Bus bondes, chaleur suffocante l’enfer quotidien des passagers de Dakar

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Les autorités doivent trouver au plus vite une solution aux problèmes qui gangrènent la société de Transport en commun Dakar Dem Dik. En effet, les 300 bus immobilisés dans le hangar de cette société à Ouakam n’arrangent guère le citoyen moyen qui n’a de recours que ce moyen de transport pour vaquer à ses occupations. Avec tous ces bus tombés en panne, les responsables des 3D sont obligés de se débrouiller avec le peu de véhicules disponibles au détriment des usagers. Ces derniers souffrent énormément de cette situation. Voyage au cœur d’un bus Dakar Dem Dik en période de canicule.

Terminus de Guédiawaye, il est 10 heures. Le chauffeur du bus Dakar Dem Dik se met au volant, destination : le Palais de justice. Il fait une chaleur terrible et chacun reste dans son coin. Une personne d’un âge assez avancé, bien à l’aise dans son siège, ouvre son journal et commence à lire. Maintenant dans les bus, la pitié semble avoir perdu son sens. Si le respect des anciens est une vertu bien sénégalaise, certains jeunes font fi de cette tradition. Une dame, à peine la quarantaine, teint clair, tête nouée avec un mouchoir, assise sur son siège, ne semble point être gênée par cette présence moralement troublante d’un sexagénaire qui semble avoir le double de son âge et qui se tenait debout à ses côtés, debout, tenant la barre traverse pour avoir de l’équilibre.

A peine arrivé à l’arrêt « Pai » à Guédiawaye, le bus commence à refuser du monde. 24° le matin à Dakar, avait annoncé la météo, la veille. Les occupants du bus commencent à suer, les nerfs sont tendus.

10 heures 40 minutes, le bus arrive à l’arrêt de la police des Parcelles assainies. Le chauffeur serre à droite, pour que certains passagers descendent et d’autres embarquent. Le geste de trop qui met tout le monde dans tous ses états. « Tu n’es vraiment pas intelligent. Tu vois que le bus est déjà plein à craquer et tu t’arrêtes pour le surcharger. Tu ne vois pas qu’il fait excessivement chaud ? », lance un jeune homme, visiblement irrité par le chauffeur. « Ne te fatigue pas, ils nous prennent tous pour des moutons. Voilà tout. Ils ne respectent pas les passagers », s’emporte un autre. Les minutes s’écoulent petit à petit et le bus n’arrive pas à redémarrer. Certains clients, pour être restés pendant de longues minutes à attendre, tiennent coûte que coûte à entrer dans le bus, sous prétexte qu’ils risquent de rater leur rendez-vous.

Un jeune homme d’une vingtaine d’années s’accroche à la porte, refusant catégoriquement de descendre, malgré les injonctions de certaines vieilles personnes, qui n’arrivaient plus à supporter la situation. « Il est mal éduqué, ce gosse », lance un vieux. Le garçon s’accroche toujours. Il a fallu que le chauffeur descende du véhicule pour régler la situation. Mais à peine a-t-il mis le pied dedans que le bonhomme fait l’objet de toutes les réprimandes de la part des passagers. Il s’en est alors suivi des échanges de propos aigres-doux. Mais ce n’était que le début d’une série d’empoignades.

Un vieux de 81 ans accusé de « voler du plaisir »

« Je ne l’ai pas fait exprès, il y a des gens qui me poussent de derrière », explique l’octogénaire à l’endroit de la dame assise juste près de lui. Bègue, celle-ci s’explique comme elle peut. Elle reproche au vieux de vouloir reposer tout son poids sur elle ou plutôt de se frotter contre elle. « Je te dis que je ne l’ai pas fait exprès », explique tant bien que mal le vieil homme. « C’est comme ça que vous faites », rétorque alors la femme, qui accuse l’octogénaire de vouloir voler du plaisir. « J’ai 81 ans, quatre femmes et des enfants de ton âge. Jamais je n’ai trompé mes épouses, jamais je n’ai fumé, ne serait-ce que de la cigarette et tu oses m’accuser gratuitement. Je m’en réfère à Dieu qui nous jugera tous les deux. Je ne te le pardonnerai jamais », s’exclame le vieux. Blessé dans sa chair, il se met aussitôt à insulter la dame et à la traiter de tous les noms d’oiseaux. Celle-ci était obligée de changer de place ; ce qui ne l’a pas empêchée de continuer à recevoir une pluie d’injures et de sermons aussi bien de la part du vieux que des passagers.

Cette page pas encore tournée, une autre s’ouvre. Elle oppose une dame d’une cinquantaine d’années à un garçon, qui pourrait avoir l’âge de son fils. Abreuvé d’injures pour on ne sait quelle raison, le garçon tente de « corriger » son interlocutrice, créant ainsi un véritable tohu-bohu. « Si tu continues à m’insulter, je te c… », s’emporte le garçon, qui s’agitait avec véhémence, malgré la position précaire dans laquelle tout le monde se trouvait. En fait, le diable avait manifestement pris la danse à son compte. Alors que le bus roulait à vive allure toujours sur l’autoroute, un homme d’une trentaine d’années et un vieil homme ont failli en venir aux mains. « Franchement je ne vous comprends pas. C’est comme si vous ne réfléchissez pas », lance-t-il tout de go. « Mais, qu’est-ce que c’est ça ? Vous nous insultez finalement. Vous êtes bête », lui rétorque automatiquement le vieil homme. L’homme, qui ne voulait pas pousser les débats plus loin, se garde de répliquer.

« On est tous des révoltés »

Et comme si la chaleur avait fini de faire ses effets, les échanges commencent à prendre une nouvelle tournure, laissant la place à la rigolade. « On est tous des révoltés, en fait », observe un jeune garçon. « C’est l’effet de la chaleur, et puis les gens ne tolèrent plus rien maintenant », remarque un autre. Il est 11 heures 35 ; en plein centre-ville, le bus s’était déjà déchargé de la quasi-totalité des passagers.

Alassane DRAME
lasquotidien.info

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