Ahmed Khalifa Niass vide son cœur : «90% des jeunes d’aujourd’hui ne sont pas romantiques»

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Un entretien avec Ahmed Khalifa Niass est toujours un moment d’hilarité permanent. L’«Ayatollah» de Kaolack, qui nous a reçus dans son «Palais Ahmediana» qu’il considère comme un paradis, livre ses confidences au journal Le Quotidien. Il a passé en revue un certain nombre de sujets liés à sa vie privée : sa situation matrimoniale, ses relations «heurtées» avec son frère cadet Sidy Lamine Niass, ses rapports avec les femmes, le défunt guide libyen Mouammar Kadhafi, son divorce avec son ex-épouse Yaye Fatou Diagne… Voyage au cœur des confidences d’un marabout… «romantique».

La tempête est passée entre votre frère, Sidy Lamine Niass, et vous ?
Il n’y a jamais eu de tempête. Peut-être une tempête dans un verre d’eau. Sidy est mon petit frère. Je l’ai élevé, je l’ai enseigné. Je lui ai appris tout ce qu’il sait, y compris diriger un journal. J’ai participé au financement et à la réalisation de son groupe de presse.
Mais il a dernièrement refusé de vous recevoir lors de sa garde à vue…
Ce n’est pas nouveau. Il a toujours été comme ça. Vous savez, Sidy est l’objet d’un esclavage mystique.
Qu’est-ce que vous voulez dire par-là ?
Au Sénégal, il y a des gens qui utilisent des formules mystiques ou magiques pour dompter des personnes, pourtant libres. Il y a beaucoup de grands patrons qui se prosternent devant des marabouts, qui sont leurs ouailles, qui leur obéissent au doigt et à l’œil ; soit disant au nom de Dieu alors que ces personnes ne respectent pas les préceptes de la religion musulmane. C’est un esclavagisme mystique. Sidy est un esclave mystique de certaines personnes qui l’exploitent.
Qui sont ces personnes ?
Je ne veux pas les citer. Elles l’éloignent de moi. Parce qu’elles savent que s’il s’approche de moi, je vais le libérer d’elles. Lorsque quelqu’un ne veut pas serrer la main de son frère, ni de son unique sœur et qu’il chasse de chez lui ses propres enfants indûment, il y a un problème. Vous ne pouvez pas me dire que cette personne est un modèle. Cette attitude est une anomalie en soi.
Et qu’est-ce que ça vous fait de voir votre frère dans la situation que vous décrivez ?
Il faut dire le mot, c’est un peu triste. C’est une maladie, une pathologie. Ce n’est pas quelque chose de normal.
Vous en souffrez ?
Oui, bien sûr. Evidemment que j’en souffre. Qui n’en souffrirait pas ?
Mais entre frères ça devrait aller…
Justement. Si c’était normal, ça devrait aller. Si ça ne va pas avec le frère, pourquoi ça ne va pas avec la sœur et sa propre progéniture ? (Ndlr : il coupe l’interview et demande qu’on appelle le fils de Sidy Lamine Niass qui, dit-il, a été chassé du domicile de son père). Je vais vous montrer le fils aîné de Sidy Lamine Niass.
Il est là dans votre maison ?
Il est là.
Qu’est-ce que ça lui fait de vous voir, vous et son père, vous chamailler ?
Ah ! Ça c’est à lui de répondre. Il n’est pas le seul qu’il (Sidy Lamine) a sorti de chez lui. Il y a sa fille étudiante à Paris. Et son deuxième fils.
Vous êtes combien dans votre famille ?
Notre maman dont la photo est là (Ndlr : il désigne du doigt une photo accrochée sur le mur du salon) a trois fils. Nous deux (lui et Sidy) et la sœur, Salma qui est assise là.
Vous avez aussi des bisbilles avec votre demi-frère le Khalife de Léona. Vous-vous êtes réconciliés ?
On sauve les apparences. Je fais mon Gamou ici. Je ne fais plus rien en commun avec cette famille. Et cela pour éviter ce qui s’est passé à Mbeleukhé. A partir du moment où je ne suis plus en sécurité à Kaolack, je reste ici avec mes talibe (disciples).
Pourquoi dans votre famille vous n’arrivez pas à faire la paix ?
Ceux qui connaissent une partie de l’histoire ne se posent pas de questions. Quand mon père est décédé, j’avais 12 ans. Il y a eu spoliation de l’héritage. Le problème est né de ça. Après le décès de notre père, on nous a traités comme des parias, comme des étrangers parce que notre mère était considérée comme une étrangère. Nous avons subi. Malgré tout, j’ai essayé de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Mais ça n’a toujours pas marché. En retour, il y a toujours ces querelles et bisbilles.
Vous priez pour que vos rapports avec votre frère deviennent meilleurs ?
Je n’ai plus beaucoup d’espoir. Parce qu’à partir d’un certain âge, quand certaines choses n’ont pas changé et qu’on y est habitué, il vaut mieux que ça continue. Il n’a qu’à rester là où il est et me laisser là où je suis.
 Après votre récent divorce, vous vous en êtes beaucoup plaint. La pilule est passée maintenant ?
Oui, depuis longtemps.
Comment est-ce que vous vivez ce divorce ?
Mais très bien. Ce n’est pas le seul divorce de ma vie
Vous avez divorcé combien de fois ?
Une bonne dizaine de fois.
Où se situe le problème ?
C’est moi. Ce sont les femmes, la société.
Il doit y avoir une raison principale pour que vous ne duriez pas avec les femmes ?
Vous savez, moi je suis métis. Ma mère est d’origine mauritanienne. En Mauritanie, les couples ne durent pas longtemps. Quelque fois, on se marie pour une nuit, une soirée. Il arrive même qu’un enfant naisse de cette union. Vous trouverez très peu d’enfants qui ont grandi à côté de leurs deux parents. La société est comme ça. Elle a une conception du mariage qui est un moment heureux, quelque fois court, qui se compte en semaines, en jours, en mois ou en années. Mais on ne vit pas vieux, vieux en couple dans la société mauresque.
Cela vous a-t-il influencé ?
Peut-être ! La séparation n’est pas totale lorsqu’il y a des enfants. Ici, il y a plusieurs enfants dont la mère n’est plus là depuis longtemps. Mais que moi j’ai élevés, et éduqués. Beaucoup d’entre eux ont réussi leurs études. Certains sont devenus des chefs de famille. Ça ne pose aucun problème.
Vous avez combien d’enfants ?
Autour de la vingtaine. Le plus âgé a 45 ans, et le plus jeune 3. Et peut-être que je vais en faire encore.
Vous réclamiez la garde des enfants que vous avez eus avec Yaye Fatou. La procédure suit toujours son cours ?
La garde m’est revenue. Ils vivent maintenant chez moi.
Vous avez vite fait de vous consoler avec une autre femme…
Peut-être ! En tout cas, à chaque fois que j’ai remplacé, je me suis  senti bien avec la nouvelle.
Ça ne lui pose pas un problème d’occuper cette place vide ?
Je l’ai épousée pendant la procédure de divorce.
Ce n’était pas une façon de faire passer la pilule ?
Mes mariages et divorces ont été faits dans la discrétion. Avec Yaye Fatou, le divorce a été retentissant. Il a traîné dans son sillage le mariage avec la nouvelle. Mais à la maison, il n’y avait rien de nouveau.
Vous avez combien de femmes actuellement ?
Actuellement, j’en ai trois. Bientôt, il va y avoir une quatrième. Parce qu’il y a toujours une place pour une 4ème. Ça a toujours été le cas. Le mariage, je le conçois comme  quel­que chose qui peut durer trente minutes, une nuit, trois ans ou dix ans et c’est toujours très bien comme ça.
Et quel sera le sort des enfants nés de ces unions ?
Si vous étiez venue à une certaine heure, vous alliez trouver ici mes enfants qui viennent avec leurs épouses et leurs enfants. Pourtant, ce sont des enfants de divorce. Parce que moi j’ai deux principes. Je n’empêche jamais un enfant d’aller voir sa mère. Je n’empêche aussi jamais la mère de venir voir son fils. La dernière (Yaye Fatou), qui est partie, était venue voir ses enfants. Il m’arrive de l’appeler dix fois par jour.
Il n’y a pas longtemps vous disiez que vous étiez riche…
Oui, Dieu merci. Un musulman, de surcroît un tidiane, est d’abord riche de sa foi. Le reste, c’est une cerise sur le gâteau.
Vous estimez ce gâteau à combien ?
Moi, les chiffres ce n’est pas mon fort. L’essentiel est que je ne suis pas dans le besoin et que je partage ma richesse avec mes proches.
D’aucuns disent que votre fortune n’est plus ce qu’elle était, parce que votre principal bailleur, Kadhafi, n’est plus…
Non ! Non ! (Il insiste) Il n’a jamais été mon bailleur. Les affaires avec la Libye n’ont jamais représenté 1% du volume de mes affaires.
Pour la Saint Valentin, qu’est-ce que vous avez prévu ?
(L’entretien a été réalisé le mercredi 12 février 2014). La Saint Valentin, c’est une coquille vide. Parce qu’il n’y a pas un jour spécial pour s’aimer. Mais puisque c’est un symbole, fêtons-la dans la convivialité, la chaleur et la spontanéité et avec tout ce qui est naturel en l’homme. Pour ce qui est de la Saint Valentin, je voudrais dire une chose : 90% des jeunes ne sont pas romantiques. On ne rêve pas de l’autre. Peut-être qu’on la voit trop au point de ne pas rêver d’elle. C’est ça que je déplore. De notre temps, il n’y avait pas de Saint Valentin, mais on aimait profondément. On lisait les revues comme «Nous Deux». On rêvait de la femme, de sa taille, de sa coiffure, de son parfum, de ses habits, de son henné.
Mais vous êtes romantique…
Je ne conçois pas la vie sans romantisme. Parce que nous on nous a appris à parler à l’être aimé à partir de la lune. Il n’y avait pas le téléphone portable. On envoyait ses sentiments à la lune. Et l’autre était réceptive à la lune. La lune était un vecteur. Aussi le printemps, la pluie demeurent pour moi des moyens de communication. Je peux vous dire qu’il m’arrive avec une bien-aimée d’aller en brousse et de prendre une douche sous la pluie. Est-ce que les gens le font maintenant ? Je pense que non. Et je pense qu’il faut enseigner l’amour, le romantisme à l’école. L’autre, ce n’est pas qu’un corps. C’est pourquoi aujourd’hui, les jeunes filles sont attirées par les hommes d’un âge supérieur à celui de leur père.
Un chef religieux ne parle pas d’amour comme vous le faites actuellement. Pourquoi cette différence avec les autres ?
Un bon musulman doit prendre comme exemple le Prophète (Psl). La vie privée du Prophète était exposée à tout le monde. Aujourd’hui, on l’apprend dans les écoles coraniques, dans le hadith. Il lui arrivait de faire la course avec son épouse devant ses beaux-parents…
lequotidien.sn

3 Commentaires

  1. De tout cet entretien, je ne me suis intéressée que sur ce passage qui est le reflet de la tradition en société Arabo Mauresque depuis plus de 1600 ans et qui perdure jusqu’à nos jours chez les Maures, mais particulièrement en Iran, seul pays non Arabes à continuer ces formes de relations entre hommes et femmes. Au Sénégal, on refuse de voir ces aspects de l’Islam, et Khalifa est le seul qui ose aborder la question depuis dix ans, mais personne n’ose débattre en face de lui de manière contradictoire.

    Vous savez, moi je suis métis. Ma mère est d’origine mauritanienne. En Mauritanie, les couples ne durent pas longtemps. Quelque fois, on se marie pour une nuit, une soirée. Il arrive même qu’un enfant naisse de cette union. Vous trouverez très peu d’enfants qui ont grandi à côté de leurs deux parents. La société est comme ça. Elle a une conception du mariage qui est un moment heureux, quelque fois court, qui se compte en semaines, en jours, en mois ou en années. Mais on ne vit pas vieux, vieux en couple dans la société mauresque.

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