[Blog-Analyse] Petites leçons « provisoires » du 26 février Par Pr Ndiaga Loum, Département des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais (UQO).

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Petites leçons « provisoires » du 26 février

 

Le sang a beaucoup coulé sur une terre dite de paix, pays d’Ahmadou Bamba et d’El Hadj Malik Sy qui ont tant prié de leur vivant pour nous épargner des catastrophes humanitaires. À force de sacraliser ce Sénégal « havre de paix », on en oublie presque les événements sanglants de 1962, 1968, 1988, 1989, 1993. Et le bateau Le Diola ? Alors ! Les organisations des Droits de l’Homme ont rué dans les brancards, appelé à la rescousse la communauté internationale qui a rappliqué daredare en instrumentalisant un « mégaphone » symbolique pour consacrer l’ironie de l’histoire. Obasango, l’ancien « putschiste » au secours de Wade, le « champion » de la démocratie. Les africains aiment éteindre le  feu, ils ne savent pas le prévenir. Leur solidarité est une solidarité de compassion, pas de  nivellement par le haut. « Quand je m’ausculte je me désole, quand je me compare, je me console » : ainsi va l’Afrique ! Ainsi ne voulait pas être le Sénégalais! Et pourquoi ? Parce qu’il est un peuple démocratique, il vote depuis 1848, il a réalisé l’alternance en 2000, offert au reste du monde l’image impressionnante du vaincu qui félicite son vainqueur, confirmant ainsi « l’exception sénégalaise ». C’est la peur de voir disparaître cette « exception sénégalaise » qui explique qu’Alioune Tine et Dansokho aient accepté, quelques jours avant l’élection, l’idée d’une négociation avec le Président dont ils connaissent assez les capacités manœuvrières faites de témérité, d’entêtement, de déraison, pour devoir anticiper, par devoir et par patriotisme. Ne leur jetons pas la pierre aujourd’hui qu’on célèbre avec enthousiasme et peu de recul, le génie du peuple sénégalais qui, dit-on, a encore donné une belle leçon de démocratie aux « porteurs de malheur qui espéraient du sang le jour du scrutin». Prudence! Vigilance! C’est par ces mots que nous commençons à tirer quelques petites leçons de ce jour du 26 février 2012, mais que nous soumettons modestement au principe de falsifiabilité cher à Popper.

 

Scénario 1. Accepter les résultats.

 

Wade accepte les résultats sortis des urnes et qui indiquent de façon claire qu’un 2e tour est incontournable. Ce qui signifie qu’il fera face à un candidat de l’opposition qui bénéficiera du report des voix de tout le reste des opposants. Ce qui signifie donc, in fine, une défaite irrémédiable de Wade et de son régime. Mars 2012 viendra ! Et viendra le temps du bilan Wade ! Il reste que ce 26 février, dans la perspective d’une acceptation des résultats,  signifie concrètement que la page des Wade commence à être tournée définitivement.

Dans cette même perspective, l’idée qui sous-tend les futures alliances est simple, rappelant même un schéma expérimenté 12 ans avant, en mars 2000 : il s’agit de voter tous contre Wade comme on l’a fait hier contre Diouf. Et voter contre Wade, c’est tuer définitivement dans l’œuf le projet de dévolution monarchique. C’est mettre fin aux pratiques injustifiées d’un « prince au cœur du pouvoir » que l’amateurisme politique poussa à s’imaginer des inimitiés et donc « fabriquer » des ennemis qu’il s’est juré de ruiner : le résultat est là, l’engagement politique et citoyen précipité de Youssou Ndour et de Barra Tall a dopé le sentiment de dégoût du régime, amplifié les voix de la contestation, cristallisé les antagonismes et aidé à la mobilisation électorale. Ceux qui seraient tentés de marchander leur soutien ailleurs que dans cette dynamique de la sanction du régime de l’alternance, subiront les effets de la « jurisprudence Djibo Kâ » : Les votes ne sont pas les propriétés des candidats, ils sont les voix des peuples. Ces peuples ont un objectif : le changement. Ceux qui s’en détournent l’apprennent à leurs dépens et supporteront les jugements de l’histoire.

Reste la valse des transhumants sans dignité qui, bientôt, annonceront leur ralliement au potentiel vainqueur. De grâce, que la page de Wade qu’on s’apprête de tourner, puisse aussi entraîner la fin de ces pratiques nomades qui vampirisent « l’homo politicus » sénégalais. Leçon de février : s’ils pouvaient gagner, ils n’auraient jamais perdu ! Que le nouveau vainqueur les aide à exorciser le mal du pouvoir en les laissant vivre dignement une opposition qui aurait valeur de catharsis.

 

Ce 1er scénario est le plus plausible, le plus positif.

 

Scénario 2 : refuser les résultats et confisquer le pouvoir

 

Wade refuse d’envisager un 2e tour, c’est à dire l’idée de sa retraite politique et s’arrange donc pour passer au 1er tour avec 50,01/%. La conférence du Président sortant que l’on se dépêche d’applaudir en soulignant la sagesse, laisse pourtant pointer la possibilité pour lui de gagner au 1er tour. Rien ne  doit plus surprendre,  ni de l’homme, ni de son régime et surtout pas de ses collaborateurs à  qui l’on colle l’étiquette de « faucons ».  Ils peuvent même accepter de perdre au 1er tour et refuser de faire de même au 2e tour. Ces gens tiennent à leurs privilèges, craignent le jugement et voient déjà leur sommeil hanté par la vengeance de ce qui furent victimes de leurs injustices. Ils ne supporteront l’humiliation que s’ils y sont contraints. Alors, vigilance ! Que ne tenteraient pas ceux qui sont persuadés que leurs noms figurent déjà dans les dossiers d’enquêtes de la Cour Pénale Internationale ? Si cette hypothèse encore peu envisageable s’avérait, que faudrait-il faire ? Combattre ! Le peuple contre la police de Wade, jusqu’à la victoire finale ! À quel prix ? Des dizaines, des centaines de morts ? Si cette hypothèse devait prospérer, on comprendrait alors les précautions d’usage d’Alioune Tine et de Dansokho, dans leur volonté de négocier pour le peuple, à la place du peuple, avant le verdict du peuple. Espérons qu’elle ne se réalise pas. Mais comme on travaille sur des hypothèses, il serait naïf  de ne pas l’envisager.

 

Ce 2e scénario est le plus improbable et le plus négatif

 

A suivre…..

 

Pr Ndiaga Loum, Département des sciences sociales,

Université du Québec en Outaouais (UQO).

 

 

                                                                      

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