d’autres dégageaient, en attaque où il se transformait rapidement en premier rempart dès la perte du cuir, par ses tacles limpides, ses charges régulières, pour mieux préserver un avantage acquis. C’est tout le symbole de cette rage de vaincre, de ce refus de perdre qui lui fait perdre la tête durant sa tendre jeunesse, lors d’une finale mémorable. Mais Bakary Sarr avait oublié depuis belle lurette, pour devenir le conseiller écouté, car la sanction n’a de sens que si elle élève et fait éviter les erreurs du passé.

C’est une merveilleuse leçon pour la vie et en toutes circonstances, c’est aussi une preuve de dépassement grâce à ce pas décisif dans sa propre marche vers les sommets. ll s’agit là d’une des plus belles recommandations que nous enseigne le sport, école de modestie, de courage et d’abnégation nous conduisant toujours à nous parfaire. Comme l’a montré Iules, le footballeur est avant tout un homme. Il était la parfaite synthèse de deux passions : le football et la patrie. Ses deux raisons de vivre se révélèrent au monde en cette belle soirée de septembre 1985 où il planta trois buts dans les filets du Zimbabwe. Dix sept ans après l’épopée glorieuse d’Asmara, avec son triumvirat célèbre (Lamine Diack, Mawade Wade et Joe Diop) le Sénégal avait le droit de disputer une Coupe d’Afrique des Nations.

Et malheureusement, au moment où ces lignes sont écrites, comme un signe du destin, la liste noire s’allonge avec une autre perte cruelle: celle de Doudou Diongue, ce petit attaquant qui appliquait à merveille cette sentence : la première qualité d’un attaquant c’est le culot. lls vont rejoindre leur guide Mawade dans cet édifice sacré que le football leur a construit. C’est pour moi l’occasion de révéler ce bien commun et éternel qui m’unissait à ]ules : Mawade Wade. Ce n’est point un hasard si le Décideur, par les voies, qu’il est Seul à connaître avait déjà facilité une telle relation, une complicité sans limite. Le Sénégal vivait l’ère coloniale et l’avant-garde de la lutte de libération se retrouvait particulièrement chez les instituteurs. Par son combat farouche sur les plans syndical et politique Mawade le citoyen «français» (parce que né à Saint louis] dérangea. C’est ainsi qu’il fut déporté tour à tour à Kaolack, Kolda, Sindone et Ziguinchor où il rencontra le père de Jules. Ensemble ce duo Wade-Bocandé organise la riposte particulièrement au cours d’une marche dans les rues de Ziguinchor.

L’amitié du père fut cultivée par l’enfant ]ules, vouant à Mawade un amour filial, un respect rigoureux que ce dernier lui rendit, paternellement, au niveau de toutes les structures et instances nationales, continentales et mondiales où il était impliqué. Puisque bon sang ne saurait mentir, l’on peut comprendre aisément que Jules qui a de qui tenir, puisse devenir ce patriote intransigeant, durant sa si courte présence sur cette terre. D’autres images, par leur éclatante beauté, défilent encore dans ma mémoire, mais je ne saurais laisser sous silence celle-ci : la générosité. Elle se traduisait par sa hargne sur le terrain, sa farouche volonté d’aller jusqu’au bout de ses limites, pour gagner, porter au firmament le flambeau, se défoncer sans compter, pour ce maillot national si sacré pour lui. Et c’est également cette générosité du coéquipier que l’on retrouvera en quarts de finale de la coupe de l’Uefa, au Nou Camp où Barcelone fut éliminé par le FC Metz (4-1). Bocandé ne marqua pas ce jour mais il fut l’auteur des quatre passes décisives. En dehors du terrain, cette vertu le contraignait à partager tout ce qu’il avait. Il savait offrir discrètement sans aucun calcul. Il ne gardait pas dans des comptes mais il savait sauvegarder les relations humaines. Et pour reprendre le poète, il a droit «qu’à son cercueil la foule vienne et prie», pour rendre l’hommage mérité à ce digne fils de la Nation, emporté par le stress accumulé sur les aires de jeu, au service de la patrie.

Hommage des membres de la Fédération des arbitres du Sénégal

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