À LIRE – Leadership politique en Afrique

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À l’occasion de la sortie de son livre « Le leadership politique en question en Afrique » et de la séance de dédicaces qui eut lieu le 19 mai au WARC (West African Research Center) nous revenons avec Monsieur Mandiaye Gaye, écrivain et vigie de la cité depuis son plus jeune âge, sur quelques points traités dans son ouvrage et d’autres ayant trait à l’actualité, en passant par les raisons l’ayant poussé à choisir une maison d’édition française. Edilivre en l’occurrence.
« … le patriotisme est la plus puissante manifestation de l’âme d’une race. Il représente un instinct de conservation collectif qui, en cas de péril national, se substitue immédiatement à l’instinct de conservation individuelle »
Votre livre traite du leadership en Afrique. Pourquoi ce sujet ?
Après avoir longuement et objectivement observé la marche de l’Afrique et noté ses échecs, récurrents depuis les indépendances, je me suis rendu compte qu’elle souffre d’un manque notoire de leaderships compétents. Autrement dit, de bons dirigeants patriotes, intègres, à la hauteur de son ambition légitime et des préoccupations majeures de ses populations. Voilà la raison d’un tel titre et l’objet de mon livre.
Malgré des éclaircies ça et là, le fait est que plus de 60 ans après les Indépendances, le continent africain accuse un retard social, économique et démocratique certain. Votre explication ?
Justement, l’Afrique n’a pas besoin « d’éclaircies ça et là » mais d’un développement harmonieux et durable, compte tenu des immenses ressources naturelles et en plus, de qualité, qu’elle renferme. Elle devrait aujourd’hui acquérir un niveau de développement nettement appréciable dans les domaines industriels, économiques, sociaux, culturels, institutionnels etc . Son retard s’explique par le fait, qu’elle se trouve depuis lors entre les mains de gens incompétents, peu patriotes, cupides, qui ne viennent au pouvoir que pour s’enrichir personnellement et illicitement, au lieu de tout faire pour booster son développement fulgurant.

Vous parlez beaucoup de patriotisme, notamment dans une adresse faite aux samedis de l’économie du 13/05/2017. Ledit patriotisme doit-il être la ligne directrice de toute personne embrassant la prestigieuse sphère des « Affaires d’État » ?
Effectivement, je réaffirme cette assertion et persiste: aucun pays ne peut se développer sans un patriotisme conséquent de la majorité. Comme cela se vérifie généralement dans la vie: on ne protège et défend jalousement, que ce que l’on aime ou chérit profondément. Un apatride, à l’image d’un traitre, ne se préoccupe point de l’avenir ou rayonnement de son pays, moins encore des intérêts supérieurs de celui-ci. Donc il est prêt à le vendre ou collaborer avec l’ennemi au profit de ses intérêts personnels. Alors que le patriotisme se définit comme étant la plus puissante manifestation de l’âme d’une race. Il représente un instinct de conservation collectif qui, en cas de péril national, se substitue immédiatement à l’instinct de conservation individuelle. Le patriotisme est bien un guide indispensable pour tout bon citoyen et une condition sine quoi non pour tout citoyen prétendant s’occuper des affaires de l’État.
Pourquoi ce sentiment, le patriotisme, semble t’il si étranger aux citoyens mêmes à qui il serait pourtant d’un apport crucial ?
Le patriotisme est effectivement étranger aux citoyens cupides, parce qu’il est antinomique et aux antipodes de l’égoïsme et individualisme qui eux, prônent le tout pour soi et rien pour la grande majorité. Cependant, étant partie intégrante de la majorité, les intérêts de ces citoyens à part, sont pourtant pris en compte dans l’intérêt commun.
«Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent » dit un adage célèbre. De nos jours, pression internationale oblige, quasiment tous les dirigeants africains sont élus par les urnes. Que dire de la responsabilité des électeurs ?
Dans une large mesure, cela est vrai, mais nécessite l’explication du pourquoi. En effet, tout peuple a besoin d’éducation, dans la mesure où l’auto-éducation ne peut s’appliquer à tout le monde. Par conséquent, afin d’aider certains à prendre conscience de leurs droits et devoirs citoyens, de la situation et marche du pays, de comment il est gouverné par ceux qu’il a choisis, une éducation citoyenne est absolument nécessaire. Avec la démocratie virtuelle ou simplement nominative, les élections sont souvent organisées par les tenants du pouvoir ; qui les gagnent généralement avec la connivence et l’aide des puissances étrangères ayant des intérêts à sauvegarder en Afrique. Dans les cas où les électeurs n’ont pas la conscience citoyenne nécessaire et sont indifférents au choix de leurs dirigeants politiques, lesdits électeurs auront une part de responsabilité incontestable. Car le choix de mauvais dirigeants élus incombe bien aux électeurs.

Lorsque l’on parle de ses droits, le peuple sénégalais vous semble t’il suffisamment éduqué ?
Il est évident que tout le peuple sénégalais ne peut se targuer du même niveau d’éducation. D’où la nécessité d’avoir en avant-garde un détachement de patriotes courageux et honnêtes disposant d’une nette conscience citoyenne et politiquement apte et capable de diriger et conscientiser le reste du peuple.
Des sommes folles sont dépensées lors des campagnes de diverses sortes, faisant parfois incliner la balance du coté de celui qui est le plus généreux en subsides distribuées aux votants. Croyez-vous qu’une instance indépendante doive réglementer les frais engagés lors desdites campagnes afin de permettre aux candidats moins démagogues mais plus riches d’idées et de visions de se présenter ?
Tout-à-fait d’accord avec une réglementation stricte des dépenses de campagne électorale, afin que l’argent ne soit plus facteur de victoire mais bien les bonnes et novatrices idées. A cet effet d’ailleurs, la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) avait fait des recommandations allant dans ce sens. Dans la présente situation de notre pays, seuls les riches sont en mesure de participer à des élections et les gagner, surtout avec ce faible pour ne pas dire absence de conscience citoyenne et patriotique d’une bonne partie du peuple sénégalais : ceux acceptant indécemment de prendre de l’argent en contrepartie de leur vote.
L’ancien président Abdoulaye Wade est très décrié par vous (et d’autres) quant à son héritage. Cependant le Sénégal lui doit une transition politique sans heurt lorsqu’il gagna contre Abdou Diouf, mettant ainsi fin à ce qui s’apparentait à une monarchie Ps sans partage. Votre avis sur ce moment de l’histoire du Sénégal ?
En effet, il a effectivement contribué à la première alternance dans notre pays, post indépendance. Ceci, après plusieurs tentatives (suivies d’échecs) d’accéder au pouvoir. Cependant, ce serait une grave erreur d’attribuer à un seul homme, fut-il le principal dirigeant, cette victoire qui fut celle du peuple avec toutes ses forces vives de progrès ; ce même peuple qui en avait assez du régime Diouf. C’est la gestion autoritaire et monarchique du pouvoir pendant 12 ans de Wade, alors qu’il avait tous les atouts pour rompre avec certaines pratiques de mal gouvernance et gérer autrement, qui ont motivé mes critiques à son endroit et la politique qu’il a menée.
Ce même Abdoulaye Wade fut mis en prison du temps de ce même Abdou Diouf. Au pouvoir, il n’a pas emprisonné son prédécesseur. Un mot sur cela ?
Oui, il était un opposant qui s’opposait concrètement à la politique que menait le pouvoir d’Abdou Diouf. Tandis que Diouf, après sa défaite, ne s’était plus occupé de politique ni de son pays. Plus exactement, il ne s’était pas opposé à la politique de Wade, bien au contraire. Par conséquent, il n’a donné à Wade ni l’occasion, ni les raisons de le mettre en prison.
Aujourd’hui Khalifa Sall le maire de Dakar est emprisonné pour malversations quant aux fonds alloués à la mairie de Dakar. D’aucuns disent que son emprisonnement est politique. Votre avis ?
Si les faits qui lui reprochés sont avérés, c’est un délit relevant du droit commun. Et, comme tous les citoyens ayant commis des fautes de la sorte, leur emprisonnement, même s’ils sont des personnalités politiques, n’a rien de politique. Mais, dans le cas Khalifa Sall, son erreur fondamentale est d’avoir totalement oublié qu’il est un opposant au pouvoir en place. Et que ce dernier ne lui pardonnerait aucune faute. Comme disait l’autre, « en politique, les fautes se paient cash ». Je ne suis pas de ceux qui défendent aveuglément les hommes politiques. Ce sont des citoyens, comme nous tous, et à ce titre, on doit aussi leur appliquer la loi s’ils ont réellement fauté. Nous devons assainir le monde des politiciens dans notre pays. Ce milieu où les malversations, scandales financiers et autres se produisent le plus et à chaque fois ; ils trouvent le moyen de s’en sortir par des combines ou en transhumant dans le camp présidentiel.

Pour en revenir à Khalifa Sall et ce qui lui est reproché, la probité est-elle un mot qui en tout temps maintient son sens ou devient-elle une notion à géométrie variable dès lors que l’on a affaire aux fameuses « Affaires de l’État » ?
C’est là ou intervient encore le patriotisme et l’éthique pour tous les citoyens sans exception, mais davantage pour ceux faisant de la politique une profession et aspirent à gérer les affaires de l’Etat, autrement dit le patrimoine de tout un peuple. Un homme sans probité ne mérite pas de respect, à plus forte raison, de responsabilités quelconques. La probité est une notion et valeur humaine qui doit être incarnée de manière pérenne.
Du temps de Senghor à celui de Macky Sall, pourriez-vous nous lister les droits et gains que le peuple sénégalais a obtenus en matière de bonne gouvernance ?
Hormis, la courte séquence de la gestion rigoureuse du Président Mamadou Dia, on ne peut citer de gains réellement significatifs. Ce que l’on note plutôt, c’est une gestion gabégique des ressources publiques, avec un train de vie dispendieux de l’Etat ; qui ne profite qu’à ceux qui nous gouvernent et leurs amis. Comme le démontre l’accroissement de la pauvreté et les inégalités sociales. Des questions que je traite d’ailleurs amplement dans mon dernier livre que vous avez évoqué.
Les chantiers sur lesquels le Sénégal gagnerait à faire des efforts ?
La lutte contre la corruption sous toutes ses formes, l’impunité en général, l’enrichissement illicite. Il est primordial d’instaurer d’une gestion vertueuse et orthodoxe des affaires publiques, des institutions fortes, crédibles et pérennes, une justice sociale équitable ; moderniser l’administration générale et l’état civil, en particulier sous l’angle numérique, ceci, aux fins d’éliminer les fraudes et se rapprocher des citoyens, etc.
Enfin, pourquoi le choix d’une maison d’édition française ?
Certes, nous avons quelques maisons d’édition au Sénégal, mais faute de moyens financiers, elles sont très peu outillées ou pas du tout, pour prendre en charge impeccablement et à peu de frais, tous les manuscrits des écrivains en souffrance chez elles. Est-ce que les maisons d’édition sont subventionnées ? Je n’en suis pas sûr. En tout état de cause, les frais d’édition du livre au Sénégal, sans une subvention, coûtent très chers et sont insupportables pour les auteurs. S’y ajoute le fait que l’auteur doit payer intégralement le coût [de fabrication Ndlr] du livre, avant d’être édité. Ensuite, ces maisons d’édition n’ayant aucun réseau de communication pour faire connaître la valeur et le contenu du livre, n’ont pas de relations suivies avec les médias pour en faire la publicité en amont etc, les livres se retrouvent souvent, entre les mains de l’auteur, une bonne partie invendue, faute d’un réseau de distribution performant. L’un dans l’autre, vous le voyez bien, les difficultés sont énormes, autant pour les maisons d’édition locales que pour les auteurs de manuscrits à éditer.
Irène Idrisse (www.lepetitjournal.com/dakar) lundi 22 mai 2017

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