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Rien de très original dans l’idée d’une Chambre de Commerce Sénégalaise à New York, car des Chambres de Commerce, il en a toujours existe. Il n’en demeure pas moins, qu’elles constituent, si elles sont bien pilotées, des leviers de promotion économique efficaces pour les petites et moyennes entreprises appartenant à nos compatriotes de la diaspora.

C’est le cas en particulier pour la ville de New York où, malgré un climat économique quelque peu morose, des opportunités d’affaires existent avec la présence d’une communauté Sénégalaise entreprenante et dynamique, qui se bat depuis de nombreuses années pour monter des entreprises privées et s’insérer dans les circuits économiques Américains.
On ne peut passer sous silence leurs efforts et investissements dans leur quête du “Rêve Américain” et de l’émancipation économique et ne pas éprouver admiration et respect pour leur éthique du salut par l’effort personnel et leur éthique du travail comme moyen de sanctification.
De la restauration, aux technologies de l’information en passant par le textile et l’habillement, le transfert de devises, l’import/export, la coiffure, le commerce de détail, l’alimentation, la téléphonie, “le capital management” ou la gestion de portefeuille, le consulting, la presse et la communication, les services comptables et les agences de voyage, leurs activités s’étendent et emploient des centaines de Sénégalais dont l’impact sur des centaines de familles au Sénégal reste vital.
Cependant, à l’analyse de leurs stratégies sectorielles d’investissement on note leur absence dans la satisfaction d’une demande privée importante provenant des grandes entreprises Américaines (Procure ment) et d’une demande publique forte émanant de l’Etat de New York et de la ville de New York, dans des secteurs à forte valeur ajouté et à forte intensité de main d’œuvre, ayant pour objet de soutenir l’activité économique par le biais des petites et moyennes entreprises, qui aujourd’hui sont les principaux créateurs d’emplois. A cet égard, l’Etat de New York à lui seul vient de mettre sur pied un fonds spécial de 750 Millions de Dollars pour un second round de développent économique, avec des centaines de projets dans des domaines aussi divers que le transport, la rénovation d’édifices et de parcs et l’économie verte, etc.…
Au titre de l’année fiscale 2011, les “minority owned business” (entreprises appartenant à des minorités) travaillant sous le parapluie du MBDA (Minority Business Development Agency du Ministère du Commerce Américain) ont enregistré un record époustouflant de 4 Milliards de Dollars en termes de contrats, marchés et concours en capital de la part de la puissance publique. Pour la période 2009-2011, ce montant s’est élevé a 11 Milliards de Dollars, avec 16,300 nouveaux emplois crées dans différentes communautés dont 5,780 pour l’année 2011.
En outre, c’est une valeur de 400 Milliards de dollars qui est accordée par an, à titre de dons, aides, subventions et concessions aux entreprises Américaines et à diverses organisations, par le biais de la puissance publique et de 75,000 fondations Américaines. S’il est vrai que les conditions d’éligibilité à ces fonds peuvent parfois être draconiennes, la volonté d’investir du temps et de l’énergie pour les localiser et de soumettre une demande sous forme de projet peut être profitable et rapporter gros.

Et pourtant de par leurs statuts de minorités et de femmes dirigeants d’entreprises dans l’Etat de New York, s’acquittant de leurs obligations fiscales, nos entrepreneurs ont droit à une partie de ces marchés et contrats. Le savent-ils? Si oui, maîtrisent-ils les procédures leur permettant d’y accéder? Ont-ils les capacités techniques nécessaires et les surfaces financières adéquates pour soumissionner dans le cadre de ces contrats et les exécuter au cas où ils y auraient accès? Autant de questions auxquelles les réponses sont négatives sur la base de nos entretiens.
Ici réside l’une des faiblesses majeures de ces entrepreneurs Sénégalais dans un monde économique complexe et globalise avec des structures multiples et en interactions permanentes: l’absence d’une pratique de l’intelligence économique dont la veille et la prospective, qui ne leur permet pas de percevoir les menaces et/ou opportunités sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour infléchir leurs stratégies de croissance et de développement. Car la maitrise de leur environnement informationnel par une gestion stratégique de l’information (son accès, sa lecture et son traitement pour lui faire produire un effet de connaissance valable pour l’action) doit constituer un des moteurs essentiels et indispensables de leurs performances. Ils ne peuvent s’en passer.
Quand en 2002, les Pêcheries Frigorifiques du Sénégal ont débuté l’emballage du thon dans des pochettes scellées sous vide pour les supermarchés Européens, il n’existait aucun relais dans la communauté entrepreneuriale Sénégalaise de New York pour prospecter ce segment du marché Américain pour un produit qui fait partie de la liste des 6800 articles agrées au titre de l’AGOA et exempts de droits de douane à l’entrée du territoire Américain. Ce ne fut qu’en Mars 2005 que l’entreprise en participant au Boston International Food Show a pu trouver un broker désireux de passer une première commande de 200.000 unités. C’est l’exemple d’opportunités qu’une Chambre de Commerce, par l’accès à la maîtrise de l’information économique, peut offrir à ses membres et du même coup participer à la promotion des exportations du Sénégal aux Etats Unis dans le cadre de l’AGOA qui aujourd’hui se chiffrent a 7 Million de dollars seulement.
En permettant aux entrepreneurs Sénégalais d’accéder à de nouveaux marchés et de saisir de nouvelles opportunités, une Chambre de Commerce dans le cadre de ses missions et services pourrait les accompagner et les assister dans les procédures de certification et de qualification aux statuts de “minority business owner” et de “women business owner”; les outiller techniquement et les préparer financièrement (capacity building) et enfin leur assurer le lobbying nécessaire auprès des autorités municipales et étatiques de New York et des autorités fédérales.
L’efficacité et la viabilité des Chambres de Commerce appartenant à des minorités aux Etats Unis n’est plus à démontrer. A titre d’exemple, nous citerons l’action des Chambres de Commerce Noires Américaines qui regroupent 621.000 petites et moyennes entreprises et dont les profits en 2007 totalisaient 32,2 Milliards de dollars. Avec un support sur les plans administratif, technique et financier, ces profits sont passés à 43 Milliards de dollars en 2011 et leurs parts des contrats au titre de la demande publique de 18% à 25%. A cet égard, nos entrepreneurs doivent augmenter leur vitesse d’action et de réaction en misant sur les valeurs immatérielles de l’intelligence et de la connaissance et passer à des modèles organisationnels en réseau. C’est cela aussi qu’une Chambre leur apporte.
Il nous est apparu aussi, et cela constitue un autre volet, que cette Chambre de Commerce Sénégalaise à New York pourrait être un espace de mutualisation des moyens de nos entrepreneurs pour leur permettre de s’engager dans de plus grands projets ici aux Etats Unis et particulièrement au Sénégal à travers des missions économiques en joint venture avec des partenaires techniques et financiers Américains. Car il s’agira pour la Chambre de Commerce Sénégalaise à New York de promouvoir le Sénégal comme une destination d’investissement et une destination touristique.
Vendre le Sénégal comme des destinations d’investissement et touristique
Il nous semble particulièrement important de souligner ici l’évolution du sentiment global que l’Afrique inspire aux investisseurs Américains depuis 2006.
C’est en 2006 que le Council on Foreign Relations publia un rapport sur l’Afrique à travers lequel il demandait au monde de prêter attention à ce continent pour 3 raisons stratégiques: d’abord à cause de ses ressources, ensuite à cause de sa position géographique en termes de sécurité, et enfin comme épicentre de la lutte contre le sida.
En 2007, avec la baisse des prix du baril de pétrole et la hausse des prix des matières premières, on enregistre quelques incursions en Afrique à travers les “hedge funds” qui saisissent l’opportunité d’y investir sur de courtes périodes pour faire des profits rapides.
En Juin 2010, Mc Kinsey Global Institute publie son premier rapport sur l’Afrique: “Lions on the move: the Progress and Potential of Africain Economies.” C’est aussi pour la première fois pour Mc Kinsey de s’adresser aux “Fortune 500 CEO” pour leur dire: “L’Afrique est un oasis de croissance pour l’investissement”. Ce fait est inédit.
En Aout 2010, le magazine économique et financier Barron’s depicte l’Afrique en son cover page comme la nouvelle frontière en matière d’investissement. Ce fut une première pour un magazine économique financier d’un pays occidental.
En Septembre 2010, l’Assemblée Générale des Nations Unis, le Clinton Global Initiative et la réunion du Millenium Challenge Corporation se tiennent à New York, dans la même semaine; l’Afrique et le potentiel économique qu’elle représente sont au cœur des discussions et débats; dans cette même semaine, il y’eut des annonces de cinq puissantes firmes Américaines sur leurs performances et futures stratégies en Afrique.
Coca Cola, Ford Motor Company et Harvard University Endowment annoncèrent que l’Afrique constitue leur marché en plus forte croissance et en offre les meilleures perspectives.
IBM et Wal-Mart se lancèrent respectivement, l’un dans un deal de 1 Milliard et demi en Afrique de l’Est avec la firme Barthi Airtel et l’autre dans l’acquisition de Massmart (Centre commercial) en Afrique du Sud pour 4 Milliard de Dollars.
Aujourd’hui, il n’existe pas aux Etats Unis une firme tournée vers l’international qui n’ait pas une stratégie d’investissement sur l’Afrique.
Du coté des destinataires, ce réveil des investisseurs Américains par rapport aux potentialités qu’offre l’Afrique en termes d’investissement s’accompagne d’une compétition intense pour capter ces flux financiers. En témoigne l’exemple du Kenya qui s’est lancé dans la création d’un parc technologique (Technopole) sur le site de Konza a 60 km de Nairobi sur une superficie de 2000 ha pour un montant de 15 Milliard de dollars sur une période de 20 ans.
Au cours des 5 dernières années, la Zambie a enregistré une croissance de 93% des investissements directs étrangers sur son sol, alors que le Ghana, le Botswana, la Tanzanie, les Iles Cap Vert et l’Ile Maurice continuent d’en attirer des parts importantes.
Et pourtant notre pays, le Sénégal, ne manque point d’atouts pour attirer ces investisseurs à la lumière de la stabilité politique qu’il offre. Les derniers cycles électoraux ont poli l’image du Sénégal comme un modèle de démocratie en Afrique et dans le monde, au point ou il ne représente pas un risque politique. Aucun instrument de promotion ne sera de trop pour vendre le Sénégal comme une destination d’investissement et une Chambre de Commerce Sénégalaise à New York jouera parfaitement sa partition dans ce travail de promotion.
Comme destination touristique, cette Chambre pourrait se doter des outils nécessaires pour promouvoir le Sénégal, par une bonne segmentation de la population touristique Américaine à travers différentes catégories (historique, culturel, ethnique, environnemental, aventurier, sensuel, etc.….), une bonne connaissance de leurs gouts et motivations et une diffusion adéquate de l’information sur notre géographie, notre patrimoine culturel, nos infrastructures touristiques et l’hospitalité de notre peuple.

Ce sont là, des raisons parmi tant d’autres qui militent en faveur d’une Chambre de Commerce Sénégalaise à New York.

Nous ne pourrons conclure sans mentionner l’enthousiasme que ce projet suscite tant au niveau des entrepreneurs Sénégalais à New York, qu’au niveau des autorités consulaires, le soutien dont il bénéficie aujourd’hui et l’apport considérable dont il pourrait se prévaloir de la part de personnes ressources, d’excellente qualité, prêtes à s’engager pour en faire une réussite totale. La Communauté Sénégalaise aux Etats Unis regorge de véritables talents, professionnels compétents et accomplis dans leurs domaines respectifs et leurs contributions ne seront pas des moindres.

Participer au progrès économique et social de notre communauté ici aux Etats Unis et à celui du Sénégal constitue la raison d’être d’une Chambre de Commerce Sénégalaise à New York. Nous invitons toute la communauté à se joindre à l’effort pour en faire un succès.

Par Moussa Signate
New Jersey, USA

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