«Affaire» Cheikh Béthio : en dépit du chaos

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Si le chaos est propice à la stratégie d’évitement de tout débat apaisé et intelligent
utilisée par ceux qui en tirent le plus profit, il est du devoir de chaque citoyen de
participer au retour du calme. Expliquer n’est pas excuser, mais on ne peut feindre
d’ignorer les causes de la situation chaotique que connait notre pays alors que graines
du désordre étaient en train de germer sous l’œil complice d’une bonne partie de la
population, et dans une indifférence quasi-générale.
L’ « affaire » Cheikh Béthio aura au moins la vertu de nous permettre un tant soit peu de
réfléchir à la situation de notre pays et de démêler les fils d’une entreprise de discrédit
savamment orchestrée au plus haut niveau de l’Etat. De deux choses, soit nos dirigeants sont
au courant de ce qui se trame au fond et laissent faire, soit ils ne sont pas aptes à gouverner ce
pays. Quoi qu’il en soit, les mensonges d’Etat ne feront que conforter les benêts dans
leur haine aveugle envers Cheikh Béthio, mais puisque ces mêmes benêts se réclament de
principes de démocratie, de justice, d’équité entre autres, il est important d’analyser cette
« affaire » conformément à ces mêmes principes.
Comment peut-on se réclamer du principe de démocratie et ne pas tolérer l’émission
d’un avis contraire ? Voilà le paradoxe d’une situation où une grande partie de la population
sénégalaise s’est réfugiée derrière un Etat qui ne sait rien faire d’autre qu’utiliser sa force
coercitive pour s’en prendre à quelqu’un qui ne le soutenait pas dans une élection antérieure.
Dès lors qu’un Etat s’engage dans un bras de fer avec un citoyen quelconque, il fait preuve de
faiblesse. Et s’il faut inventer un concept nouveau, à savoir une sorte de « fascisme
démocratique », qu’on nous le dise et là au moins les choses auront le mérite d’être claires.
La majorité décidera et personne n’aura droit au chapitre par la suite. Au vu des événements
et des différents actes posés par ce gouvernement depuis l’élection du président actuel, je
maintiens que Cheikh Béthio n’avait pas tort. Voilà une coalition qui ne fait rien, et cela tout
le monde peut en être témoin ! A part les nominations à répétition de ministres et de
conseillers, rien de très important. Ce n’est pas surprenant d’ailleurs, quand d’anciens pseudosocialistes se joignent à des prétendus libéraux cela n’augure de rien de bon. Si, jusqu’ici,
dans l’’histoire des idéologies, l’échiquier politique a laissé apparaître trois bords – à savoir la
gauche, la droite, et le centre – qui participent à la confrontation d’idées et de visions de la
société à travers diverses élections, le Sénégal a vu l’émergence d’une nouvelle famille
politique, qu’aucun autre pays ne lui enviera d’ailleurs, celle du bas. Cette famille du bas ne
l’est pas parce qu’elle serait la représentante du bas peuple, loin de là puisque certains
avouent avoir dépensé des millions de francs CFA pour l’élection de leur candidat, mais parce
qu’elle est d’une médiocrité extrême. Et dans cette famille médiocre, comme dans toute
famille, l’exemple vient du haut. Comment expliquer qu’un président puisse se permettre
d’offrir des millions de francs CFA à des membres de son parti politique ? En dehors du
caractère particulièrement ridicule de cette histoire, et du fait que l’on peut légitimement
s’interroger sur la provenance des fonds, ce qui me sidère le plus, c’est que les chevronnés de
la démocratie passent ce fait sous silence. Dans aucune démocratie au monde un président ne se risquerait à un tel amateurisme. Après ils nous diront qu’ils vont essayer de lutter contre la
vie chère et venir en aide aux nécessiteux, foutaises !!! Qu’ils commencent d’abord par faire
ces dons à ceux qui ont réellement besoin, et non à ces tocards qui passent des années à
l’université sans diplôme et se voient renouveler leurs bourses d’études du seul fait de leurs
relations haut placées. Pour le reste, on verra.
A vrai dire, on pouvait entrevoir ce que donnerait cette coalition depuis belle lurette. Elle
avait pour nom « Bénno Bok Yaakar », intéressant comme nom parce que précisément
l’ « espoir » dont il est question ici n’est même pas clairement défini. S’agit-il de l’espoir du
peuple ? De l’espoir des membres de cette coalition de voir enfin leur rêve de prendre leur
part du gâteau enfin se réaliser ? J’ai un avis tranché sur la question, c’était l’espoir que cette
voracité décuplée pouvait enfin s’exprimer. Plus d’opposition assez solide pour faire pression
et mettre un frein à toute dérive, la coalition obtenait enfin le pouvoir et il serait d’autant plus
facile de leurrer le peuple si pressé d’en finir avec l’ancien régime.
Plus consternante encore est la facilité avec laquelle le peuple se laisse aller à des diversions
de toutes sortes. Et là je dois avouer avec toute la franchise qui sied au débat que je déplore
les actes de vandalisme des « thiantacones » parce que quelque part c’est laisser accroire
que le seul argument dont ils disposent est la violence alors qu’il n’en est rien. Ce
gouvernement fait assez dans la médiocrité pour que d’autres viennent lui prêter main forte.
Quant à la question de la justice en tant que principe immuable de notre République, il y
aurait beaucoup à dire sur la conception qu’en a une partie du peuple sénégalais. On peut
feindre d’ignorer les soubassements de l’ « affaire » Cheikh Béthio mais on peut également
s’interroger sur les arguments avancés de part et d’autre. Mais croire que Cheikh Béthio
serait dans cette situation s’il avait apporté son soutien au président actuel relève soit d’une
naïveté fautive (parce que volontaire) soit d’une niaiserie sans borne. La Nature fait bien les
choses puisque nous avions deux cas en présence et le traitement qui en a été fait permet de
prendre les défenseurs d’une justice impartiale en défaut. Lors d’un échange que j’ai eu avec
des amis, l’un d’eux m’a apporté un « éclairage » sur l’autre « affaire », l’ « affaire » Dias. Il
m’a affirmé que l’individu en question a été libéré parce qu’une « étude » avait conclu que
l’arme qui avait tué l’un des manifestants n’était pas celle de Mr Dias que l’on pourtant a vu
en train de tirer sur une foule, ce que lui-même ne peut nier. Lorsque je l’ai interrogé sur
l’identité de l’organisme qui a mené cette « étude » et sur une contre-expertise éventuelle, il
ne m’a pas répondu, je suppose qu’il est parti à la quête d’informations complémentaires.
J’attends toujours. Là encore, croire que Mr Dias aurait reçu le même traitement s’il était issu
d’une famille du bas peuple est un exemple parfait de niaiserie de haute portée.
Et si l’on prend le cas de l’ « affaire » Cheikh Béthio, le plus consternant et révoltant à la
fois, c’est qu’après des mois de détention arbitraire, le moindre début de preuve n’a été
apporté. On nous parle d’ « enquête ». A quelle étape en est-on ? Pourquoi cet
acharnement alors ? Pourquoi faire fi de ses problèmes de santé avérés puisqu’il faisait
l’objet de traitements médicaux en France depuis des années déjà ? Pourquoi pas, au pire, le
maintenir en résidence surveillée ? Pour toute réponse à ces questions, un seul mot me revient
à l’esprit : la haine. La haine de l’avoir vu soutenir l’ancien régime, haine au sommet de l’Etat, haine d’une partie du peuple sénégalais qui ne se pose pas la question de savoir quel
traitement lui sera réservé le jour où il voudra se débarrasser du régime en place comme il l’a
fait avec l’ancien président qu’il soutenait pourtant aux élections antérieures. En cela, Cheikh
Béthio n’a sans doute pas eu tort de ne pas souhaiter son accès au pouvoir. Ce gouvernement
fait preuve d’une médiocrité aussi bien dans la gestion du pays que dans sa conception de la
gouvernance. Et tout cela au détriment du peuple.
Certains diront qu’au nom du principe de « laïcité » (encore une fumisterie importée, tout
droit sortie du siècle des « Lumières », période qui a vu l’existence de Dieu être remise en
question), nos religieux ne doivent pas faire l’objet d’un traitement particulier. Cela peut se
concevoir, mais là aussi, il ne faut pas se laisser berner. A l’approche des élections, ces
mêmes hommes politiques font la tournée des villes saintes, prêts à se plier en quatre
pour montrer leur attachement à telle ou telle confrérie ou à la religion, mais une fois
arrivés au pouvoir, ils « découvrent » les vertus de la laïcité. Soit ils sont d’une
« intelligence supérieure » comme dirait l’autre à propos du ministre de la culture (quelle
blague !!), soit le peuple sénégalais est composé en majorité de benêts, que ceux qui
acceptent de faire partie de la dernière catégorie rentrent au bercail, quant à nous, nous autres
les frustrés de la République telle que nous la vivons, nous garderons toute notre lucidité.
S’il m’était permis de formuler un souhait, alors j’inviterais mes compatriotes à prendre le
temps de la réflexion, afin de dépasser toute forme de haine aveugle. Si la justice est une
institution aux principes immuables, c’est pour ne pas avoir à tenir compte des états d’âme
des uns ou des autres. Ce qui est en jeu ce n’est pas le sort réservé à un homme, c’est la
défense des principes fondamentaux de notre République. Ne laissons pas ces médiocres
qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs nez nous diviser. Ce que nous avons en
commun est beaucoup plus important que leurs intérêts immédiats. D’ailleurs ce sont les
mêmes qui occupent le devant de la scène politique depuis des décennies déjà et de
renouvellement générationnel de la classe politique il n’est question que lorsqu’il s’agit de
céder la place à leurs progénitures ou à leurs proches pendant que la plèbe trinque.
Monarchie ou oligarchie ? Nous avons le devoir de choisir une autre option : la
République. La République suppose une égalité de droits et de devoirs, pas de place pour une
justice à deux vitesses où les « fils de » agiraient en toute impunité alors que ceux qui n’ont
pas eu la chance de faire partie de ces organisations claniques se verront opposer un plafond
de verre. Je n’irai pas saccager de bus ou de biens dont les propriétaires n’ont rien à voir
cette injustice, et pourtant le sentiment de révolte qui m’anime en ce moment est le
même que chez ceux qui se livrent. Seulement j’ai choisi la voix de la raison et je ne
désespère pas de voir la vérité triompher. Ce qui importe à mes yeux c’est de lever le voile sur
un certain nombre de non-dits et d’amalgames de toutes sortes parce que je crois en ce pays et
que je pense qu’au-delà de tentatives de diversion et de division, c’est sa construction et son
redressement qui doivent nous préoccuper avant tout. On ne peut que déplorer les actes de
vandalisme mais on peut, sans être déplaisant à l’égard des propriétaires, dire que ce ne sont
que des biens matériels. Le plus grave dans cette histoire, à mon sens, c’est l’érosion des
fondements de notre démocratie, la perte légitime de confiance en nos dirigeants, et
l’inaptitude de ces derniers à trouver des solutions à nos problèmes quotidiens et structurels, le chômage de masse des jeunes notamment, et c’est cela qui s’opère sous
nos yeux. C’est à ce niveau que la fermeté de l’Etat doit se faire ressentir et non dans la
poursuite médiocre d’une vengeance aveugle.
GUNMAN

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