Après trois semaines de contestation, le président bolivien Evo Morales annonce sa démission

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Plus tôt dans la journée, le dirigeant indigène de 60 ans avait annoncé la convocation de nouvelles élections pour « pacifier le pays », sans parvenir à apaiser les tensions.

« Je renonce à mon poste de président. » Au pouvoir depuis treize ans, le président bolivien Evo Morales aura fini par céder, dimanche 10 novembre, en annonçant à la télévision sa démission dans le sillage de plusieurs ministres et députés après trois semaines de contestation. Pour le chef de l’opposition et candidat malheureux à la présidentielle du 20 octobre, Carlos Mesa, les Boliviens ont « donné une leçon au monde » en obtenant le départ d’Evo Morales.

Selon la Constitution, en cas de démission du binôme Evo Morales et du vice-président Alvaro Garcia Linera, ce serait la présidente du Sénat, Adriana Salvatierra (MAS), qui assumerait la présidence intérim.

Alliés traditionnels du dirigeant socialiste, les gouvernements cubain et vénézuélien ont, eux, condamné « le coup d’Etat en Bolivie ».Cuba exprime sa « solidarité avec le frère président Evo Morales, protagoniste et symbole de la revendication des peuples indigènes de nos Amériques », a tweeté le ministre des affaires étrangères Bruno Rodriguez. Le président vénézuélien Nicolas Maduro a également appelé à « la mobilisation pour exiger que soit préservée la vie des peuples indigènes boliviens, victimes du racisme ».

Une démission réclamée par l’armée et l’opposition

Un peu plus tôt dans la journée, le dirigeant indigène de 60 ans, au pouvoir depuis 2006, avait annoncé la tenue d’un nouveau scrutin présidentiel – une option qu’il rejetait jusque-là – afin de « pacifier la Bolivie ». Cela n’aura cependant pas suffi à ramener le calme, et les affrontements entre protestataires et forces de l’ordre se sont poursuivis.

Le commandant en chef des armées, le général Williams Kaliman, avait demandé à Evo Morales de démissionner, dimanche soir, afin « de permettre la pacification et le maintien de la stabilité, pour le bien de notre Bolivie ». L’armée avait également ordonné « des opérations militaires aériennes et terrestres pour neutraliser les groupes armés qui agissent en dehors de la loi », toujours selon le commandant en chef.

Des démissions en cascade

Ces dernières heures, des démissions en cascade sont survenues. Deux ministres et une dizaine de sénateurs et députés, ont présenté leur lettre de démission. « Le cours des événements va à l’encontre de mes principes personnels, ainsi que de mes valeurs spirituelles et démocratiques, et donc cela m’empêche de continuer à la tête du portefeuille d’Etat que je dirige », a écrit le ministre des hydrocarbures, Luis Alberto Sanchez, dans une lettre envoyée au président et publiée sur son compte Twitter, peu après l’annonce de démission d’un autre ministre, celui des Mines, César Navarro. Ce dernier a dit vouloir « préserver [sa] famille » après l’incendie de sa maison et l’agression de son neveu. Visé par des manifestants qui ont incendié sa maison à Potosi (sud-ouest), le président de l’Assemblée nationale, Victor Borda a également démissionné. « Pourvu que cela aide à préserver l’intégrité physique de mon frère, qui a été pris en otage » lors de l’attaque, a-t-il déclaré.

« Il y a eu des mutineries dans les forces de police, l’armée est neutralisée – elle a déclaré qu’elle n’utiliserait pas la force contre le peuple bolivien – Evo Morales vient de perdre le soutien de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), l’un de ses plus fidèles soutiens », juge le politiste Marcelo Silva, ancien conseiller politique du Mouvement vers le socialisme (MAS, le parti au pouvoir).

« Evo Morales est totalement délégitimé et décrédibilisé. Son appel à de nouvelles élections [est] arriv[é] trop tard. Le pays s’est embrasé. Les gens ne croient plus en le gouvernement et en ses annonces. Lui et son vice-président Alvaro Garcia Linera, sont moralement et éthiquement inhabilités à conduire le pays. »

De « graves irrégularités » dans le scrutin présidentiel

Evo Morales avait été réélu le 20 octobre dernier au premier tour de la présidentielle mais l’opposition, à travers la voix du candidat arrivé second, Carlos Mesa, avait dénoncé une « gigantesque fraude ». La mission d’observation de l’Organisation des Etats américains (OEA) avait également pointé de« sévères irrégularités » dans le décompte des résultats. Le 30 octobre, le gouvernement avait conclu un accord avec l’OEA afin de réaliser un audit du scrutin. Le rapport préliminaire, rendu dimanche, pointe de« graves irrégularités » du processus électoral et jusqu’à « une claire manipulation » des systèmes informatiques.

« Cela s’appelle une fraude », tranche Marcelo Silva. « C’est un délit dans notre pays qui a de graves conséquences judiciaires et est sanctionné par le Code pénal. »

L’OEA juge statistiquement peu probable qu’Evo Morales ait obtenu la marge de 10 % nécessaire pour être élu et invite la Bolivie à se doter de nouvelles autorités électorales avant la tenue d’une nouvelle élection. « Le premier tour de l’élection qui s’est déroulé le 20 octobre doit être annulé et le processus électoral doit recommencer. Le premier tour doit avoir lieu dès que de nouvelles conditions apporteront de nouvelles garanties (…), notamment avec une nouvelle instance électorale », dit-elle dans un communiqué.

A la suite de la publication du rapport, le parquet bolivien a immédiatement annoncé avoir ouvert une enquête sur les membres du tribunal suprême électoral, qui encadraient les élections pour de « présumés faits irréguliers ». S’il a suivi les recommandations de l’OEA de convoquer de nouvelles élections, Evo Morales n’a pas pour autant reconnu la fraude. « C’est une décision politique [celle de l’OEA de demander l’annulation des élections]. Ce n’est pas une décision de justice »,a-t-il déclaré.

Dès le lendemain du premier tour, des violences avaient éclaté aux quatre coins du pays. Elles ont fait jusqu’à aujourd’hui quatre morts et plus de 250 blessés selon les médias locaux. Le ministre de la défense, Javier Zavatela déclarait il y a quelques jours : « nous sommes à un pas de compter les morts par douzaines ».

Amanda Chaparro (Lima, correspondance)

Le Monde.

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