Bangkok sous les eaux, le prix du riz pourrait grimper après les inondations

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Malgré les efforts du gouvernement thaïlandais, l’eau a fini par gagner le centre-ville de Bangkok hier. Des dizaines de milliers de personnes ont fui la ville, à bord de camions militaires ou de barques, emportant seulement avec eux un baluchon. « Je pars chez ma cousine à Pattaya », explique Moon, une institutrice de 32 ans, juchée sur un camion de l’armée.
D’autres refusent de s’éloigner de leur maison en raison des rumeurs de pillage. « Pas question de partir, je déménage chez ma nièce, elle habite dans un building, mais je viendrai surveiller ma boutique tous les jours », explique le docteur Maa, pharmacien.

Dans le quartier de Pinklao, l’eau atteint déjà 1,30 m. Hier soir, elle continuait à monter rapidement dans les quartiers situés le long de la rivière où se trouvent les temples historiques de la ville ainsi que le palais royal.
Les habitants sont désormais confrontés à la pénurie. Au 7-11, la chaîne de supérettes locale, il est devenu difficile de trouver des denrées de première nécessité, comme de l’eau ou du riz. Certains revendeurs de rue en exigent trois fois le prix normal. « Les routes vers Bangkok sont coupées, donc nous ne sommes plus approvisionnés depuis plusieurs jours », explique Pi Pet, gérant de supermarché. Ceux qui ont décidé de rester empilent des sacs de sable à l’entrée de leur maison ou de leur magasin, certains bâtissent même à la hâte des murs de béton. Les banques, les distributeurs d’argent et les bâtiments officiels sont protégés par des digues de plus de 1,50 m de haut.

Dans le quartier des auberges de jeunesse, près de la rue Khao San, des touristes inquiets regardent l’eau monter depuis leur terrasse. « Tous les jours, on écoute les informations pour savoir dans quel hôtel on peut réserver une chambre, quel quartier n’est pas encore inondé », explique Mylène, jeune Lyonnaise en vacances. L’aéroport international fonctionne toujours, même si quelques pistes ont été endommagées.

Et ce n’est pas fini

Les conséquences économiques sont déjà désastreuses. Des milliers de commerces ont fermé leurs portes, ainsi que des centaines d’usines, notamment les lignes de production d’automobiles japonaises. Au total, plus d’un demi-million de personnes sont au chômage technique. Dix pour cent des rizières sont sous l’eau, un chiffre considérable quand on sait que la Thaïlande est le premier exportateur mondial.

La population déplore la lenteur et le manque de coordination des secours. « J’ai attendu trois jours que les soldats viennent me chercher », raconte une vieille dame. « On a voulu protéger Bangkok à tout prix, les autres provinces en ont subi les conséquences », explique une ouvrière originaire d’Ayutthaya, l’une des régions les plus durement touchées. Les habitants se préparent à une arrivée d’eau massive aujourd’hui. Elle devrait stagner dans la ville pendant au moins trois à six semaines.

Premier exportateur au monde, la Thaïlande aurait déjà perdu un quart de sa production sous les eaux. Le prix de la tonne de riz thaï pourrait grimper de 34% après la décrue, mettant un peu plus la pression sur les prix alimentaires mondiaux.

Le prix du riz thaï poursuit inexorablement sa hausse. Depuis cet été, et le début des inondations monstres qui touchent la Thaïlande, premier exportateur mondial de riz, le prix de référence de la tonne de riz blanc thaï est passé de 519 dollars à 622 dollars en quatre mois. Sur les marchés, investisseurs et exportateurs prédisent une tonne à 850 dollars lorsque les eaux se seront retirées.

La Thaïlande, qui exporte 30% du riz mondial et sert de référence au marché, devrait en effet subir de graves pertes sur ses récoltes qui l’empêcheront inévitablement de respecter ses promesses à l’export. D’après les premières estimations gouvernementales ce vendredi, 1,6 million d’hectares seraient déjà engloutis par les eaux. Près d’un quart de la production a disparu, ce qui ramène les prévisions de production du pays à 19 millions de tonnes contre 25 millions jusqu’ici. «Les 6 millions perdus ne sont qu’une première estimation. Nous devrons mener une autre après la décrue», a expliqué Apichart Jongsakul, responsable du département de l’Agriculture du pays.

La Thaïlande comptait sur sa deuxième récolte de l’année pour assurer ses arrières. Mais là encore, les eaux menacent de rabattre les cartes. Les inondations ont en effet détruit les greniers des fermiers où étaient stockées les graines. «Ce qui pourrait signifier une baisse des récoltes», a déploré Apichart Jongsakul. Aucune donnée prévisionnelle sur les pertes de cette deuxième récolte n’est disponible pour le moment.

Cette baisse des récoltes, couplée à la concrétisation d’une promesse électorale de subvention des prix aux producteurs (un prix de 500 dollars la tonne de riz est désormais garanti aux riziculteurs), expliquent la flambée envisagée par les intervenants du marché.

L’Inde en profite
Cette poussée est par ailleurs renforcée par des baisses de production dans les pays voisins. Le delta du Mékong dans le sud du Vietnam, grenier à riz où les paysans assurent jusqu’à trois récoltes par an, a déjà fait état d’une perte de quelque 6000 hectares de riz. Près de 99.000 de plus sont menacés. Au Cambodge, tampon entre les plaines thaïlandaises et le delta du Mékong, plus de 330.000 hectares de riz sont inondés dont un tiers sont détruits, selon le ministère de l’Agriculture, qui craint que ses objectifs d’un surplus de 3 millions de tonnes cette année ne puissent être atteints. Enfin, le Laos a déploré la perte de plus de 60.000 hectares de riz.

Sur d’autres continents, les récoltes de riz sont aussi menacées par des pluies violentes. Au Honduras, des inondations ont détruit 64% des cultures de riz, au Costa Rica 8000 hectares ont disparu et 157.000 quintaux de riz sont menacés au Panama.

Cette situation pousse déjà les gros importateurs à se tourner vers le riz indien. L’Inde, qui n’exportait plus de riz depuis quatre ans, a autorisé la livraison de 2 tonnes de riz basmati en septembre. Selon les investisseurs, ce dernier est bien moins cher que le thaïlandais ou le vietnamien puisqu’il se négocie entre 460 et 470 dollars la tonne.

Pression sur les prix alimentaires
À moyen terme, ces pressions sur le marché font craindre le pire à l’ONU alors que le riz reste l’aliment de base pour près de la moitié de la population mondiale. «L’ensemble de la région va désormais souffrir de la hausse des prix alimentaires puisque les récoltes potentielles ont été dévastées. Les dégâts sont très importants cette année et il faudra du temps pour que les gens reprennent une vie normale», a déploré Margareta Wahlstrom, représentante du secrétaire général de l’ONU pour la prévention des catastrophes.

Au début du mois, la FAO se réjouissait de voir son indice mensuel des prix alimentaire baisser de 2% en septembre par rapport à août. L’indice est pour l’instant inférieur de 13 points à son pic de 238 points atteint en février dernier. L’organisation estime que la production céréalière mondiale devrait atteindre 2,310 milliards de tonnes pour la campagne de commercialisation en cours. Mais elle précise que ces catastrophes naturelles «pourraient torpiller les résultats attendus».

avec le parisien et figaro

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