Au bal du réveillon : en se comparant, on se console par Birame Waltako Ndiaye

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Pour les besoins du bal de fin d’année, il faut draguer la fille choisie et déjà signalée à la bande de copains. Au commencement de sa vie de coureur, Badou tremble, il hésite; il n’arrive même pas à réciter la formule magique, préparée et apprise avec ses camarades, associés du club de quartier. En lieu et place, il dit à Yacine: « Heu! Les amis ne t’ont rien dit….ils ne t’ont pas dit que je leur ai dit que je t’aime. » Plus que la peur du rejet, cette crainte du garçon aux premiers contacts avec le sexe opposé s’explique par l’impréparation à sa découverte.

Cette distance entre garçons et jeunes filles, que la tutelle établit fermement, distingue et protège la petite madone. Ce cadre de vie précise clairement les limites et les sphères de réalisation en fonction de l’âge, du clan et surtout du sexe. Jusque dans l’enceinte familiale, entre frères et sœurs, des clichés et des croyances particularisent les échantillons sexués. Selon qu’on est destiné potentielle gardienne de foyer ou protecteur contre les agressions extérieures, les stéréotypes de genre se perpétuent tels les chromosomes X et Y. Badou est porté à chahuter les filles et à leur piquer monnaies et friandises, mais pas du tout modelé à parler sentiment avec elles.

Pour sauver les meubles face à la déclaration pitoyable de flamme du bonhomme, Yacine ne trouve rien de mieux que de riposter qu’elle est « occupée ». La valse dédaigneuse de ses yeux ainsi que sa moue de vierge éplorée n’arrivent pourtant pas à ébranler l’engagement de Badou. Machinalement, il lui rétorque que l’« occupation » d’une femme est dans la cuisine. Ça fait 2 ans et des poussières qu’il se prépare à l’affronter uniquement pour prouver à ses copains qu’il est « guerrier », boy-disco et dégourdi.

Le jour du bal, il faut à Badou et à ses amis de fortune : inviter, impressionner et nourrir les demoiselles du quartier mieux que les autres cliques concurrentes des alentours. Les rares moments de blues langoureux en valent la peine. Même si aucun d’eux ne réussit à dégoter l’assentiment final d’une créature mi-sirène mi-mufle, il n’est pas question que les rivaux leur ravissent la vedette. Ils ont peur de la plus frêle des « disquettes », mais sont disposés à livrer bataille au plus fort des challengeurs, en ballon rond, en break-dance et en bataille rangée.

Yacine, oh Yacine! Ses yeux de biche, sa taille de guêpe ainsi que ses déhanchements comptent peu dans cet exploit, marche vers l’inconnue au rythme de bravades et d’excitations pures. Nubile et secrète, cette étrange libellule, représente l’épreuve d’initiation de Badou et de ses semblables en chaleur. Yass, de son nom de prise difficile, mobilise l’attention et l’énergie des jeunes de son âge. Elle est éduquée pour saturer les cœurs mâles d’aptitude aux tacts; sans le moindre soupçon, elle bourre ces cools âmes de sensibilité et de générosité.

Ce mode de vie a ceci d’extraordinaire et de protecteur que les filles et garçons se découvrent au fur et à mesure par la force imposante des pudeurs, des attraits et des promesses de persévérance. C’était bien avant que l’alliance nouvelle entre les genres ait réduit et la peur et le mystère ornant de la femme. Dans la tourmente égalitariste, la féminité, tout comme la virilité, a cédé le pas aux critères d’uniformité. Le féminisme radical, abolition des spécificités, est passé par là.

Birame Waltako Ndiaye

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