Capacité de mobilisation, contestation du pouvoir – Y en a marre fait-il toujours peur ?

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Instigateur d’une jeunesse révoltée sous Wade, le mouvement Y en a marre a sans conteste bouleversé le jeu politique sénégalais. Mais depuis l’arrivée de Macky Sall, en 2012, leur réputation s’est beaucoup flétrie. Emmurés dans un mutisme le référendum du 20 mars sonne l’heure du rachat pour Fadel Barro et ses complices. Mais que vaut encore Y en a marre ?

Y en a marre appelle à voter “NON” au référendum. C’est le premier face-à-face entre ce mouvement turbulent qui a hanté le sommeil de Wade et le pouvoir actuel. Si le scrutin du 20 mars constitue un test de popularité pour Macky Sall, c’est également une épreuve de crédibilité pour le groupe de Fadel Barro et Cie. Ils affûtent déjà les armes en vue du référendum. Leur position exprime un refus ferme et radical. Et pour l’occasion, ils ont sorti un single. Histoire de marquer les consciences populaires, ils ont détourné une chanson symbolique (Hymne de la jeunesse, Niani bagne na), en un slogan de campagne (Sénégal bagne na).

Le mouvement Y en a marre est sans doute dans la position où il est le plus confortable: “Dire Non”. Le groupe s’est forgé une identité dans la contestation des institutions. Ils sont allés au front pour barrer la route à un troisième mandat de Wade. Autoproclamés “sentinelles de la démocratie”, ils sont devenus les icônes d’une jeunesse adulée, qui ne se contente plus de crier son ras-le-bol, mais s’engage pour changer sa société. Depuis, la légende a franchi les frontières pour inspirer les jeunes révoltés au Congo, au Mali, au Burkina Faso, etc. Y en marre a fait des émules, inspire des films, des thèses, des livres. Ils ont été reçus par Barack Obama à son arrivée à Dakar…

Aujourd’hui, que reste-t-il du mythe Y en marre ? Il y a juste un peu moins de cinq ans, l’évocation de ce nom, à la fois slogan politique et cri de ralliement de toute une jeunesse désabusée, faisait trembler le pouvoir. Fadel Barro, Aliou Sané, Simon, le groupe Keur-gui de Kaolack, Fou Malade avaient su capter et traduire les frustrations qui ont marqué les dernières années du pouvoir de Wade en stratégies politiques. Avec une vague référence à Fanon, en guise d’idéologie, une vaste campagne sur les réseaux sociaux, le mouvement est lancé, porté par des rappeurs et de jeunes journalistes .

‘’Le nom Y en a marre est sorti par Aliou Sané, au cours d’une discussion entre amis; les autres sont tombés toute de suite d’accord, puisque cela correspondait au contexte de l’époque’’, révèle une source.

Quand Y en a marre naissait, la première Alternance politique avait fini de convaincre de son incurie… Les nombreux scandales qui ont émaillé le pouvoir de Wade, les coupures intempestives d’électricité, la décridibilisaition de la parole politique, autant d’éléments favorisants qui ont imposé les Y en a marristes en acteurs du renouveau sur la scène politique. Marche, sit-in, confrontations policières, le groupe est sur tous les fronts. Ses méthodes sont efficaces. Le groupe mêle l’agit-prop à la contestation politique avec la volonté de secouer l’homo senegalensis “habitué à se morfondre dans le fatalisme”. “Nous pensons que le Sénégalais n’est pas aussi résigné qu’on le prétend, ni aussi désengagé de son destin‘’, signe le mouvement dans son manifeste originel.. Puisé dans la rhétorique hip-hop, le message véhiculé par Y en a marre s’est révélé comme une lave dévastatrice déversée sur le régime d’alors. Avec des slogans accrocheurs, faciles à capter par l’opinion: ‘’Daas fanaanal’’, ‘’Gor ca wax ja’’, ‘’Faut pas forcer’’, ils ont injecté, à petites doses, un véritable venin dans le système Wade.

La prouesse de Y en a marre est d’avoir réussi à briser l’inertie, l’indifférence et l’inaction des Sénégalais. Ayant très tôt compris qu’un mouvement social a besoin de visibilité et d’actions concrètes sur le terrain, Y en a marre a opté pour la rue et la mobilisation, prenant ses distances avec des politiciens de salon et une société civile abonnée à la dénonciation platonique. ‘’Y en a marre, qui a été créé de manière spontanée, a juste pris à l’époque une place qui était vacante. Les populations avaient besoin d’entendre des personnes qui remettaient en cause les agissements de Wade, déploraient la situation économique et sociale du pays, sans être animées d’une quelconque prétention politique. Fadel et Cie l’ont compris, ils ont saisi la balle au bond’’, analyse un journaliste politique.

Conscient du danger que ces “gosses” représentent, le régime de Wade met alors une véritable traque, digne de l’époque soviétique… “Le 23 juin 2011, par exemple, Fadel a dû se départir de son tee-shirt pour se faufiler dans la masse”, raconte un témoin.

Malgré la cohésion affichée, les querelles de préséance ne manquent pas au sein du groupe. Au plus fort de l’intifada de 2011, le climat interne avait été pollué par le sens de l’esquive particulièrement développé de Fadel Barro. Ses camarades lui reprochent de “toujours se débrouiller pour ne jamais se faire arrêter…”

Pour inciter les Sénégalais à la révolte, Y en a marre n’a pas hésité à recourir à des méthodes peu recommandables. Nos sources soutiennent qu’en 2011, le mouvement, malgré son discours pacifiste, a activement encouragé des groupes de jeunes dans les quartiers de Dakar, de mener une “guerilla urbaine”, en livrant des pneus à brûler et des bidons d’essence.

La manipulation de l’opinion y passe parfois. Le 23 juin au soir, le rappeur Simon se rend au Commissariat central pour dénoncer l’arrestation de ses camarades ; devant toutes les cameras des télés, il vilipende la brutalité policière, ‘’en exhibant de…vieilles cicatrices contractées dans d’autres circonstances’’, confie une source proche du groupe.

La gueule de bois

Après la révolution de 2012, “Y en marre” a du mal à mobiliser les foules. Le mouvement semble frappé de discrédit. La raison ? “Le contexte a changé. Ce qui était ne l’est plus. Et Y en a marre n’a pas compris comment il devait se comporter pour préserver son statut de sentinelle de la démocratie, continuer le combat citoyen sans tomber dans le nihilisme”, analyse Serigne Saliou Guèye, journaliste et analyste politique.

Après les barricades, les coups de pierres, il a fallu se poser, réfléchir à des solutions. Mais sur ce plan, Y en a marre s’est révélé à court d’idées. “Ils ont une force de proposition très faible, sinon égale à zéro”, déplore un observateur.

Autre grief : une fois Macky installé au pouvoir, Y en a marre a déserté la scène politique. “Ils sont devenus subitement muets sur la traque des biens mal acquis, les tripatouillages des textes de cette institution, la violation itérative des libertés publiques, les arrestations fréquentes des membres de l’opposition, les difficultés des populations”, énumère le journaliste du quotidien le Témoin.

Gagné par l’euphorie du succès, le mouvement a voulu s’exporter vers d’autres horizons. Ils ont agité certaines capitales africaines en lien avec d’autres homologues (Mouvement Filimbi en Rdc, Balai Citoyen au Burkina Faso). Ces opérations se sont soldées avec un succès mitigé et c’est une option politique critiquable qui a donné à l’opinion l’idée que le Mouvement était aiguillonné par des intérêts cachés ‘‘Pourquoi ne vont-ils pas faire la révolution en Gambie, chez Yahya Jammeh ?” se demande un journaliste, taquin.

L’affaire Lamine Diack a aussi beaucoup écorné l’image de Y en a marre, même si le mouvement a répondu qu’il ne pouvait pas soupçonner qu’il s’agissait d’argent sale. Le référendum sonne le retour sur la scène des enfants terribles de la politique sénégalaise. Le mouvement s’engage dans une forte mobilisation pour le vote du ‘’NON’’. L’heure du rachat a-t-il sonné ? Reste à savoir si cette fois, c’est l’opinion qui n’en a pas vraiment marre…

EnQuête

2 Commentaires

  1. C’est du cinema, y’en a marre ne vaut plus grand chose et surtout pas contre Macky
    Le peuple ne voit aucune raison d’être contre Macky

  2. POURQUOI Y’A N’EN MARRE N’A PAS PIPE UN MOT DEPUIS 2012 ET AUJOURD’HUI ,ILS VEULENT SE LAVER DES ACCUSATIONS PORTEES SUR EUX A TRAVERS LES REFERENDUM .
    OU ILS CHERCHENT UNE NOUVELLES CREDIBILITES PERDUES OU VOULANT FAIRE OUBLIER L’ARGENT DE DIACK ,MAIS ILS NE CHERCHENT PLUS L’INTERET DU PEUPLE.

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