Assistons-nous à l’avènement d’un État orwellien au Sénégal?

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«Rien ne marque tant le jugement solide d’un homme, que de
savoir choisir entre les grands inconvénients». Cardinal de Retz

Ho malheur! Ho malheur! Ho malheur!
Le chat ouvre sa bouche et veut avaler des souris
Tout cela est bien propre à donner bonne conscience!
Notre très célébrissime et bien-aimé, désormais Procureur du Virtuel, patenté champion de la «violation du secret de l’instruction» au Sénégal, vient de lancer une déshonorante mise en demeure ce vendredi 4 août 2017. Encore sur ce coup, Serigne Bass pour les intimes, sort ses griffes juridiques avec un clin d’œil séducteur à son grand patron, le chef suprême de l’APR.
Tout cela paraît également flagrant, probant et triste! Ce coup-ci, son index rageur pointé, a la prétention de livrer à la vindicte populaire les «personnes mal intentionnées qui utilisent les réseaux sociaux et autres sites internet pour diffuser des images ou propos obscènes, injurieux et même à caractère ethnique». Écoutons-le nous marmonner que dorénavant «tous les auteurs de tels manquements, ainsi qu’aux administrateurs de sites, aux modérateurs et de façon générale à tous responsables du secteur concerné, aux fins de mettre un terme à ces agissements répréhensibles, sous peine de poursuites judiciaires».Il appert de ces menaces que notre procureur Guèye est un partisan avéré de la «théorie du préjudice» en vertu de laquelle, selon plusieurs spécialistes et professionnels du droit, la liberté d’expression des citoyens dans une société libre et démocratique doit être fortement limitée.
Holà! Le sujet de l’action publique cherche à redonner ses lettre de noblesse au Code pénal sénégalais. Nos concitoyennes Oulèye Mané et Amy Collé Dieng, déjà injustement dans ses filets de pêche pour offense au roi de la République-chef de parti, lui suffisent pour susciter la crainte sur l’ensemble des 196 712 km² que compte le Sénégal. Les espaces (terrestre, maritime et aérienne) ainsi maitrisés, notre vaillant procureur galvanisé par ses sorties publiques si médiatisées, élargit son champ de prédilection et s’en prend à une franche de la population qui hante sa tutelle et qui pour la plupart interagissent dans les labyrinthes du Virtuel.

Très souvent, nous sommes des témoins inquiets ou amusés par les manœuvres dolosives, par les excès de pouvoir fréquents et ostentatoires commis par des personnes qui incarnent le service public de la justice et de la sécurité. Sous nos yeux, elles banalisent leurs nobles fonctions et mettent nos droits ainsi que nos libertés en danger ou en péril. Ce faisant, nous entrons tranquillement dans l’ère d’un État total et des institutions absolues avec la mise en scène des éléments du célèbre roman «1984» de George Orwell.
Pour satisfaire les désirs et les délires de politique politicienne d’un «président de la République» qui fait de la terreur et de la liquidation systématique des opposants les fondements de sa gouvernance devenue immorale et illégale depuis le 03 avril 2016, les moindres faits et gestes des populations sont surveillés et leurs libertés individuelles bafouées. De jour en jour, les détenteurs de la violence légitime violent la loi et s’immiscent dans les espaces et plateformes privés de socialisation des citoyens pour contrôler leurs échanges et avoir une emprise totale sur les médias et les réseaux sociaux.
La politique de répression abusive qui sévit sournoisement et insidieusement dans notre cher Sénégal tellement interconnecté avec le reste du monde, ne fait plus l’objet de doute. Avec désolation, ces actes de dissuasion et de persuasion en cours dans une société qui fait de l’idéal démocratique son emblème, reflètent les innombrables paradoxes et ambigüités qui émanent de nos longues tentatives vaines d’arrimer l’État sénégalais importé avec nos réalités et nos valeurs sociales, anthropologiques et culturelles.
Autrement dit, les discours judiciaires prônant une conception fortement libérale de la liberté d’expression sont en faillite. Le sens et la portée de la liberté d’expression au Sénégal sont sensibles et surtout énantiosémiques. De ce fait, tout élan de restrictions des aspects de nos droits et nos libertés, en général et de la liberté d’expression, en particulier, s’accompagne contre toute attente de la manipulation des esprits déjà fortement divisés par de permanentes controverses juridiques, éthiques, morales et sociales portant sur l’équilibre entre garantie de sécurité, respect des institutions et défenses des libertés civiles. La liberté d’expression est essentielle dans une démocratie et chaque citoyen doit s’exprimer et pouvoir se sentir à l’aise et rassuré. Elle est ainsi un élément fondamental pour le fonctionnement de la démocratie. C’est sous cet angle qu’il faut entendre et comprendre la diversité et la variété des opinions des citoyens sénégalais.
Admettons que chaque personne a ses idées, sa manière de voir, des intérêts à défendre. De ce fait, en démocratie, il faut qu’il ait des discussions, des confrontations mais aussi des opinions différentes. Ceci est un processus normal et ne doit aucunement être un blocage s’il est bien géré autrement que par la menace et l’intimidation. Ce processus inclut des convictions divergentes, voire opposées et elles peuvent coexister du moment que chacun respecte le point de vue d’autrui.
Force est de reconnaitre, par ailleurs, que la liberté d’expression politique est la plus fondamentale des libertés dans un régime qui se dit démocratique. Sans elle, aucune autre liberté ne pourrait être reconnue et protégée par le législateur ou la Constitution. Consciente de cela, la Cour suprême du Canada dans sa jurisprudence rendue en 1989 dans l’affaire opposant Edmonton Journal et le Gouvernement Albertain, avait reconnu qu’« il est difficile d’imaginer une liberté garantie qui soit plus importante que la liberté d’expression dans une société démocratique. En effet, il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d’exprimer de nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques». Mieux, la liberté d’expression revêt une portée utilitariste largement partagée en ce sens qu’elle contribue à favoriser le «marché des idées», le libre échange des opinions qui sont indispensables à la démocratie et au fonctionnement des institutions démocratiques. C’est sans nul ce qui se trouve sous la plume de Raymond Aron quand il affirmait que « la démocratie est l’organisation de la compétition pour l’accession au pouvoir. C’est pourquoi, il convient de respecter la minorité pour permettre à celle-ci de devenir un jour la majorité ».
En définitive, loin de nous l’idée de souhaiter le désordre dans ce Sénégal encore sur les voies sinueuses du développement durable et de la cohésion sociale. Seulement, la résistance et la l’obéissance comme vertus du citoyen selon le philosophe Alain, ne sont possibles avec l’anarchie et la tyrannie.
Clamons à qui de droit que la liberté d’expression est à la fois une fin en soi, une valeur essentielle au type de société et au respect mutuel que nous souhaitons instaurer et préserver. Et nous ne devons pas ignorer cette maxime attribuée à Benjamin Franklin qui nous rappelle à juste titre que: «ceux qui sont prêts a sacrifier un peu de liberté en échange d’un peu de sécurité ne méritent ni l’une ni l’autre».
Pathé Guèye-Montréal(CANADA)

3 Commentaires

  1. Tel un glissement de terrain qui est imprévisible et survient donc de façon brutale, la dictature et la tyrannie aussi s’incrustent de la façon la plus brutale au Sénégal. Si ce que nous voulons comme peuple, alors cautionnons-le et que personne ne viennent plus tard hurler lorsque l’injustice s’abat sur elle ou plus tard sur ses enfants par les enfants des tyrans actuels, comme dans les pays tyranniques. Je crois que si vous êtes complices aujourd’hui, vos enfants ne vous pardonnerons pas demain s’ils seront victimes des injustices des enfants de vos actuels complices.

  2. On ne peut pas museler les Sénégalais et ce procureur on l’a assez vu et entendu on dirait qu’il n’a pas d’autres dossiers arrête waaye!!!!

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