Allemagne : Angela Merkel coincée par la percée des nationalistes

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Le succès électoral du parti anti-immigrés AfD a été difficile à avaler pour une partie de la population allemande. Il met aussi Angela Merkel dans l’embarras : quelle coalition former ?

Silence. Dans la grande salle de l’ancienne mairie de Cologne, l’annonce des résultats de l’élection générale allemande de dimanche 24 septembre, et surtout du succès du parti anti-immigrés Alternative für Deutschland (AfD), laisse tout le monde coi. “Que voulez-vous, on est choqué”, glisse Jenny, une habitante de Cologne de 27 ans qui a voté à gauche.

L’AfD entre en fanfare et avec 93 députés au Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Le quatrième mandat qu’Angela Merkel va très certainement faire en tant que chancelière, la sévère débâcle de la SPD (20% des suffrages), le bon résultat des libéraux de la FDP, tout ça est balayé par le score historique du mouvement populiste de droite radicale. “La campagne était ennuyeuse, mais les résultats sont pleins de surprises, malheureusement la plus grosse s’appelle AfD”, résume Georg 59 ans, qui a voté CDU.

“Virus populiste”

Une surprise ? Pas tant que ça. “C’est vrai qu’on s’attendait à un bon score, mais le voir à l’écran, et surtout aussi haut, ça fait quand même quelque chose”, souligne Steffen, 34 ans. Tout le monde y va de sa petite explication. “C’est un manque d’éducation des électeurs”, assure Hans, un militant écolo de toujours. “Les grands partis n’ont pas su écouter ce que les électeurs leur disaient”, croit savoir Sabrina, une étudiante de 19 ans qui ne veut pas dire pour qui elle a voté. Pour Marc, 44 ans, l’Allemagne a “été contaminée par le même virus populiste qu’aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Aujourd’hui le ras-le-bol s’exprime à droite plutôt qu’à gauche”. Il secoue la tête : “le problème, c’est que ça se passe ici, et quand un parti comme ça a du succès en Allemagne, on s’inquiète davantage pour des raisons historiques”.

Mais les esprits se ressaisissent très vite, et les regards se tournent alors vers l’avenir. Avec appréhension. “Le succès de l’AfD est surtout un danger pour notre système démocratique car, maintenant, Angela Merkel est coincée”, analyse Steffen. La CDU ne va sûrement pas s’allier avec l’AfD pour former un gouvernement. Alexander Gauland, la tête de liste des populistes, a annoncé la couleur dès son premier discours : “nous entrons au Bundestag pour pourchasser Merkel”.

L’option “Jamaica”

De son côté, la traditionnelle grande coalition (CDU et SPD, comme depuis 2013) est à bout de souffle. Les sociaux-démocrates en ont marre de jouer les seconds rôles au gouvernement sans en récolter les fruits électoraux. Leur candidat, Martin Schulz, a paru déterminé à ne pas renouveler l’expérience.

Le parti dominant va alors traditionnellement draguer le troisième. Impossible cette fois-ci, et la CDU doit aller chercher encore plus loin. La seule solution qui reste est ce que les Allemands appellent la coalition « Jamaïque » (des couleurs respectives de la CDU, du FDP et des Grünen, noir-jaune-vert). C’est arithmétiquement possible. Ensemble, les trois partis ont la majorité absolue des 690 sièges du Bundestag.

“Ce genre d’alliance a déjà fonctionné au niveau du Land [la région allemande] en Hesse et en Bade-Wurtemberg, par exemple”, rappelle le politologue allemand Reimut Zohlnhoefer. Mais au niveau national, c’est une autre autre histoire. “Il pourrait peut-être trouver un accord, mais je ne crois pas qu’un tel attelage tienne le choc quatre ans (durée d’un mandat)”, estime Jenny.

Le plus dur est donc encore à venir. Sauf si la SPD revenait sur sa décision de faire une cure d’opposition. Et pendant ce temps, soupire Georg, “l’AfD va pouvoir toucher des fonds publics parce que le parti entre au Parlement. Il va avoir de notre argent !”

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