Au Sénégal, la première récolte du vin

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Jour de vendange… au Sénégal. Situées sur la Petite Côte, à une bonne heure de route de Dakar, les vignes du Clos des Baobabs s’étendent sur un hectare. Pour ces premières vendanges, tous les associés sont présents : Mokhsine Diouf, œnologue, François Normant, un informaticien débarqué au Sénégal en 2007, et Philippe Franchois, un assureur qui a travaillé pendant trente ans à Meursault avant de revenir dans son pays natal. Des amis – et même l’ambassadeur de France – sont aussi venus donner un coup de main.

Faire du vin au Sénégal est un défi face à la nature et au poids des traditions. Après avoir réglé les problèmes d’eau en allant puiser dans la nappe phréatique à 180 mètres, après avoir réussi à recréer la dormance (cycle végétatif de la vigne) en badigeonnant les bourgeons afin de provoquer le nécessaire choc thermique, après avoir su écarter les termites et autres parasites, les viticulteurs de la Teranga ont dû lutter contre les singes, venus grappiller le raisin avant qu’il ne soit récolté. Pour leur prochaine récolte, ils espèrent une production de 500 bouteilles. « Mais avoir obtenu du raisin qui fasse du vin, c’est déjà génial ! », assurent-ils en chœur.

Les premières vendanges du Clos des baobabs ont eu lieu en avril. Deux mois plus tard, les quelque 5 000 pieds plantés de cinq cépages (cabernet, grenache…) ont donné une première production d’une soixantaine de bouteilles : « Un rosé structuré et sympathique à boire sans problème à l’apéritif », assure Mokhsine Diouf, qui produit également du rouge.

Mokhsine Diouf et le vin, c’est une histoire qui commence avec les années 1990. Né à Accra (Ghana), dans une famille originaire de Saint-Louis, le fils de diplomate, agé de 48 ans, a quitté Dakar après l’obtention de son bac pour des études de sociologie à Montpellier. « Le vin est arrivé par hasard, se souvient celui que l’on surnomme le « griot des viticulteurs ». Je travaillais, comme étudiant, dans une entreprise de mise en bouteilles. »

Après sa maîtrise, il sollicite un congé individuel de formation pour obtenir un BTS en commercialisation des vins et spiritueux, et suit parallèlement des cours d’œnologie et de viticulture.

« Avec mon diplôme, j’ai sollicité un poste vacant au sein de l’entreprise qui correspondait à mon profil, mais la réponse a été ’niet’, raconte t-il. Parce que j’étais novice, sans doute, et que je ne faisais peut-être pas assez couleur locale… j’ai démissionné. »

Pari gagnant

Bien décidé à vivre de sa passion, le « Sénégaulois » loue un ancien garage à Clermont-l’Hérault, sur la grand-place de la ville languedocienne, et ouvre sa cave, qu’il baptise joliment Au fil du vin. Il sait se montrer convaincant : « J’ai proposé à la propriétaire, représentante locale du FN, de m’occuper de son vin et de former son fils… »

Le pari se révèle gagnant. « Les Anglo-Saxons, installés dans le coin, ont été mes premiers clients, se souvient-il. Ils m’ont amené les locaux et tout s’est enchaîné très vite. » Au Fil du vin devient un lieu incontournable, exposant des peintres (dont Hervé dit Rosa, une figure de la figuration libre) et mettant souvent en valeur les vignerons du cru.

« Cette expérience m’a permis de m’enraciner, assure Mokhsine Diouf. De la couleur de ma peau, un handicap supposé, j’ai fait un avantage. Mais ce sont mes compétences qui m’ont permis d’installer la confiance. » Il obtient le prix de la Très Petite Entreprise, puis décide de s’agrandir en développant une activité de bar à vins. « Plus d’employés, plus de soucis… Plus de vie ! » Las, il vend son commerce en 2012.

Développer le conseil

Retour à la case Dakar, fin 2013, où il prend le temps d’analyser le marché, évalué entre 20 et 25 millions de bouteilles par an. « On trouve 70 % de vins médiocres, mis en bouteille sur place, 20 % de vins moyens importés et 10 % de qualité, une niche qui peut grossir si on fait de la pédagogie, analyse-t-il. Ce n’est pas dans la culture locale, mais il se consomme de plus en plus de vin dans le monde, et il y a de moins en moins de vignes. Les pays émergents ont une carte à jouer dans cette nouvelle donne. » Morkhsine Diouf a des tas d’idées à développer, notamment le conseil aux particuliers et aux restaurateurs.

La première année, il a ainsi proposé en soirée une activité de bar à vins dans une épicerie fine située sur le Plateau et lancé des dégustations dans les bonnes tables de la capitale, comme au restaurant Al Kiama, au cœur des Almadies, le quartier chic de Dakar. A chaque fois, il propose aux clients une sélection de vins importés par ses soins, et refait la carte.

Mokhsine Diouf sait qu’il faut du temps pour s’imposer dans ce segment où prime la qualité « et surtout pas le volume ». Parallèlement à ses activités vinicoles, Nespresso vient de lui confier la direction commerciale de sa branche sénégalaise. Va-t-il troquer le vin pour le café ? « Une fois que j’aurai acquis de l’expérience, il faudra que je retourne à la terre ! Je souhaite élever de la vigne dans la région de Saint-Louis, qui présente l’intérêt d’être un peu plus fraîche, répond-il. Prendre son temps, c’est le secret de la réussite. »

lemonde.fr/afrique/

3 Commentaires

  1. Depuis plus de trente, je ne cesse de répéter partout que le Sénégal pouvait être auto-suffisant en raisin de table et en dattes si depuis plus de 60 ans, les premiers gouvernants avaient fait preuve d’un peu plus d’imagination pour mettre en place des idées et des hommes pouvant faire de grandes choses ! Comment comprendre que depuis toujours, le Sénégal importe des centaines de milliers de dattes alors que comme les palmiers, cette plante dite palmier dattier peut être plantée de Dakar à Saint-Louis par centaines de milliers et dans moins de trente ans nous n’importerions plus de dattes des Arabes qui doivent se dire en sourdines que les peuples nègres d’Afrique sont décidemment ignorants de beaucoup de choses, et que leurs intérêts est que nous restions ignorants ! Moi aussi, je compte avoir deux hectares de vignes dès l’année prochaine car les pieds de vigne poussent bien dans toutes les maisons au Sénégal, il suffit d’en planter!

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