Arnaque à l’hôpital !

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Dans son rapport final sur la conformité de la passation des marchés au titre de la gestion 2009, l’Armp a épinglé huit hôpitaux pour avoir passé des contrats dans des conditions illégales.

Les malversations financières continuent de pourrir le secteur de la santé. Cela va de l’Entente directe aux contrats falsifiés en passant par des surfacturations excessives. Absence d’éthique et de transparence dans la passation des marchés, inexistence d’appel d’offres, non respect du code des marchés publics etc. Huit hôpitaux de référence, ont ainsi été épinglés par l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp).

Abonné aux « pratiques corruptrices » et souvent cité pour sa « mauvaise gestion », l’Hôpital général de Grand-Yoff (Hoggy) s’est de nouveau illustré par des achats estimés à 71 729 148 FCFA et effectués sur des bases non concurrentielles. Ce qui constitue des ententes directes non autorisées en violation des dispositions de l’article 75 du Code des marchés publics (CMP). Par exemple, un avenant de 62 millions F CFA au marché portant sur la fourniture de poisson a été conclu sans autorisation préalable de la Direction centrale des marchés publics (DCMP) en violation des dispositions de l’article 138 du CMP qui dispose que la DCMP émet un avis sur les marchés fractionnés quel que soit leur montant. Toujours dans cette structure, le même constat a été fait pour le marché portant sur les denrées alimentaires reconduit par avenant sans autorisation préalable pour un montant de 145 millions F CFA.

Parmi les mauvais élèves, on compte également le Chu de Fann, où plusieurs marchés auraient été conclus pour des montants plus élevés que ceux auxquels ils ont été attribués au terme de la procédure d’évaluation des offres alors qu’aucune disposition du Dossier d’Appel d’Offres ne prévoit de variation des quantités. En enfreignant par là, les dispositions des articles 60 et 69 du CMP qui interdisent toute négociation ou modification des offres des soumissionnaires, le lot relatif au gaz médical a fait l’objet d’un contrat de 60 millions F CFA avec Sahel Gaz alors qu’il a été attribué pour 34 millions F CFA. Un constat qui, comme le soulignent les auditeurs, a été fait sur la quasi-totalité des lots attribués sur appel d’offres. En outre, le rapport note qu’à Fann « les offres de soumissionnaires relative aux travaux d’aménagement des espaces verts et jardins attribué, à Afrique Entreprise et Jardin pour 24 958 504 F CFA ont permis de constater de nombreuses similitudes laissant entrevoir des manœuvres collusives d’autant plus que tous les autres soumissionnaires se sont auto-éliminés en cotant au-delà du seuil de passation des marchés par DRP (Demandes de renseignement des prix). Le même constat relatif à la cotation des offres a été fait sur la DRP portant travaux d’étanchéité attribuée à TOP NEGOCE pour 24 962 310 F CFA et pour laquelle nous avons noté lors du contrôle de l’exécution physique une surfacturation estimée à 11 801 334 F CFA (47,28 % du montant du marché) car les surfaces facturées sont quasiment le double des surfaces effectivement couvertes par les travaux ».

Des montages mal ficelés

Même son de cloche au Centre hospitalier national psychiatrique de Thiaroye (CHNPT) où les offres techniques de trois soumissionnaires pour l’acquisition de matériel informatique sont quasiment identiques. Avec des factures proforma « préparées par la même source ou des sources liées sur plusieurs papiers à entêtes différentes », les entreprises Mora multi services, Office informatique, Sen services informatique, papeterie Sope nabi, Setrane SARL, ont présenté des similitudes frappantes. Deux autres soumissionnaires (Gie lafa et Etablissement Khady Ndiaye) ont la même adresse et la même boite postale tandis que les candidats (Immo medic et Office medical) présentent les mêmes offres techniques.

Idem à l’hôpital Principal de Dakar (Hpd). L’examen des offres relatives au marché sur la réhabilitation du nouveau Mess des Officiers attribué à SBCS pour 23 660 162 F CFA a permis d’identifier de nombreuses similitudes entre les offres des différentes entreprises ayant participé à la consultation (Sen distribution, SBCS, Esbtp, Georges Soumah, Senegal Negoce international) qui laissent présager soit une simulation de la part de l’autorité contractante, soit une collusion entre fournisseurs.

Les mêmes entreprises qui ont participé à cette opération se retrouvent encore pour les marchés portant réhabilitation de la Clinique Brévié, les travaux de peinture de la Pharmacie toujours pour la plupart attribués à Sen distribution pour des montants respectifs de 9 907 550 F CFA et 3 886 920 F CFA. De manière générale, le rapport note que « les tests et sondages effectués sur un échantillon sélectionné à partir de la balance auxiliaire des comptes fournisseurs ont permis de noter que des achats directs non concurrentiels ont été opérés pour un montant de 82 559 171 F CFA ». Une violation de l’article 75 du Code des marchés publics (CMP), si l’on sait que ce montant dépasse de loin le seuil de passation des marchés par appel d’offres. Les mêmes travers ont été également dénotés à l’hôpital Aristide Le Dantec. Selon le rapport de l’Armp, « des factures pro – forma produites en réponse aux dites consultations sont, au regard d’un faisceau d’indices concordants, préparées par la même source ou des sources liées sur plusieurs papiers à entêtes différentes. Elles sont présentées de la même façon, les mêmes caractères sont parfois utilisés, les mêmes fautes commises, le même numéro de NINEA utilisé par des entreprises aux dénominations sociales différentes (Afrobiz International et O’rizon, Mondial Contact Services et SCTDF SARL, Queen Sénégal et Papa Arfang Sarr). Les anomalies notées laissent présager des supposées procédures de Demandes de Renseignement et de Prix qui nous semblent organisées que dans le but d’octroyer les marchés à des fournisseurs préalablement désignés, donc en l’absence de toute concurrence réelle ».

Tripotages dans les hôpitaux de Thiès, Saint Louis et Kaolack

La surprise de ces rapports a été sans doute, les flagrantes irrégularités constatées dans des hôpitaux régionaux, pourtant rarement cités dans les affaires de corruption. C’est ainsi qu’au centre hospitalier régional El Hadj Amadou Sakhir Ndieguene de Thiès, il ressort notamment que « des achats d’une valeur de 219 304 741 FCFA ont été effectués sur des bases non concurrentielles et constituent de ce fait des ententes directes non autorisées. Pire, dans cette structure, des surfacturations ont été notées lors de l’acquisition de matériel informatique (cinq ordinateurs P4 ont été acquis 1 200 000 F CFA l’unité soit près de trois fois le prix du marché, l’encre pour imprimante laser est acheté 130 000 F CFA l’unité soit le double du prix du marché) ». Encore que, selon les auditeurs, « l’existence du matériel informatique en question n’a pu être prouvée ». Pour l’achat de riz, cela a également fait l’objet d’une surfacturation. Pour une tonne de riz disponible sur le marché entre 270 000 et 330 000 F CFA, le centre hospitalier le facturait à 400 000 F CFA.

A l’hôpital de Saint-Louis, un contrat relatif à l’installation d’une centrale téléphonique conclu le 28 mai 2009 pour un montant de 6 869 618 F CFA TTC a, par la suite, donné lieu à la signature d’un avenant le 18 septembre 2009 pour les travaux de câblage d’un bâtiment non prévus dans le contrat de base (câblage téléphonique du nouveau bâtiment pour 914 205 F CFA TTC) en violation de l’article 23 du CMP qui interdit la signature d’un avenant après la réception des travaux ou fournitures.

Même pratique remarquée au Centre hospitalier régional El Hadj Ibrahima Niasse de Kaolack où sur plusieurs acquisitions, les montants des offres financières des candidats ont fait l’objet de modifications au moment de la contractualisation pour les fixer à des niveaux différents de ceux retenus au moment de l’attribution. « Pour le lot N° 5 de l’appel d’offres portant acquisition de produits médicaux et relatif aux fils de suture, le soumissionnaire Diahanor a été retenu alors qu’il n’était pas moins disant puisque son offre, non exhaustive par ailleurs, se chiffrait à 92 302 000 F CFA pendant que celle d’un autre soumissionnaire moins disant se chiffrait 66 765 600 F CFA. L’offre de Diahanor a été modifiée pour passer à 14 800 000 F CFA », note le rapport. Par conséquent, une telle manipulation constitue une transgression des dispositions des articles 59 alinéas 1 et 9 du code des marchés relatifs respectivement aux critères d’évaluation des offres et à l’existence de crédits préalables. Ce sont autant d’anomalies qui fragilisent le système de santé, même si les autorités qui ont le devoir d’y remédier, font comme si de rien n’était.

Pour l’heure, ces rapports de l’Armp devraient faire l’objet d’enquêtes supplémentaires avant d’être transmis aux juridictions compétentes en la matière. Mais, il est déjà à se demander si tous les directeurs et autres responsables ayant favorisé des entreprises, seront enfin traduits en justice pour justifier leurs gestions ?

Papa Adama TOURÉ

lagazette.sn

 

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