Attention, ça se gâte! par Madiambal Diagne

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Macky Sall veut créer des emplois par milliers ! Lors de son adresse à la Nation du 31 décembre 2012, il avait annoncé le recrutement de quelques 5500 nouveaux agents dans la Fonction publique. Les appels à candidatures sont déjà lancés. Cette politique «volontariste» en direction des jeunes notamment, s’est aussi manifestée par l’annonce faite en Conseil des minis­tres le 11 janvier 2013. Le chef de l’Etat a, en effet, exprimé «sa forte préoccupation face au chômage massif des jeunes» et a insisté sur l’urgence pour le gouvernement d’améliorer la condition des jeunes.
Il s’agira, entre autres initiatives, de chercher à les mobiliser dans les travaux d’intérêt général, tels que le nettoiement, la réhabilitation et l’embellissement des espaces et édifices publics, la sécurité de proximité etc. Dans cette perspective, le chef de l’Etat a informé le gouvernement du recrutement prochain de 30 000 jeunes. Ce seront des emplois publics, dont des jeunes de l’Alliance pour la République (Apr), ne voudraient pas car ils mériteraient «mieux que des emplois d’éboueurs» (sic).
On pourra toujours se demander si les ressources de l’Etat et des collectivités locales pourront satisfaire une telle demande. Mais il n’en reste pas moins que toute politique de créations d’emplois massifs, est fonction du dynamisme du secteur privé. Or, sur ce terrain de la situation de l’entreprise privée, le gouvernement semble atteindre ses limites. Pourtant, le Président Macky Sall ne s’était pas trompé sur la situation des entreprises sénégalaises. Lors du dernier Conseil des ministres de l’année 2012, il «a déploré le fait que de nombreuses sociétés soient à l’arrêt ou fonctionnent au ralenti, une situation qui occasionne aussi bien des pertes d’emplois, qu’elle engendre une contre-performance pour la production nationale et une baisse en volume des exportations». Le président de la République a alors demandé au Premier ministre de procéder, avant le 28 février 2013, en relation avec les acteurs du secteur privé, à un recensement exhaustif des entreprises en difficulté. Il l’a également chargé d’étudier la mise en œuvre rapide d’un plan de relance en faveur des entreprises à l’arrêt ou fonctionnant au ralenti.
En attendant ces mesures promises, des entreprises ferment. Dans le secteur de l’agro-alimentaire, on vient d’apprendre que la Socas a fermé son unité industrielle de Dagana, mettant ainsi en chômage plus de 400 employés permanents et 1 000 employés temporaires, sans compter tout le monde de producteurs de tomates qui vivent de la filière. L’Etat du Sénégal autorise des importations sauvages de triple concentré de tomates que des opérateurs économiques, qui n’embauchent pas plus d’une dizaines de personnes, coupent pour en faire du double concentré de tomates, concurrençant les productions de la Socas sans même que le consommateur ne ressente un gain en termes de pouvoir d’achat. Dans le secteur des industries extractives, on constate que la Sococim et les Ciments du Sahel ont vu leurs chiffres d’affaires baisser de plus de 30%, du fait des contraintes combinées de la crise du Mali, qui a conduit à la réduction des exportations, et du fait de l’arrêt ou du fonctionnement au ralenti des chantiers de construction dans le pays. Du fait de l’accumulation de ses stocks, la Sococim envisage de réajuster sa production, ce qui pourrait entrainer des pertes d’emploi. Les difficultés des entreprises des secteurs de l’alimentaire, du transit, de la savonnerie ou de la filière textile sont encore plus accrues. Si on n’y prend garde, autant le gouvernement aura créé d’emplois publics, autant le secteur privé en supprimera.
En réalité, il n’y a aucune politique de protection des industries nationales et le risque d’accroître la désindustrialisation du pays est encore grand. Le plus absurde est que le gouvernement ne semble pas comprendre ces enjeux. En Conseil des ministres, quelques piques ont été échangées entre le Premier ministre Abdoul Mbaye et son ministre du Commerce et de l’Industrie, El Hadji Malick Gakou car ce dernier, avec le ministre du Budget Abdoulaye Daouda Diallo, s’évertuait à sensibiliser le gouvernement sur le sort des cinq entreprises meunières sénégalaises qui traversent de graves difficultés. Le gouvernement s’était engagé à trouver des formules pour atténuer les contrecoups de l’inflation du prix du blé sur le marché international, mais le Premier ministre ne trouve mieux à dire que «les meuniers gagnent beaucoup d’argent». Qui connaît un industriel qui ne cherche pas à gagner de l’argent ? Il faut dire que M. Gakou ne semble pas avoir bien digéré que le Premier ministre lui tapât sur les doigts après une annonce faite à la tribune de l’Assemblée nationale à l’occasion du vote du budget de son ministère. Le ministre Gakou, fort des tendances baissières des cours mondiaux des produits alimentaires, annonçait une deuxième génération de baisse des prix des denrées au Sénégal. Le gouvernement, craignant de devoir être comptable d’une telle promesse, lui imposa un communiqué se démarquant d’un tel engagement. Mais moins d’un mois après, le chef du gouvernement, avec une certaine verve, a fait siennes les prévisions optimistes de son ministre du Commerce. Le communiqué du Conseil des ministres du 23 janvier 2013 en atteste. Et certains ministres incrédules ne pouvaient s’empêcher un sourire. L’ambiance se gâte quelque peu en Conseil des ministres. Le 3 janvier 2013, le Président Macky Sall a manifesté un agacement sidérant après la communication du ministre de l’Economie et des Finances au sujet des chiffres de la dette publique du pays. Le chef de l’Etat sortira, après les explications de son ministre, un «je n’y comprends rien». Un ange passa dans la salle. Le ministre des Mines et de l’Energie, Aly Ngouille Ndiaye, s’autorisa lui aussi, une sortie pour mettre en garde le chef de l’Etat en lui indiquant de se méfier des chiffres balancés à l’emporte-pièce et de faire attention aux engagements que son gouvernement lui fait prendre. Pour lui, Macky Sall sera le seul à en répondre devant les électeurs. Aly Ngouille Ndiaye a insisté à l’endroit de qui voulait l’entendre : «Je suis banquier comme vous autres !»
Madiambal Diagne
lequotidien.sn

2 Commentaires

  1. Un article interessant qui au moins parle de l’economie. Ce secteur de l’economie que les politiciens professionnels traitent comme parent pauvre dans leurs discours par manque de maitrise technique, est le plus important pour developper le pays et offrir aux populations un bien etre.

    Macky Sall lui-meme doit faire un effort considerable pour etre au diapason des orientations et connaitre theoriquement les concepts et les principes economiques. Il doit etre conseille par les meilleurs experts economique du pays pour pouvoir apprendre a travers leurs explications les effets et consequences des differentes politique economiques. Ceci est aussi valable pour tous les ministres. Puisque il y va de l’efficacite de l’action gouvernementale.

    L’article de Madiamble pose un debat essentiel en dehors meme du Senegal. Est ce possible le developpement sans l’industrialisstion? Depuis les plans d’ajustement structurels des annees, les bailleurs comme la FMI ont conseilles les pays a liberaliser et privatiser leur economie. Cette politique avait pour consequence la faillite de bcp d’entreprises et une augmentation du chomage. C’etait une sorte de-industrialisation. Depuis lors les exigences des accords de l’OMC ont entraine la baisse des taxes et droit de douanes pour en retour promouvoir les importations des biens de consommations. Tous les operateurs economiques se sont frailles un chemin dans l’importation pour inonder nos marches de produits moins chers. Bien sur tres positif pour le goorgorlu mais tres nefaste pour les entreprises prives et l’emploi. C’est cette situation que nous vivons jusqu’a present.

    Cependant il est a saluer l’initiative du chef de l’Etat de creer des emplois publiques pour satisfaire les demandes. En meme de facon concommittante le gouvernement doit s’atteler a resoudre les difficultes des entreprises publiques.

    De un maintenir les emplois deja existant. Renforcer les possibilites de l’entreprise afin de d’accroitre la production, ce qui permettra un recrutement massif.
    De deux, l’exportation des entreprises pourront reequilibrer la balance commerciale et pourvoir des recettes a la tresorie de l’etat avec l’impot sur les entreprises.
    De trois, un secteur manufacturier dynamique entraine de nouveaux investissement et un developpement des pme-pmi.

    L’histoire recente des pays asiatique demontre encore une fois c’est le developpement de l’industrie manufacturiere qui cree des emplois en grand nombre, stimule les R&D, accompagne le secteur financier et booste le secteur des service.

    La creation d’emploi publique joue sur le court terme, peut etre un bon agenda de compagne pour une reelection mais elle ne aide pas sur le moyen et long terme dans la percepective de developpement du Senegal.

    Boumiputra

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