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Quand on rappelle cette histoire ahurissante de la loi Blaise Diagne et qu’on raconte en même temps le récit d’Athènes, on peut véritablement se retrouver la paume de la main à la bouche. L’œuvre de ces deux types d’espace soigneusement revisitée aboutit facilement à des conclusions courtes. Ils ont été juste des types de démocraties limitées, réservées à des types de classes classés arbitrairement. Mais le second plus ouvert et ambitieux que le premier a resplendi en étant radical, car des milliers de citoyens réunis quarante fois par an exerçaient directement son pouvoir. Il faut oser dire que de tout temps le type grec est jaloux de sa liberté. Il s’est battu à mort pour vivre dans une démocratie bien définie. Passionnément, sans complaisance, sans rancune, il discutait et avait le flair pour déceler les failles du rhéteur et démasquer les faux-monnayeurs.

Comme un phare, vingt-cinq siècles plus tard, l’éclat de ses querelles continue de se projeter sur la surface de la terre. Cet héritage est quelque part inatteignable. Et nous ? Quel type de Sénégalais sommes-nous ? A quand notre tour de disputes, de joutes oratoires, d’imaginations fertiles au sujet des choses politiques ? Le monde prend de l’âge. Beaucoup de générations se sont faites entendre. Beaucoup de peuples rêvent d’être premiers. D’autres sont obligés d’agir ne serait-ce pour ne pas faillir à l’impératif pieux : «Tu travailleras à la sueur de ton front». Donc le moment de vérité est arrivé. Il faut aller au champ, conseillait La Fontaine. L’heure pour prendre la parole à sonner. Sommes-nous capables de changement, de débat véridique ? Allons-y ! Dire la vérité, c’est commencer par reconnaître que même les jumeaux ne sont qu’un leurre. Ils ne sont identiques qu’en apparence. C’est la contradiction qui est consubstantielle aux choses. Le type ou l’essence anthropologique est un contraire ambulant. On ne peut pas avoir les mêmes opinions en toutes choses. De ce fait, s’il y a des discours qui inondent l’espace public au point de me mouiller les pieds, si je pense autrement, la détonation de mon argument rival devrait être communiquée.

Ce communiqué s’articulera autour de ces questions : quel type de Sénégalais av(i)ons-nous : un citoyen, un indifférent ou un opportuniste ? Si le nouveau type de Sénégalais n’est motivé que par la passion du prestige et de l’argent, comment peut-on attendre de lui la défense du bien commun ? Doit-on céder les chaises en velours aux aristocrates ? L’avis des sots politiques vaut-il plus que l’indifférence politique de notre élite ? Comment distinguer la discorde du débat, l’anarchie de la liberté ? Quand les Tic font et défont les rois, qui saura mieux se faire entendre des populations : le vertueux ou le démagogue ? On voit donc que la question des députés n’est pas uniquement un sort de dépités. La démobilisation des citoyens transcende les urnes et faufil entre nos interrogations. Nous devons sérieusement intercepter les difficultés qui découlent de la mise en œuvre de nos principes démocratiques, identifier les obstacles auxquels ils se heurtent, les analyser, en débattre sur le vif. Toutes ces questions litigieuses sont possibles par la faute des libéraux qui viennent d’être à nouveau corrigés dans le troisième tour des élections. Notre problème n’est pas l’élection. Elle se tient régulièrement. Le peuple reste souverain. Le 23 juin est la preuve que Rousseau est vivant. Notre problème, celui du type de Sénégalais, est confondu dans l’avortement de cette hyper-présidence aux allures de monarchie élective. Les fidèles de Gorgua (le vieux Wade conjugué au passé) ont secoué ce pays. En politiques immoraux et presque amoraux, ils ont fait trembler beaucoup de tombeaux des Saints qui ont inondé notre pays de prières et de preuves de sagesse. Leurs 12 ans en lambeaux ont été lamentables. Ils ont été l’orage d’effritement de nos valeurs traditionnelles.

L’ancien type de Sénégalais représentait une éducation qui ne communiquait que le sang-froid, la sincérité, la solidarité et le respect. Et dans notre histoire, à chaque fois que la politique malmenait ces valeurs cardinales qui entraient en désuétude par la suite, certaines réponses sociopolitiques étaient esquissées pour remettre les habits au type sénégalais qu’on tentait de dénuder. C’était le cas dans des années 1980. Là, le charismatique et sérieux professeur Bachir Diagne, en voix autorisée, renseigne qu’il a été avancé un moment l’idée d’établir, pour l’éducation des jeunes générations, ce qu’on a appelé une «table des valeurs» auxquelles l’homo senegalensis devrait se conformer, en indiquant quelles seraient également les «anti-valeurs» à rejeter. Du coup on ne chante pas une identité, on la construit. Le cri de protestation du nouveau type Y’en a marre ne doit même pas figuré sur le chemin de la recherche des causes du brouillard. Un cri de détresse est juste une réaction. Peut-être on est menacé par quelque bête féroce qui ne manque pas dans nos environs. Le cri de détresse n’est jamais une solution. C’est juste un murmure, et un grondement qui montent de l’abîme. Il renseigne sur un danger. C’est l’exemple de Gorgua qui a crié 25 ans + 12 ans : Sopi ! Le cri ne peut pas être un projet politique. C’est au mieux un type de prépolitique. Il appelle au secours et s’écrie : viens, viens, viens, il est temps, il est grand temps !

Quand il s’agit des choses sérieuses comme la politique, on pense et passe à d’autres types : des philosophes, des juristes, des économistes, des scientifiques, des historiens qui doivent accourir pour circonscrire et éteindre le feu. Ils feront usage de leur compétence avérée pour faire face aux événements. Il revient à ces types qualifiés, et à eux seuls de rendre compte du déterminisme. Donc ne confondons pas le type agressé au commissaire, encore moins le type malade au médecin. Nous ne théorisons pas le pouvoir aristocratique même si nous le préférons au scandale libéral qu’on a connu. C’est impossible de tenter une aristocratie, car il y a une démocratie participative, et la confiscation du pouvoir par une caste politico-technocratique n’existe pas. Que valent Farba Senghor et Karim Wade, ces ex extra ministres ? Dans quelle université ou centre sont-ils sortis ? Que dire de toute cette horde de non diplômés dont le seul mérite est d’avoir été les courtisans de Gorgua ? Si le pouvoir d’un seul qui conduit à la tyrannie et à la folie a toujours excédé, il faut reconnaître qu’on a clairement choisi d’être à côté du peuple. Mais après avoir reconnu qu’il n’est de régime qui ne sécrète pas ses propres poisons, nous préconisons qu’en temps de crise politique, il est plus sage qu’on siffle la récréation des types innommables, et qu’on s’en remette purement et simplement aux capables pour assurer notre survie.

On s’est toujours préoccupé de cette histoire des types compétents ou moraux. Ce débat est d’hier. Il s’est juste remué dans sa tombe. Il a poussé les mottes de terres pour surgir à nouveaux. Cette fois c’est avec Gorgua qui, en force d’aliénation culturelle, a essayé de nous déposséder de notre sincérité. Il a tellement forcé son discours au point que le Sénégalais, bien habillé, a cru qu’il était tout nu et sans culture. S’agit-il dans ce cas d’un problème sémantique du type ? Ou faut-il simplement dire que le type sénégalais est moral mais un sous-type nouveau et immoral est sorti de ses flancs ? C’est en considérant ces ratés de notre démocratie désenchantée, en mesurant le fossé toujours incomblé entre le peuple et l’élite, en flairant l’alternance d’espoirs et de déceptions rythmant la vie électorale, bref ce qu’il est convenu d’appeler la crise du système représentatif, qu’il nous a paru utile de revisiter notre histoire politique, cette trame de la marche d’une génération de pouvoirs, pour tenter de comprendre ce qui ne tourne plus rond dans notre type de système politique actuel, ce que nous devions espérer ou craindre de lui.

Notre problème avec le «type» est dans la sociopolitique des tard-venus. Il est nouveau. Il y a justement un nouveau type qui nous mène la vie dure. L’homo senegalensis a changé et veut changer davantage. Il se mêle de tout. Il est expert ou consultant en toutes choses. Il peut tout. Il est dans tout. Il confond tout. Il est le caméléon. Il est un manipulateur. Tout devient faux et oblique et monstrueux. Permettez-moi alors d’emprunter ce cri de détresse de la Sibylle qui disait, ivre sans avoir bu : «Malheur, tout à présent va de mal en pis ! Déchéance ! Déchéance ! Jamais le monde ne chût si bas. Rome finit en putain pour mourir au bordeau, Son César déchu en bête et Dieu lui-même – devenu juif !» Entre César et la bête, entre Dieu et le juif, nous ne choisirons jamais de mettre le bulletin nul dans l’urne, à moins que nous ne soyons borgnes ou athées. Maître El-hadji Diouf a plus de valeur et de mérite que beaucoup de types d’élus. En avocat, il a aidé beaucoup de compatriotes. Il a contribué avec son argent au fonctionnement du pays. Il a parrainé un grand nombre de galas de lutte. Il le faisait souvent sans rechigner, peut-être parce que c’est une marque de distinction sociale. On ne saurait pourtant se dire bon citoyen encore moins bon croyant si on se soustrait à ses obligations financières quand on a les moyens d’y satisfaire.

Sa déception lui aura appris que parler et se battre jusqu’au sang pour son peuple ne suffiront plus. Peut-être, pour revenir en force dans notre type de démocratie présentable comme une affaire de profit, il lui faudra, à l’image des autres types de candidats, une milice privée à nourrir, des talibés à dresser et à entretenir pour bien bénéficier des avantages et des types de distributions exceptionnelles à l’Assemblée. Sans aucune provocation ou insinuation malheureuse, on a une politique de parjures et des parjures dans la politique. Molière aimait rappeler que même en manquant de mémoire, on peut se parjurer. Combien de faux et de violation de serments il y a eu, ne serait-ce qu’à partir de ces élections législatives de 2012 ? La démobilisation généralisée depuis le vote des militaires est un parjure. Car le vote est un devoir civique. Mais si le nombre fait la loi, qui s’opposera aux égarements du nombre ? Le Nouveau Type de Sénégalais dont parle tant ce groupe de rappeurs est à leur image : il n’est riche qu’en grimaces et en parures. Il est désordonné, imprévisible et scandaleux dans ses choix.

* (A Suivre)

Ndéné MBODJI

Président du mouvement politique

Raak Rek (le combat) Benno ak Tanor

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