Alsane Seck fabrique un charbon plus calorifique avec les boues de vidange

L’expérimentation a été concluante. Le chercheur Alsane Seck a réussi à fabriquer un charbon plus calorifique avec les boues de vidange. Les résultats de cette étude, réalisée sous la bannière de l’Ecole doctorale Sciences de la vie, de la santé et de l’environnement, suscite tous les espoirs au regard des portées en termes d’accès à l’énergie pour les ménages et surtout en matière de réduction de la dégradation des forêts par la coupe de bois de chauffe et aussi pour produire du charbon.

Les Sénégalais seront-ils prêts à abandonner le charbon de bois au profit des biosolides ? Il serait difficile de répondre pour le moment. Ce qui est sûr, Alsane Seck vient d’établir, dans une thèse, que les biosolides ont un pouvoir calorifique supérieur à celui du charbon de bois. Mieux, le charbon produit à partir des boues de vidange peut bel et bien intégrer les industries et être utilisé dans les ménages. « Nous avons démontré que ces charbons peuvent être utilisés aussi bien à l’échelle industrielle qu’à celle des ménages », a révélé Alsane Seck, né le 1er janvier 1982 à Thiès.

Il a eu pour sujet de recherche : « Optimisation du séchage des boues de vidange domestiques de Dakar par des lits de séchage non plantés pour une valorisation énergétique des biosolides : caractérisation physico-chimique, calorifique et biologique ». En plus de la caractérisation des boues de vidange collectées dans les quartiers de Dakar et la conception des méthodes de traitement plus efficaces, l’étude, conduite sous la bannière de l’Ecole doctorale sciences de la vie, de la santé et de l’environnement de l’Ucad a mis en évidence le pouvoir calorifique des biosolides avec la moyenne de 13 ± 1,8 MJ/kgMS. En conséquence, les biosolides présentent des opportunités de valorisation énergétique sous différentes formes.

« Les tests faits sur des biosolides sous forme de gâteaux, briquettes, cubes et composites (biosolides plus charbon de bois) ont montré que les formes gâteaux et les composites ont donné les meilleures chaleurs de combustion. En outre, les biosolides contiennent, en moyenne 50 %, de matières inorganiques non dégradables par combustion. De même, les teneurs dans les fumées sont de 2 à 6 fois plus importantes que celles de l’air ambiant », renseigne le chimiste environnementaliste.Une réponse à la dégradation des forêts.

Une telle conclusion suscite tous les espoirs, parce que ces sous-produits de l’assainissement, disponibles en abondance, peuvent contribuer, de manière décisive, à lutter contre la dégradation de nos écosystèmes forestiers. Du moins si les autorités, notamment celles en charge de la préservation de l’environnement et de l’industrie, acceptent de saisir cette opportunité. « Si les résultats de cette étude sont mises à l’échelle, nous allons régler le problème d’accès à l’énergie de chauffe dans les ménages. Ils n’auront plus besoin de dégrader nos forêts pour avoir du charbon et, par la même occasion, cela va contribuer à préserver nos forêts », avance le chercheur. C’est une autre paire de manche.

En Afrique, l’application des résultats de recherche reste une équation insoluble depuis les indépendances à nos jours, malgré la bonne volonté des dirigeants. Alsane Seck l’a bien compris. C’est pour cette raison qu’il a lancé un cri du cœur pour l’exploitation de cette opportunité. « Nous souhaitons que ces travaux soient valorisés, parce que nous avons apporté des réponses tangibles à une problématique donnée. Nous invitons les partenaires, l’Etat et le secteur privé à se rapprocher de nous pour la mise à l’échelle des résultats », lance-t-il.

Valorisation des résultats de recherche
Aussi, grâce à une technique expérimentée, le chercheur a ouvert une perspective d’optimisation du fonctionnement des lits de séchage et, indirectement, celui des stations. La couverture des lits par une toile les protège contre les eaux de pluies. Cette technique a rendu possible le prolongement du temps de fonctionnement des stations en le faisant passer de 8 mois à 12 mois. « Les résultats obtenus montrent que les serres ne permettent pas d’accélérer le processus de séchage des boues de vidange, mais elles servent plutôt à empêcher les entrées d’eau de pluies dans les lits ; ce qui est très bénéfique pour le séchage en saison des pluies », fait remarquer le spécialiste des questions d’eau et d’assainissement.

Les résultats des recherches de Alsane Seck ont été validés par Bienvenu Sambou, Maître de conférences, président du jury qui avait comme rapporteurs Abdoulaye Diop, Professeur titulaire, Lamine Cissé, Maître de conférences (tous deux de la Faculté des sciences et techniques), et Saliou Ndiaye, Maître de conférences à l’Université de Thiès. Samba Dieng et Cheikh Mbow, tous Maîtres de conférences à la Faculté des sciences et techniques de l’Ucad, en sont les examinateurs. Ce travail a été dirigé par le Maître de conférences Cheikh Diop de la même faculté.

Alsane Seck est l’auteur de plusieurs articles scientifiques publiés dans des revues spécialisées. Aujourd’hui, l’application à grande échelle des résultats de ses recherches reste sa préoccupation.

Idrissa SANE

– lesoleil.sn