Cacophonie dans la communication présidentielle: à qui la faute ?

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Après dix mois d’exercice, l’action gouvernementale peine à être traduite par la communication qui devait suivre ses pas. Même pour la communication du président de la République, des dysfonctionnements sont notés. Et, si les uns soutiennent que les préposés à cette tâche, les « communicants » du régime ont péché dans leur rôle, d’autres soulignent que le gouvernement tarde à poser des actes concrets qui rassurent le peuple.

« Abou Abel Thiam, porte-parole du Président de la République et El Hadj Hamidou Kassé, responsable du pool de communication de la présidence sont sur chaise éjectable », cette information relayée par le journal Libération, a été reprise par une bonne partie de la presse. En effet, sans entrer dans les détails de cette affaire qui n’a pas encore fini de livrer ses secrets, l’on peut dire sans risque d’être démenti que l’image du « produit » Macky Sall est en train d’être écornée petit à petit. Ses communicants ont-ils pêché dans la vente « de leur produit ? » Non ! Répond, le professeur Moustapha Samb, enseignant au Cesti. « Il y a une chose qu’il faut préciser, au Sénégal quand quelque chose ne marche pas, on accuse la communication. Cela veut dire qu’elle a bon dos de nos jours ».

Selon le Pr Samb : « Très souvent on confond l’attaché de presse, qui est un journaliste chargé de donner des informations, et le chargé de communication, chargé de rendre compte des actions du gouvernement. Cela veut dire que l’attaché de presse n’est pas le chargé de communication. Et cela crée des cacophonies (…). C’est le gouvernement qui communique dans ses actions ». Aussi, si l’on en croit ce Pr agrégé en communication, « la communication a ses exigences. On ne doit pas tout dire et n’importe comment. La demande sociale est là, donc il faut poser des actes concrets, il faudra expliquer et rassurer la population. Le gouvernement doit communiquer sur des actions d’envergure. Par exemple la baisse sur les impôts est importante, même si elle concerne une infime partie de la population. Si on pose des actes, aussi positifs soient-il, si on ne les explique pas (aux cibles), cela ne passe pas. Le communicateur doit valoriser les actions du gouvernement, sans verser dans la démagogie, mais être véridique ».

Dénonçant la démarche du gouvernement vis-à-vis des audits, Samb précise : « On nous parle des audits, mais ils peuvent se faire sans le moindre tintamarre. Il faut les poursuivre et ne pas les instrumentaliser. À ce rythme, cela peut lasser la population et même créer une désaffection entre l’Etat et le peuple ». Ouvrant une autre brèche, le Pr Moustapha Samb, explique : « Les gens sont pressés, le pouvoir d’achat est faible et les sources de revenus sont faibles. Le gouvernement doit travailler pour baisser le coût élevé de la vie. L’excès de communication tue la communication. Il faut rationaliser la politique de communication de l’Etat qui prend en charge les questions pendantes, ce qui permettra de recueillir les points de vue de la population. Le gouvernement ne doit pas se contenter d’informer car, l’information n’est pas la communication. Les audits concernent la justice ».

« On prête trop d’importance à la communication », selon Pape Samba Kane

Joint lui au téléphone, Pape Samba Kane, n’est pas allé par quatre chemins. « On prête trop d’importance au volet communication car on pense que la réussite d’un gouvernement passe par la capacité de ses conseillers en communication à rendre visibles ses réalisations », fait remarquer l’éditeur du journal Le Populaire. Restant dans sa logique, il note : « C’est un court raisonnement. Le problème du gouvernement c’est que tous les ministres font une communication directe et parlent toujours de la même chose. C’est cela qui est désastreux. Et, pourtant c’est du ressort exclusif du ministre de la Justice. Elle peut à elle seule défendre ce dossier ». De l’avis de PSK, « chaque ministre, en ce qui le concerne, doit défendre son domaine. Parfois même, ils peuvent avoir des contradictions sur un même sujet. Par exemple le ministre de Tourisme peut défendre le monument de la Renaissance et celui de la Bonne gouvernance peut avoir une autre idée en s’intéressant aux fonds qui y ont été injectés ». Restant sur le même sujet, M. Kane précise : « Les sénégalais ne sont pas dupes, une bonne politique de communication gouvernementale passe par des réalisations concrètes ». Néanmoins, il tient à préciser qu’il ne cherche pas à absoudre des confrères. Un autre confrère, sous le couvert de l’anonymat, pour éviter « de gêner Abou Abel Thiam et El Hadj Kassé », précise-t-il, estime que le plus brillant chargé de communication du monde ne peut rien apporter à ce gouvernement qui « peine à résoudre les problèmes de l’école, de l’énergie, le panier de la ménagère et le loyer en zone urbaine ». Aussi, « comparé à Wade, qui faisait certaines déclarations, Macky Sall est resté aphone, or un peuple a besoin de rêver », conclut ce dernier interlocuteur.

Abdourahmane Mbodj et Fatou Baba Fall

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