Aïssatou Gaye, responsable Sécurité dans un hôtel de la place : «Si quelqu’un m’accepte avec le boulot que je fais, je pourrai m’engager»

Date:

Dans son ensemble costume et pantalon noir taillé sur mesure et qui épouse parfaitement ses formes, Aïcha dont on lit le nom sur son insigne ne donne pas l’impression de son vrai état. La coiffure nouvellement tissée sur sa tête donne à son visage un éclat rehaussé par son maquillage assez discret. Dans cette posture, on pourrait bien la prendre pour une de ces filles serviables promptes à satisfaire le moindre de vos désirs pour vous mettre à l’aise. Mais en réalité, il n’en est rien. Aïssatou Gaye de son vrai nom est la responsable de la sécurité d’un hôtel de la place. Sa mission est de manager l’équipe de 80 agents, majoritairement des hommes, pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Un métier pas ordinaire pour une femme, mais que la demoiselle pratique avec tout l’amour que cette profession demande. Sans complexe ni excès dans la démarche. En cette fin d’après-midi libre pour elle, la jeune femme de 34 ans baisse un peu la garde pour nous permettre de pénétrer son terrain pendant quelques minutes. Journée mondiale de la femme oblige…

A quoi consiste votre travail en tant que responsable de la sécurité ?
Je suis responsable de la sécurité au niveau de l’hôtel Terrou-bi depuis un peu plus d’un an, car je suis venue en décembre 2012. Mon  boulot consiste à manager l’équipe et les agents. Dans chaque structure, il faut qu’il y ait un responsable sinon après il y aura de l’anarchie. Je suis là en tant que responsable de cette équipe et je gère 80 hommes. Je veille à la bonne marche des choses. Par exemple, l’équipe est divisée en quatre brigades avec des chefs. Mais avant que l’équipe n’arrive, je prépare la feuille de service pour mettre chacun à un poste. On fait un briefing pour discuter sur certaines questions avant qu’ils ne rejoignent leur poste. Au cours du service, je peux passer discuter avec eux pour les relancer. Mais dans l’exercice des tâches, il peut y avoir qu’on fasse recours à des sanctions.
Donc c’est vous qui donnez des sanctions ?
En fait le directeur est là, mais il nous a fait confiance en nous responsabilisant. S’il y a une première faute, on peut parler et rappeler à l’ordre, mais quand cela se répète plusieurs fois, on est obligé de procéder à des demandes d’explications ou une sanction pour que le fautif revienne à la raison. Si je juge nécessaire de donner une demande d’explications, je le fais.  Il m’est déjà arrivé de donner une demande d’explications à un agent.
C’était pour quelle raison ?
Des fois, c’est pour un abandon de poste. Vous savez on est dans un endroit assez sensible où l’on reçoit des autorités et différentes personnalités. Donc si l’agent abandonne son poste, il peut arriver n’importe quoi alors qu’on doit être vigilant. On parle d’agent de sécurité, donc il doit veiller à la sécurité des biens et des personnes. C’est pourquoi on ne peut pas tolérer l’abandon de poste.
Donc il vous arrive de faire le tour pour voir qui est à son poste ou qui n’y est pas ?
Ce n’est pas simplement pour cela. C’est de notre devoir d’être sur le terrain avec eux. Ce ne serait pas bien qu’eux soient sur le terrain et que nous restions dans nos bureaux climatisés tranquilles. Je sors, je tourne avec eux, et des fois même je lève la barrière pour leur montrer que je suis avec eux. On discute, on échange dans le cadre du boulot, par la suite je quitte pour aller voir un autre pour faire la même chose. Des fois, je passe voir si tout se passe bien, s’ils n’ont besoin de rien.
Vous êtes une femme à la tête de ce groupe d’hommes, comment vous y prenez-vous pour ne pas sentir la différence ?
Je dois dire qu’il y a deux autres femmes dans le groupe, mais je suis la responsable. Alors pour le boulot que je fais, je ne fais pas de différence entre homme ou femme. Je me dis que ce sont des Hommes, êtres humains tout simplement. Par contre, le management entre un homme et une femme peut différer. Les mentalités peuvent différer, mais là je me dis que si le manageur est juste, qu’il soit homme ou femme, il ne peut pas avoir de problème. Ma façon de manager est basée sur la communication. Je ne suis pas figée, je ne viens pas faire la gendarme ou être dure avec les agents, parce que là ça ne passera pas. Je suis proche de tous les agents sans être familière avec eux. J’assume ma responsabilité et s’il y a quelque chose à dire, je le dis sans mettre de gant, mais je les écoute également. Dans le management, il faut avoir la main qui tape et la main qui caresse.
N’arrive-t-il pas qu’ils vous fassent comprendre d’une manière ou d’une autre que vous êtes une femme ?
Non ! En toute franchise, ils m’ont bien accueillie. Ils n’ont pas fait de différence et ne m’ont nullement fait sentir que j’étais une femme et que par conséquent je n’avais pas le droit de les manager. C’est vraiment une relation saine et formidable. Il y a des agents qui sont plus âgés que moi, mais n’en tiennent même pas compte. Je les envoie faire quelque chose, ils le font sans rechigner. Ça c’est du fait du respect qu’on se voue mutuellement et de par ma façon de manager.
Qu’est-ce qui vous a motivée à faire ce travail avec tous les risques qu’il comporte alors que vous aurez pu faire autre chose ?
Sur cette question, je ne saurai même pas quoi répondre. Je dirai que ça m’est venu juste comme ça. Je veux avancer, découvrir autre chose. Je me dis pourquoi pas ? En plus, j’aime les défis et c’est là un défi que je voulais relever. Et je m’en sors bien parce que je suis un garçon manqué. J’ai toujours fréquenté les gars depuis l’enfance et j’ai toujours pratiqué les sports de combat comme le Karaté, le Kung-fu, même si j’ai aussi fait du basket. Mais pour tout vous dire, je n’ai pas cherché ce boulot. J’ai d’abord été commerciale dans une boîte et là aussi j’avais managé un groupe d’hommes bien que moins important. J’ai embrassé le métier d’agent de sécurité et mon patron a été convaincu de mes qualités et m’a fait confiance pour me responsabiliser. Je l’en remercie au passage, car je suis la première femme responsable de sécurité de cette boîte.
Où avez-vous été formée ?
En réalité, je n’ai pas suivi de formation proprement dit pour être agent de sécurité. J’ai fait une formation en logistique où j’ai appris le management, le marketing, etc. En plus, je pense qu’être agent de sécurité ne nécessite pas forcément une formation. Pour être un bon manager, il suffit de prédispositions qui soient innées. On n’est pas agent de sécurité pour se battre ou taper sur les gens. C’est d’abord de la communication, la diplomatie. Et je vous dis qu’on n’a jamais usé de la force depuis que je suis là. Ce qui est privilégié, c’est la communication, le dialogue.
Donc votre conception du métier d’agent de sécurité est différente des autres ?
En tout cas pour moi, un agent de sécurité doit être quelqu’un qui a un bon état d’esprit, un esprit d’équipe, qui est capable de communiquer et qui sait faire la part des choses. Un agent de sécurité doit à mon avis être alerte et physionomiste, c’est-à-dire pouvoir détecter à vue d’œil si un gars est suspect ou non. Ça c’est très important et pour le faire, il faut avoir un bon état d’esprit. La force peut paraître importante, mais on en a besoin juste pour dissuader. Le plus important c’est la personnalité, le caractère que tu dégages, que tu sois femme et gringalet comme moi, les gens t’écoutent quand tu leur parles. Et cela est dû à une certaine confiance que l’on dégage.
Vous est-il  déjà arrivé de vivre des mésaventures ?
Franchement non. Je suis du genre juste. Et si tu es juste avec tes collaborateurs, ils vont aller dans le même sens. Tu peux leur demander n’importe quoi, ils le font. Quels que puissent être ton âge, ta taille, si j’ai des choses à te dire, je te les dis en face et ensuite on avance et on continue à travailler. Il n’y a pas de favoritisme. Je mets tout le monde au même pied. Par rapport aux clients, la manière de les aborder fait qu’on n’a jamais de problèmes avec eux.
Des jalousies ?
Cela existe partout, mais il faut faire fi de tout ça. En général, les filles cherchent des problèmes partout. Mais moi, je fais fi de tout cela pour bien mener ma mission. Je ne calcule pas et me comporte comme les gars.
Ce comportement de gars que vous avez dans votre boulot n’a-t-il pas d’impact dans votre vie de famille au point de faire fuir certains prétendants ?
Si ! Si ! Déjà le seul fait qu’on m’appelle madame par respect fait fuir certains, qui pensent que je suis mariée. Pour l’autorité, je sens qu’elle me suit même dans ma vie hors d’ici. C’est en quelque sort une seconde nature. Même dans ma famille, avec mes frères, je m’impose. Mais je dirai que c’est eux qui m’ont habituée à cela. Etant jeune, ils m’ont responsabilisée en me mettant toujours devant. Je suis la plus petite, mais je gérais pratiquement tout, même le mouton de Tabaski. C’est moi qui allais l’acheter. C’est pour vous dire que c’est une habitude qui m’a suivie. Elle a certes ses inconvénients dans une vie de couple parce que ce sera difficile, mais on va essayer de gérer.
Vous est-il arrivé de rompre des relations à cause de votre caractère ?
Je ne dirai pas exactement, mais je veux toujours prendre le dessus, même si je sais que ce n’est pas bien. Surtout dans un contexte sénégalais où les hommes sont le sexe fort. C’est pourquoi je n’exagère pas. J’essaie de faire la différence entre le boulot et la famille. Parce qu’il ne serait pas respectueux de se comporter d’une certaine manière avec mon copain ou mon mari. Mais je n’accepte pas qu’on me marche dessus.
Avec vos horaires de travail, est-ce que vous avez le temps d’être avec quelqu’un, de vous faire plaisir ?
Non ! Je n’ai pas le temps du tout de m’amuser. Je travaille, je fais mon sport et je rentre à la maison. Je ne sors pas comme certaines filles pour aller en boîte ou ailleurs. Quand je descends, je suis fatiguée. J’ai juste le temps de me reposer pour reprendre le lendemain.
Donc le mariage n’est pas à l’ordre du jour ?
Je pense me marier comme tout le monde, mais ce n’est pas une priorité. Je me dis juste qu’il est temps, mais je ne me fixe pas de date. Je ne me plains pas dans ma situation actuelle. Si quelqu’un m’accepte comme je suis, avec le boulot que je fais, je pourrai m’engager. Mais je suis sûre qu’il y en a qui ne vont pas accepter une femme agent de sécurité et qui passe la nuit à son boulot. En plus, je ne vais pas laisser mon travail pour un mari. Je ne me vois pas en femme au foyer, rester à la maison sans travailler. Et même si je suis mariée, je veux le faire avec un homme moderne qui comprend la vraie valeur de la femme, de sorte que si je fais la cuisine, qu’il puisse m’aider avec la vaisselle.
Comment voyez-vous la Journée internationale de la femme ?
Pour moi, elle devrait être moins festive parce que ça c’est une situation précaire. Ça aurait été mieux que la journée serve à la femme de moment de réflexion sur son devenir et poser des actes qui puissent les faire avancer. Donc il faut des actes concrets allant dans le sens d’améliorer leurs conditions de vie.

[email protected]

3 Commentaires

  1. Salut je m’appelle eugene suis agent de securité dans une boite.je tiens a encourager cette brave femme qui a embrassé ce métier comme responsable de la securité.je la souhaite bonne continuation.merci.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

CAN 2023

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Lutte contre la vie chère : le secteur privé s’engage à accompagner et à soutenir l’Etat

XALIMANEWS-Le secteur privé sénégalais s'est engagé, hier mardi, à...

AIBD : Grosse colère des agents de la Téranga Sûreté Aéroportuaire (TSA)

XALIMANEWS- Ils sont plus de sept cents travailleurs à...

Kolda : Un cycliste mortellement fauché par un camion

XALIMANEWS-Un cycliste a été mortellement percuté par un camion...