1988 : Comment Diouf A Déjoué La Tentative De Coup D’etat Du Général Tavarez

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Nous étions en 1984 ou 1985, et je pris alors la décision de nommer Tavarez, qui était donc à la tête de l’ANAD.

Cependant, dès que je l’eus nommé, quelqu’un attira mon attention sur le fait qu’il était réputé comme étant un adepte du coup d’Etat. Cette mise en garde ne me fit pas changer de décision. Je gardais ma confiance en l’homme, surtout que je l’avais tiré d’affaire quelque temps avant. En effet, un jour, le ministre des Finances, Mamoudou Touré, vint m’informer qu’il voulait faire émettre par ses services un ordre de recette très important concernant Tavarez. La raison était que ce dernier, durant tout son temps de service à l’ANAD, en plus du salaire qu’il y recevait, avait continué de percevoir sa solde de l’armée sénégalaise.

Lorsque j’interrogeai Tavarez, il me répondit qu’il avait agi en toute bonne foi, car il pensait que son salaire du Sénégal devait venir en appoint de celui de l’ANAD. Je décidai, par une interprétation généreuse, d’accepter l’explication du général Tavarez.

Je laissai donc passer. Mais comme le dit l’adage wolof : «Ku yar sa mbër ba nopi ci yow lay dal.»(Quand vous avez engraissé un lutteur, vous êtes sa première victime.»

Je rappelle que Tavarez me fut d’une grande utilité en 1988, alors que Wade était en prison. En effet, il me rendait régulièrement compte des discussions qu’il avait avec un Français installé au Sénégal, où il exploitait une droguerie. Cet homme ne cessait de le pousser à fomenter un coup d’Etat. Selon ce Français, la situation insurrectionnelle du pays était tout à fait favorable à une telle opération, qui d’ailleurs s’avérait être, à ses yeux, l’unique solution pour sortir le pays de la crise dans laquelle il le voyait. Après chaque rencontre avec lui, Tavarez informait le ministre des Forces armées, qui à son tour me rendait compte. Nous en arrivâmes ainsi à reconnaître en Tavarez quelqu’un de loyal. Il nous dit aussi avoir mis plusieurs fois à la disposition du Français, qui le lui avait demandé, une voiture de l’armée et un sergent, pour aller voir Abdoulaye Wade en prison. Par la suite, les choses prirent rapidement une autre tournure.

Le Gl Tavarez, Wade et le mercenaire français

Avec le recul du temps, à l’instant où j’écris ces lignes, je rends à nouveau grâce à Dieu et me réjouis de ce que notre cher Sénégal ait, jusqu’ici, échappé aux tentatives de coup d’Etat qui furent légion en Afrique au lendemain des indépendances. Je souhaite vivement qu’il en soit ainsi pour toujours. Si nous n’avons pas connu cette atteinte à la démocratie, il me semble que c’est en grande partie parce que, terre de vieille culture politique et de tradition démocratique bien ancrée, le Sénégal a eu également la chance d’avoir une armée républicaine faisant corps avec la nation. Nombre de ceux qui composent notre armée, sous-officiers comme officiers, après de solides études dans le cursus scolaire, ont embrassé ce métier avec amour et dévouement. Formés dans les grandes écoles militaires, ils sont donc pour la plupart des hommes de culture avec une profonde connaissance de l’Histoire et des grandes idées qui en ont été les moteurs.(…)

C’est notamment pour toutes ces raison, me semble-t-il, que nous avons été épargnés de cette gangrène qui, au moment des indépendances et plus d’un demi-siècle après, a dangereusement contribué aux contorsions d’une Afrique sortie de la nuit noire de ses multiples traumatismes qui ont pour nom : traité négrière, colonisation, apartheid,etc.

Je voudrais aussi dire qu’il y a toujours, dans la vie des peuples et dans la marche des nations, des signes apparemment anodins mais qui participent de ce qui imprime le cours de l’Histoire. A ce sujet, et parlant de coup d’Etat, j’ai une pensée reconnaissante pour une dame, haut magistrat du Sénégal, qui à un moment donné m’a aidé à déjouer ce qui aurait pu nous priver de notre exception.

En effet, un jour, alors que j’étais débordé de travail, mon secrétaire, Aloïse Mbengue, me transmit une demande d’audience de Mme Andresia Vaz, conseiller à la cour d’appel de Dakar. Mme Vaz insistait beaucoup pour me rencontrer dans la journée. Je marquai mon étonnement devant cette demande pressante, le fait étant rare d’adresser une telle demande à un chef d’Etat en fixant même les délais. Assez rare pour être souligné.

Lorsque mon collaborateur revint à la charge une deuxième puis une troisième et une quatrième fois, toujours à la suite de l’insistance de Mme Vaz, je finis par lui fixer une audience à 19 heures. Avant l’heure convenue, plusieurs questions tournèrent dans ma tête, et je cherchai à deviner l’objet de cette demande. Me vint subitement à l’esprit le fait que j’avais été informé de la mise aux arrêts de rigueur d’Assane Mbodj, son mari. Mais je ne poussai pas trop loin dans cette direction, me disant qu’après tout Andresia n’allait pas me demander de m’immiscer dans les affaires internes de l’armée, surtout si la mise en cause de son mari était justifiée. En remontant dans le temps, je conclu que cette piste dans laquelle je m’engageais ne devait pas être la bonne.

En effet, je connaissais Andresia depuis très longtemps, depuis 1960 ; je l’avais connue à la même époque que Diatou Camara, la mère de mon fils Pedro. Elle était en classe de première au lycée, alors que je commençais ma carrière administrative à mon retour de France. Après l’obtention de son baccalauréat, elle avait fait son droit puis entamé sa carrière avec le parcours qu’on connaît sans jamais m’avoir demandé quoi que ce soit. Je ne pensais donc pas qu’elle pût venir me demander une grâce pour son mari. Ce jour-là, en fin d’après-midi, lorsque je reçus Mme Vaz, par amour pour son pays, par attachement au respect du fonctionnement des institutions, par amitié pour moi et pour soulager une de ses amies dont le mari était mêlé à cette affaire, elle me mit au courant de la préparation d’un coup d’Etat qu’orchestrait le général Tavarez.

Très surpris de cette information, je lui parlai du comportement de Tavarez. Mme Vaz me confirma l’arrêt de rigueur d’Assane Mbodj et ne manqua pas de souligner qu’elle restait totalement en dehors de cette affaire. De nos échanges, je compris que Tavarez avait convoqué le colonel Gomis, chef des parachutistes, afin de lui demander son appui pour son projet. Gomis devait sauter sur le Palais pour s’assurer de ma personne et de ma famille. Gabar Diop, chef des blindés, avait été lui aussi invité à participer à l’opération. Ni l’un ni l’autre n’avaient donné de réponse ferme. Tavarez avait sollicité également Didier Bampassy, chef des commandos, qui, un moment, avait été l’aide de camp du président Senghor à la suite du capitaine Barthélémy Faye ; il avait donné son accord.

Mais un grain de sable finit par enrayer la machine, ce qui sauva le Sénégal. Gomis avait parlé de cette affaire à sa femme. Prise de panique, celle-ci s’était confiée à son amie, Mme Vaz, dont elle était très proche. Mme Gomis avait craqué à l’idée de voir son mari entraîné dans un engrenage qui pouvait lui coûter cher et déstabiliser également le Sénégal.

Dès que j’eus fini d’écouter l’exposé de Mme Vaz, je convoquai immédiatement Jean Collin et Médoune Fall, à l’époque ministre des Forces armées, pour partager avec eux l’information et recueillir leur avis. Coumba Diouf Niang, inspecteur général des Forces armées, assistait également à la rencontre. Ils me suggérèrent de mettre Tavarez en confiance et de bloquer la manœuvre.

1988 : Comment Diouf a déjoué la tentative de coup d’Etat du général Tavarez
Le coup de main d’Andresia Vaz

Les choses n’étaient pas aussi simples, parce que nous ne disposions pas de preuves sur ce qui venait de nous être rapporté. Je convoquai donc Tavarez immédiatement dans mon bureau, en pleine nuit. Quand nous nous retrouvâmes tous les deux seuls, je lui dis : «Mon général, j’ai vu toutes les lettres que vous avez envoyées au ministre des Forces armées. J’admire votre loyauté.» Un fait me revient en mémoire pendant notre conversation. Au début des émeutes, j’avais convoqué tous les chefs militaires pour leur signifier que, quelles que soient les circonstances, je leur interdisais formellement de tirer sur les foules. Tous les officiers présents avaient acquiescé. Tavarez avait été le seul à élever la voix pour me dire que la situation justifiait qu’on tirât sur elles. Il avait fallu que je lui rappelle de façon très ferme que j’étais responsable de mon peuple et chef suprême des armées, et que, qu’elle que fût la situation, j’interdisais qu’on tire sur les gens. Ce rappel me semble nécessaire pour montrer davantage le type de personnage auquel j’avais affaire.

Donc, quand j’eus fini de rassurer Tavarez, je luis fis comprendre que je comptais sur lui. Je lui demandai de neutraliser l’intendant Oumar Ndiaye, principal instigateur de cette opération, et de me rendre compte. Mais, entre-temps, j’avais discuté avec mes collaborateurs, et décision fut prise de ne fournir d’essence ni aux blindés, ni aux commandos, ni aux parachutistes. Les véhicules restèrent ainsi cloués au garage.

Quant à Tavarez, je lui donnai des garanties pour son avenir, en lui rappelant ce qui était d’habitude réservé à tous les chefs d’état-major qui avaient bien servi. Ils étaient tous nommés ambassadeurs. Je le rassurai à nouveau, lui demandai une dernière fois de mettre Oumar Ndiaye hors d’état de nuire, de bloquer le processus, et de s’apprêter à aller à Bonn comme ambassadeur. Parallèlement à cette discussion destinée à mieux le maîtriser, je procédai avec mes services chargés de la sécurité et du renseignement à d’autres investigations.

Sous la houlette de Mamadou Mansour Seck, à l’époque mon chef d’état-major particulier, je fis arrêter le Français. Cette affaire dépassant les limites d’intervention de la police ordinaire, on le mit au bureau de sécurité de la Présidence de la République pour un interrogatoire, lequel donna lieu à un compte rendu détaillé sur cette tentative de déstabilisation de notre pays. Je fis transmettre un rapport à l’ambassadeur de France et lui parla longuement au téléphone. Le Français était bel et bien passé aux aveux, mais je n’avais aucunement l’intention de lui faire un procès. Mon seul souhait était que l’ambassadeur lui fasse quitter immédiatement le territoire sénégalais par le premier avion en partance pour la France. D’ailleurs, il n’était pas dans mes intentions de signer un arrêté d’expulsion. Je raccrochai donc avec l’ambassadeur, après m’être assuré que les dispositions allaient être prises pour le départ de Français.

Il fut effectivement mis dans un avion pour la France dans la soirée même. A son arrivée, une voiture l’attendait à l’aéroport. Il se mit au volant, tourna la clé de contact, et il y eut une explosion. Tout s’arrêta là. On ne put jamais remonter la chaine pour savoir de qui il recevait des instructions.

Mais ce qui est sûr, c’est qu’existent dans tous les services secrets des éléments non contrôlés, des agents doubles, et même des agents triples.

En réfléchissant, j’ai compris que Tavarez essayait depuis longtemps de nous endormir, et préparait déjà son coup. Comme preuve de cet endormissement, un jour, à l’aéroport de Dakar, j’entendis Jean Collin parler de la création par Mme Tavarez d’un mouvement de soutien pour ma réélection. Lorsque je demandai des informations sur cette initiative, entre autres sur la personne qui lui en avait donné l’autorisation, le général Tavarez vint devant moi au garde-à-vous. Il me dit alors que c’était lui-même qui avait demandé à son épouse de mettre en place un comité de soutien pour ma réélection.

J’ai déjà raconté ce que Tavarez tramait. Si je n’avais pas fait montre de responsabilité, et laissé impunis ces actes, on allait droit à la catastrophe. D’ailleurs, j’ai toujours mal au cœur d’entendre des personnes tresser des lauriers à Wade pour le combat qu’il a mené pour ses idées, au prix de l’emprisonnement. Voilà de l’affabulation. Je ne connais pas de personne qui ait été emprisonnée au Sénégal pour délit d’opinion, durant tout mon magistère. Toutes les arrestations de Wade furent motivées par des accusations de délits de droit commun.

( Avec L’As)

14 Commentaires

  1. tu comprends rien RACINE,on parle de gouy-gui,tu nous parles de dakhar-gui,dégage,alternancier!
    alternancier(francophonie oblige)c’est une personne physique qui a un esprit de mouton,il ne comprend rien et veut toujours s’exprimer,c’est quelqu’un qui croit qu’aux ponts de wade et karim qui les utilisent comme bon le semble avec des petits billets,ils sont capables de tuerun maitre seye.. etcc……

  2. c’est quand meme incoryable, et Diouf ne sait toujours pas qui a ete le donneur d’instructions aux francais ??
    c’est absolment incroyable !!
    et il dit element non controle ?!? comme si l’embassade de France qui etait la seule a etre au courant du rapritment du gas de l’heure d’arrive de l’aeroport du voiture qui aller etre pris etc.. et Diouf toujours qui ne voi pas la main de la France !!!
    De quoi a peur Diouf ? croit il que les francais sont si gentils qu’ils ne s’attaquerais pas au Senegal ?
    Voila nos dirigents africains, aucun courage pour regarder la realite en face

    • Bien vu CheikhDepuis , Diouf fut d’une naïveté déconcertante ! Rien ne nous dit que ce Français dont l’occupation professionnelle correspondait au prototype même de celle des agents Franaçais quand on les envoie en Afrique, n’était pas en mission pour la France pour se débarrasser de SENGHOR qui, quoi qu’on dise, n’était pas manipulable quand les grands intérêt de notre pays étaient en jeu ! Si ce Français avait bénéficier d’une voiture qui l’attendait à l’aéroport de Paris, sans chauffeur et sans accompagnateur, c’est parce que, à mon avis les services secrets Français ne voulaient pas qu’il finisse de parler un jour !

  3. Ce francais naurais jamais du sortir du pays sans donner
    les donneurs d’instruction;
    Pourquoi Diouf voulait le donner aux francais , sans le cuisiner pour savoir qui est derriere?
    Sa me rappelle un Jack Bauer(24H chrono) qui laisse un filer un teroriste retourner dans son pays le moyen orient sans savoir qui donnai les ordres?
    Nous on prefere en Afrique regarder ailleurs vu que la realite est trop cruelle

  4. mr diouf je pense que d autres pays de l anad ont travaille pour dejour ce coup moi meme j etais dans les services secrets d un pays d a cote et nous avons travaille avec le chef de l etat de ce pays membre de lanad

  5. Rassurez- nous ! Un certificat médical, un bulletin de santé d’au moins 3 semaines pour attester que Wade n’est pas atteint de ce que tout le monde craint.Rappelez-vous le cas alarmant de Bourguiba.Inquiétant !!!

  6. Je n’ai pas réussi a lire la totalité de cet article tellement ce charabia me fait vomir. Quelle tristesse pour notre pays, gouverne pendant près de vingt-ans par ce personnage médiocre, sans génie.

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