[Blog-Analyse] Après une décision sur la forme, un dernier sursaut est possible sur le fond Par Pr Ndiaga Loum, département des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais (UQO)

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Si l’on s’en tient qu’à la forme, autrement dit aux critères de recevabilité d’une candidature à l’élection présidentielle, on peut dire que le Conseil Constitutionnel n’a pas failli à sa mission et mieux, ne s’est pas trompé en droit.  Pourquoi ? S’il s’agit de vérifier les pièces présentes au dossier et exigées par la lecture combinée des dispositions de la Constitution et du code électoral, aucune compétence juridique n’est requise a fortiori une expertise en droit constitutionnel. Le pire des benêts indument élevé à la dignité de juge pourrait en témoigner sans myopie physique ni intellectuelle. Alors, oui, le candidat Wade a plus de 35 ans, est passé à la caisse des dépôts pour consigner sa caution de 65 millions, dispose d’un quitus fiscal ou tout au moins d’une déclaration sur l’honneur pour attester ne rien devoir aux service des impôts et tutti quanti.

Si le Conseil Constitutionnel veut fuir ses responsabilités, il pourrait faire une lecture réductrice de son champ de compétence en matière électorale et s’arrêter à l’examen des conditions de forme de la recevabilité, et refuser de se prononcer sur le fond, sur la validité, se déclarer donc incompétent comme à l’accoutumée. N’est-ce pas la bouée de sauvetage proposée par l’un de ces contorsionnistes invité au séminaire du Président pour dire ce que l’esprit le plus simpliste aurait pu accoucher ? Mais, dans les grandes démocraties, il arrive que les cours supérieures, saisies d’une question qui engage l’avenir de toute une nation et qui ne peut être réglée par aucune autre instance, s’érigent en juges d’opportunité et jugent pour l’histoire ! Nos cinq sages sauront-ils saisir cette opportunité pour prendre date avec l’histoire ?

Comme il faudra bien justifier le traitement princier (Limousines et autres émoluments) offert par le Prince au pouvoir, les juges du Conseil Constitutionnel solliciteraient cette fois-ci leurs méninges pour aller au fond des dossiers ; c’est bien le prétexte offert par les recours introduits aux fins d’invalidation de la candidature de Monsieur Abdoulaye Wade. En leur accordant la présomption de compétence, d’intelligence, de bonne foi et de maîtrise de la langue française (langue de rédaction de la Constitution Sénégalaise), voici la décision que l’on attend des cinq sages et qui leur feraient entrer définitivement dans l’histoire :

 

Vu la constitution, notamment en ses articles 27, 28, 29, 30 ; Vu les articles LO 1L115 à LO 122

Vu la loi organique no 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil Constitutionnel modifiée

Vu le décret no 2010-1 « 519 du L5 Novembre 2010 portant fixation de la date de l’élection présidentielle au 26 février 2012

Vu le décret no 201L-1-976 du 20 décembre 2011 portant convocation du corps électoral

Vu les réclamations introduites par des candidats en vue d’invalider la candidature d’un autre candidat, en l’occurrence Monsieur Abdoulaye Wade, et vu les pièces jointes aux dits dossiers

 

1/ Considérant la Constitution du 7 mars 1963,  celle du 22 janvier 2001, mais aussi la loi portant révision constitutionnelle du 21 octobre 2008.

2/ Considérant que toute conclusion qu’on va tirer  sur la validité de la candidature de Monsieur Abdoulaye Wade, doit se faire à l’issue de l’examen combiné de ces 3 textes cités supra

3/ Considérant que le Sénégal a appliqué la Constitution du 7 mars 1963 jusqu’à son remplacement par la Constitution du 22 janvier 2001 adoptée après référendum conformément à l’article 89 du texte constitutionnel de 1963.

4/ Considérant que cette Constitution du 22 janvier 2001 citée supra a été à son tour révisée par la loi constitutionnelle du 21 octobre 2008.

5/ Considérant que la Constitution du 7 mars 1963 attribuait au Président un mandat de 7 ans sans limitation du nombre de mandats, mais que la Constitution du 22 janvier 2001, au contraire, dispose dans son article 27 d’origine (parce qu’il a changé entre temps) que le mandat est de 5 ans et n’est renouvelable qu’une seule fois.

6/ Considérant cependant, que  la loi constitutionnelle du 21 octobre 2008 a réintroduit le septennat mais ne dit rien de nouveau sur la limitation du nombre de mandats, donc, par conséquent, cette dernière ne remet pas en cause la limitation de la rééligibilité introduite par la Constitution du 22 janvier 2001.  

7/ Considérant au passage que la révision constitutionnelle du 21 octobre 2008 aurait du effacer la disposition du premier alinéa de l’article 104 ( cité textuellement ici :« Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme ») pour la bonne et simple raison que la situation qu’elle cherchait à régler (permettre au Président élu en 2000 de faire 7 ans et non 5 ans au nom du droit acquis sous l’empire de la Constitution du 7 mars 1963 en vigueur au moment de son élection en 2000) était dépassée parce que le Président avait déjà fini son premier mandat de 7 ans et avait entamé un deuxième mandat à la faveur de son élection en 2007.

8/ Considérant le titre XIII de la Constitution portant « Dispositions transitoires »,  notamment l’article 104 qui dispose dans un premier alinéa que le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme, mais précise  dans son second alinéa que toutes les autres dispositions de la Constitution lui sont applicables.

9/ Considérant que la question de l’invalidité de la candidature du Président est réglée dès lors que l’article 104 a pris le soin d’ajouter dans un second alinéa, que toutes les dispositions de la Constitution (donc autres que celles relatives à la durée du mandat) sont applicables au Président de la République

10/ Considérant le principe de non rétroactivité  qui est un principe général de droit que l’on évoque que si le nouveau texte en question n’organise pas de façon formelle et explicite les possibilités de sa renonciation ; Or, donc, en l’espèce, le second alinéa de l’article 104 dispose explicitement et formellement que toutes les dispositions sont applicables au Président sauf, bien sûr, celles relatives à la durée du mandat.

11/ Considérant que si le Constituant avait voulu que le principe de non rétroactivité s’appliquât, l’on n’eût pas besoin d’inclure formellement cette disposition (alinéa 2 de l’article 104 qui affirme explicitement sa portée rétroactive) dans le texte constitutionnel.

12/ Considérant que Monsieur Abdoulaye Wade a fait un premier mandat à la faveur de son élection de l’année 2000 et  que le dit mandat a été renouvelé suite à sa victoire aux élections présidentielles de l’année 2007 ; Or, le mandat ne pouvant être renouvelé qu’une seule foi en vertu des dispositions pertinentes et persistantes de l’article 27 même après la révision introduite par la loi constitutionnelle du 21 octobre 2008

 

DÉCIDE

ARTICLE PREMIER : Déclare recevables les réclamations introduites en vue de déclarer invalide la candidature de M. Abdoulaye Wade après que celle-ci fut considérée recevable dans la forme.

ARTICLE 2 : La candidature de M. Abdoulaye Wade est déclarée invalide sur le fond

ARTICLE 3 : Le Conseil Constitutionnel décidant en dernière instance, la présente décision n’ouvre pas droit au recours et est donc définitive

ARTICLE 4 : La présente décision sera affichée au greffe du Conseil Constitutionnel et sera publiée sans délai dans le journal officiel

 

Pr Ndiaga Loum, département des sciences sociales,

Université du Québec en Outaouais (UQO)

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