A propos de l’affaire Khalifa Ababacar Sall

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Le département de la justice dans une soudaine célérité, jadis inconnue avec le concours de la division d’investigation criminelle a convoqué le maire de la ville de Dakar Khalifa Sall en vue de clarifier la situation de la caisse d’avance, une sorte de fonds politiques laissés à son pouvoir discrétionnaire. Jusque là tout semble normal que la justice soit dans son rôle d’instruire des actions judiciaires afin de préserver les intérêts supérieurs de la nation. Toutefois, dans la manière dont l’enquête est menée par la DIC, il y a un hiatus qui peut pousser certains à penser que les autorités de la République à commencer par notre président par défaut Macky Sall veulent éliminer un potentiel adversaire politique en vue des prochaines échéances électorales. La concomitance entre les affaires Bamba Fall et Khalifa Sall a fini de jeter un trouble manifeste aux citoyens sénégalais sur l’instrumentalisation de la justice indépendamment des faits incriminés.
Pourquoi soulever maintenant la question de la caisse d’avance de la ville de Dakar alors que les autorités de la République n’ont jamais jugé utiles auparavant de soulever sa pertinence ou sa non-conformité aux exigences d’une gestion éthique et efficiente de nos ressources publiques ? Nos politiciens professionnels ne sortent de leur torpeur que si leurs intérêts du moment sont menacés par un quelconque adversaire. Cette façon nauséabonde de faire de la politique est la panacée de nos acteurs politiques. Le régime de Macky Sall savait depuis le début l’existence de cette caisse. Il n’a commencé à s’insurger sur son caractère injuste à partir du moment où le maire de Dakar Khalifa Sall a décidé d’en découdre avec le régime de la coalition Benno Book Yakaar pour faire entendre sa voix discordante. Tant que le maire Khalifa Sall était dans les rangs en soldat soumis et soucieux d’accompagner son Excellence le roi de la Cour de Benno Bokk Yakaar, sa gestion des deniers publics est et demeure irréprochable. En étant candidat aux élections présidentielles de 2019, les règles d’appréciation de sa gestion de la ville de Dakar changent. Les autorités de la République craignent que monsieur Khalifa Sall dispose d’un important trésor de campagne, qui peut contrecarrer leur volonté manifeste de gagner l’électorat de la ville de Dakar.
Pourquoi l’IGE a juste fouillé dans la gestion de la mairie de ville de Dakar ? Cette caisse d’avance existe-t-elle seulement à la mairie de Dakar et pas dans les autres mairies du Sénégal ?Pourquoi l’IGE ne poursuit pas le même combat et la même détermination pour mener des enquêtes approfondies au sein de toutes les mairies du Sénégal ainsi que dans toutes les sociétés et administrations publiques ? Pourquoi encore l’IGE ne se désolidarise pas avec le président de la République Macky Sall , qui refuse de transmettre les dossiers de mauvaise gestion impliquant des responsables de l’APR et de la coalition Benno Bokk Yakaar ? Les citoyens sénégalais sont très méfiants à l’égard de tous ces organes de contrôle de la République qui ne sont prompts à réagir que sur demande expresse de Macky Sall.
Toutefois, je trouve les arguments de défense de monsieur Khalifa Sall très légers. Les autorités politiques ont l’obligation de se conformer aux règles éthiques de bonne gouvernance. Ce n’est pas parce qu’ un usage est en cours au sein d’une administration depuis plusieurs décennies qu’il est légal. La légalité d’un acte ou usage est régi par la loi. Cette dernière doit être le fondement de l’action de nos responsables politiques et administratifs. Le maire de Dakar Khalifa Sall doit davantage faire preuve de responsabilité dans cette affaire de caisse d’avance. Il a commis une imprudence à mon avis en jugeant nécessaire de remonter à l’histoire de la ville de Dakar pour justifier sa conduite. Certes, je trouve légitime qu’il vienne en aide à certaines catégories de citoyens sénégalais dans le besoin. Toutefois, cette aide doit être encadrée et budgétisée dans les dépenses de la mairie de Dakar. Il ne peut nullement s’agir de cas de « détournement de deniers publics » pour venir en aide aux nécessiteux voire d’entretenir une clientèle d’obliges politique.
En Belgique par exemple, il n’est pas du ressort des autorités communales de distribuer l’argent public à hue et à dia aux citoyens. Il existe des centres publics d’aide sociale CPAS qui sont chargés par la loi le pouvoir de donner des revenus de substitution aux personnes précarisées pour leur permettre de vivre de manière décente. Au Sénégal, l’Etat a l’obligation de mettre ce genre de mécanismes afin de prévenir ces cas de « suspicion de détournement de deniers publics » qui n’honorent pas la République et qui jettent l’opprobre sur les autorités politiques.
Cette affaire de caisse d’avance doit pouvoir permettre à nos autorités de bien définir les règles d’une bonne gestion des ressources publiques et supprimer par voie de conséquence les divers fonds politiques en cours au sein de la République qui au demeurant sont de véritables instruments de corruption , de népotisme et de détournement de deniers publics .
Les enquêteurs ont le devoir d’élucider sereinement cette affaire afin de prouver en toute objectivité si à travers cette caisse d’avance le maire de la ville de Dakar Khalifa Sall s’est enrichi personnellement ou non. Il est péremptoire par ailleurs d’affirmer comme les membres de la coalition Benno Bokk Yakaar à l’instar de monsieur Seydou Gueye que les seules victimes sont les populations dakaroises tout en faisant fi de la présomption d’innocence ou de la bonne volonté de monsieur Khalifa Sall . A cet stade de l’instruction, il ne sert absolument à rien pour les autorités gouvernementales de diaboliser la gestion du maire de Dakar. J’ose espérer naïvement que les enquêteurs de la DIC vont diligenter cette affaire en connaissance de cause et de bonne foi tout en refusant les appels du pied des autorités de la République pour condamner sans preuve un adversaire politique ou de le livrer à la vindicte populaire pour une « suspicion de détournement de deniers publics ».
Je fais appel à la sagesse du maire de Dakar Khalifa Sall de supprimer définitivement cette caisse d’avance pour se conformer aux exigences d’une gestion éthique et rigoureuse de nos ressources publiques. Cette décision ne préjugera en rien des conclusions et des recommandations des enquêteurs de la DIC à propos de l’affaire Khalifa Sall . Il s’agit tout au plus de poser un acte politique majeur visant à confirmer votre détermination pour favoriser davantage une gestion efficiente de nos deniers publics et la défense de l’intérêt général .
Il est grand temps que les dirigeants de tous ces organes de contrôle de l’utilisation de nos deniers publics fassent entendre leurs voix et exiger plus de compétences pouvant leur permettre de poursuivre directement devant la justice les auteurs de manquements graves et avérés de détournement de deniers publics sans passer par la saisine du président de la République. Ce sera un pas de plus dans la marche de la République pour une gestion éthique et rigoureuse de nos ressources publiques. Cette autonomie réelle des organes de contrôle tels que l’OFNAC ou l’IGE permet entre autres de lever les éventuelles craintes des populations sur leur soumission au diktat du pouvoir exécutif et de poursuivre tous les responsables publics auteurs de détournement de deniers publics et de malversations financières.

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