Bradage des terres: un danger pour le développement de l’Afrique! par Ibrahima Gassama

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S’il y a un problème auquel tous les africains doivent faire face de aujourd’hui, c’est bien la spoliation quasi-systématique des populations de leurs terres au nom d’un libéralisme dont les retombées profitent rarement aux pays concernés. Au contraire, il faudrait voir dans la course effrénée à l’acquisition de nos terres par les grandes firmes occidentales, une nouvelle forme de recolonisation dont les conséquences à long terme seront très préjudiciables au continent. Cette contribution ne dit nullement que les transactions sur les terres sont inopportunes, mais suggère d’en mesurer les effets sur les populations et d’encadrer les conditions d’octroi dans une optique intra et intergénérationnelle.
Dans l’économie de tout pays, la terre représente un facteur capital dont le rôle est plus que primordial dans l’activité de production et de création de richesse. Ne pas en disposer représente donc un facteur limitant du développement dont on ne peut ignorer les conséquences. Le phénomène a des impacts beaucoup plus importants sur la vie directe des populations rurales du fait, entre autres, de la faiblesse institutionnelle des États africains, mais également de toute l’opacité qui entoure les transactions. Pour mieux mettre le doigt sur les dangers encourus, précisons quelques statistiques qui viennent d’institutions les plus averties du monde.
D’après des études effectuées par la Banque mondiale, les entreprises étrangères ont acheté ou loué ces trois dernières années près de 60 millions d’hectares de terres africaines, soit la superficie de la France. D’après le rapport, de nombreuses universités américaines, telles que Harvard (Boston, Massachusetts), Vanderbilt (Nashville, Tennessee) et d’autres universités ont acquis de vastes terres agricoles en Afrique. Ces universités utilisent des fonds de placement qui passent à l’offensive pour acquérir nos terres à hauteur de 500 millions de dollars. Par ailleurs, la Banque mondiale et le FMI ont montré que la plus grande partie des terres vendues dans le monde le sont dans les pays les plus pauvres où la protection des droits fonciers des personnes est la plus faible. Face à la situation, la FAO appuie également sur la sonnette d’alarme pour signaler la nécessité que les législations de nos pays encadrent davantage les transactions qui entourent ces terres.
Un autre rapport, publié par l’ONG Oxfam en octobre 2012, dénommé « Notre terre, notre vie », signale que plus de 30 % des terres du Libéria ont été attribuées sous forme de concessions d’envergure au cours des cinq dernières années, souvent avec des résultats catastrophiques pour les populations locales. D’autres pays tels que l’Éthiopie, le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo (RDC) seraient également touchés par le phénomène qui continue à prendre de l’ampleur dans tous les pays du continent. Les raisons principales de la ruée vers les terres résident surtout dans la hausse importante du prix des produits alimentaires à l’échelle mondiale mais également dans le fort taux de croissance économique des pays d’Afrique qui sont vus désormais comme des espaces où l’avenir du marché mondial va se jouer car les perspectives de gains en capital y sont importantes.
Au Sénégal également le phénomène n’est pas nouveau, car d’énormes superficies ont été mises sous propriété publique et accordées à des compagnies étrangères, notamment des compagnies hôtelières, et très peu d’études sont fournies pour en renseigner les impacts socio-économiques de telles mesures. Il manque terriblement de redditions de compte sur le phénomène, et si nous n’y prenons garde nous risquons de vivre des lendemains difficiles.
À la lumière de cette nouvelle menace du capitalisme mondial, dont les conséquences se feront sentir douloureusement quand les africains se réveilleront, il est plus que primordial que tous les africains (les États, la société civile et les populations) veillent au grain pour ne pas hypothéquer leur développement. Il s’agit de mettre en place des institutions crédibles qui veilleront à la transparence dans l’acquisition de terres par les grandes sociétés et qui rendront des comptes à la société. Ces institutions devraient également considérer l’ensemble des coûts d’opportunité que de telles transactions entrainent pour la société. Comme le dit sagement l’adage : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ».

Ibrahima Gassama, Montréal
Économiste du développement durable
[email protected]

2 Commentaires

  1. Salaam à vous, article intéressant et il nous reste à espérer que les conseillers pléthoriques vont remonter les infos aux décideurs à la tête de l’Etat.Juste une question personnelle:êtes-vous un parent de Kadialy Gassama de Rufisque?Je ne le connais pas personnellement mais je lis toujours ses contributions sur les média , surtout sur Walf quotidien. Bonne continuation.

  2. Cher compatriote,

    Je ne connais pas personnellement M. Kadialy Gassama quoique j’aie souvent entendu parler de lui. Je vous remercie de ces belles appréciations que vous portez sur ma contribution. Ceci m’encourage à davantage partager mes idées sur les grandes questions qui interpellent notre pays.

    Salutations et bien des choses à vous

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