Quand on ne trouve pas qu’ils parlent trop à l’antenne, l’on se plaint du ‘’griotisme’’ de certains animateurs. Quand une partie d’entre eux assument leurs faits, d’autres s’en défendent et s’inscrivent en marge des dérives notées. Décryptage !
‘’Est maintenant journaliste qui veut.’’ Ainsi se plaignent souvent des professionnels du journalisme. Cependant, ce métier n’est pas le seul de la presse à être ‘’infiltré’’ par des amateurs. L’animation l’est aussi. Des dérives sont notées tous les jours au niveau des télés et des radios. Ce qui fait que certains nostalgiques demandent un retour aux sources. Mais qui doit être animateur ? Des acteurs de ce secteur ont tenté de répondre à la question.
‘’Il faut avoir des prédispositions pour faire ce métier. On peut l’aimer et vouloir l’exercer mais si on n’a pas les dispositions requises, on ne peut le faire’’, dixit le chef de la station Dakar Fm, Michael Soumah. Son ex-collègue de la RTS Fatou Sakho elle, considère que ‘’l’animation implique beaucoup de choses. ‘’Il faut être comme disent les jeunes ‘’in’’ et vraiment dans l’ère du temps. Moi, je pense avoir dépassé l’âge de la jeunesse. Ici, je pense que c’est 35 ans. Après cela, tu ne peux plus te maintenir comme il le faudrait dans ce genre. L’animation est un genre communicationnel comme le journalisme ou encore la communication pure mais il y a un âge pour l’animation’’, soutient-elle. Dj Koloss de la radio futurs médias (RFM) de renchérir : ‘’Personnellement, je crois que c’est un don qu’il faut avoir et après, essayer de l’exploiter. Cela peut suffire ou je dirais même qu’il le faut impérativement. Car quelqu’un peut faire une formation sans pour autant être bon dans le domaine.
Donc, cela ne dépend en aucun cas de la formation. Ce sont aux journalistes qu’on demande des diplômes, mais pas aux animateurs. Il suffit juste d’avoir le verbe facile et la voix qu’il faut pour être un animateur.’’ Un avis que ne partage pas entièrement son collègue de D-Médias Cheikh Sarr qui a fait 20 ans dans ce métier. ‘’Les jeunes doivent savoir que pour faire de l’animation, il faut prendre le temps de l’apprendre. Ils ne doivent pas le prendre comme quelque chose de facile’’, croit savoir l’animateur de Zik Fm et Sen Tv. Aussi, à en croire ce dernier, l’animation n’est pas un passe-temps mais un travail comme tout autre. Il ne faut pas donc croire que seuls les analphabètes doivent le faire.
Cheikh Sarr dit avoir fait tout son cursus scolaire en alliant sa passion à ses études. Il est même un enseignant de formation mais a finalement choisi de se consacrer au micro. Il partage son analyse avec l’animatrice de l’émission ‘’Entre nous’’ diffusée sur la Sen Tv, Safia Diatta qui est titulaire d’un master 2. ‘’Au Sénégal, on croit qu’animation rime avec analphabétisme. Or, je crois qu’il faut un niveau d’étude assez élevé pour communiquer avec son auditoire qui est souvent mixte. Faire des études ne veut pas forcément dire faire une formation en animation. Personnellement, je ne l’ai jamais fait. Il faut faire la part des choses entre un don de Dieu et un bon niveau d’étude qui est fondamental dans toutes choses. Je conseille à tous ceux qui souhaitent faire de l’animation de se focaliser d’abord sur leurs études. Souvent ce sont les images véhiculées par certains animateurs qui attirent les jeunes. Il y a la célébrité qui n’est pas forcément le plus important. Il faut déjà savoir gérer sa vie, ce qui ne sera pas évident sans les études’’, conseille Safia.
Manque de formation
Le manque de formation et le fait de n’avoir pas fait des études seraient-ils à la base de certaines dérives. Le débat mérite d’être posé. Seulement, ceux qui sont indexés ne semblent pas s’émouvoir outre mesure. Encore que certains pensent que l’animation a évolué suivant l’évolution de la société et qu’elle ne s’est pas ‘’dévergondée’’.
‘’Les gens ont l’habitude de dire que les choses ont beaucoup changé ; moi je dis que c’est tout à fait normal parce que la société n’est pas statique, ça évolue et dans tous les domaines d’activités, cela se ressent. C’est quelque chose de tout à fait naturel’’, analyse l’ancienne animatrice à la radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS) Fatou Sakho. Par conséquent, pour elle, il serait difficile voire impossible que les jeunes animateurs fassent exactement ce que faisaient leurs aînés. ‘’La première génération d’animateurs avait un style vraiment particulier qui était beaucoup plus proche des aspirations de l’époque. Il fallait parler bien le Français, avoir la tenue, être très correct dans le langage ; tout ça parce que là, nous étions dans une dynamique où il fallait faire la promotion de la langue française et de certaines valeurs’’, explique-t-elle.
Alors que sa génération à elle qui est celle des années 1990 avait d’autres aspirations. Et correspond à une pluralité de la presse. Les langues nationales, particulièrement le wolof, étaient promues sur de nouvelles chaînes. Donc, il fallait aussi aux animateurs de se mettre sur cette ligne. ‘’Nous, notre génération, quand elle est arrivée, a fait le mixe de tout cela. Si les gens ont bien suivi à l’époque, c’est parce qu’il y a eu le wolof, une ouverture vers les talk-shows. La langue wolof s’est imposée parce c’est la demande qui était ainsi’’, informe-t-elle. C’est pourquoi, à l’en croire, il est tout à fait normal que les choses évoluent encore aujourd’hui. Seulement si à leur époque les récriminations n’ont pas plu, c’est parce que les bases de l’animation ont été quand même respectées ; maintenant les gens bavardent inutilement.
‘’Divertir, informer et éduquer’’
Que non ! rétorque Cheikh Sarr. ‘’Pour moi, l’auditeur n’a pas besoin de la musique qu’on lui donne parce qu’il l’a déjà dans son téléphone ou son ordinateur. Maintenant, c’est la manière dont l’animateur interprète la chanson en se défoulant qui l’intéresse’’, assure-t-il. ‘’Ce que je déplore, c’est le fait qu’aujourd’hui, au niveau des différentes chaînes de télévision et de radio, les choses ne soient pas bien canalisées’’, constate-t-il. Aussi, ‘’j’ai l’impression que tout ce qui se fait aujourd’hui, c’est par rapport à ces chaînes étrangères qui mettent beaucoup plus l’accent sur le ludique que sur la sensibilisation, l’information et l’éducation. Je suis pour qu’il y ait beaucoup de divertissements mais un divertissement qui peut aussi servir à la population, parce qu’à travers le divertissement, on peut instruire et donner des informations’’, indique-t-elle.
Il y a encore des gens qui essaient de le faire à l’instar de Cheikh Sarr si l’on se fie à ses dires. ‘’C’est vrai qu’il y a un énorme changement dans la manière dont on faisait l’animation avant et aujourd’hui. A l’époque, on ne mettait que de la musique, on ne faisait que des dédicaces et ceux qui donnaient des informations sur l’actualité des musiciens n’étaient pas nombreux. Actuellement, moi personnellement, je mets de la musique mais en même temps, j’essaie d’éveiller les consciences. Je mets rarement des morceaux qui n’ont pas de contenu.
D’habitude, quand je mets une chanson, à travers le contenu du morceau j’essaye de partager des messages avec mes auditeurs et d’attirer leur attention sur certaines tares de notre société’’, fait savoir l’homme de Keur Momar Sarr. Il ajoute dans la même veine : ‘’Dans mon animation, il y a de la musique, de l’humour et des messages dont peuvent se servir mes auditeurs. J’essaye ainsi de donner de bons exemples à mes auditeurs’’. Dj Koloss abonde dans le même sens. Il dit : ‘’Chacun a sa façon de faire par exemple moi, je suis un animateur de radio, je mets des concerts en live, je donne des informations qui n’ont rien à voir avec la musique, je donne aussi le programme des artistes. Chacun de nous à sa particularité. Certains s’appuient sur les morceaux des artistes pour faire leurs animations, d’autres mettent tout simplement de la musique, reçoivent des appels d’auditeurs ou bien transmettent des messages qui peuvent servir aux auditeurs ou téléspectateurs’’, dit-il.
Seulement, certains ne se limitent pas à tout ce que vient de citer Koloss. Ils se transforment en troubadours ou griots sur la bande FM, chantant les louanges de personnalités en échange de billets de banque. ‘’Les animateurs qui chantent les louanges des gens dans le but d’obtenir de l’argent en retour, c’est leur problème. Je ne les blâme pas’’, déclare Koloss qui trouve d’ailleurs que ‘’certains le font d’une manière très originale jusqu’à impressionner les téléspectateurs’’.
Sidate Thioune qui officie dans la même radio que Koloss ne porte pas de gants pour dire ce qu’il pense de cette situation. ‘’Il y a une nouvelle façon de faire des animateurs qui n’est pas du tout professionnelle et malheureusement, c’est cela que l’on impose aux Sénégalais, que ce soit à la télé ou à la radio. Certains animateurs ne font que du folklore : soit ils chantent les louanges des autorités ou personnalités soit ils quémandent de l’argent en direct. Et tout cela ne faisait pas partie du métier. Ce n’est pas du tout sérieux’’, estime-t-il. On accuse la jeune génération mais ce n’est pas tout le monde. Safia est bien l’exception qui confirme la règle. ‘’Je ne suis pas de ceux qui réclament des pourboires en contrepartie d’une dédicace. Mais il paraît que c’est à la mode et le Sénégalais est un suiviste par excellence. Mais je pense que le but de l’animation, c’est avant tout de faire plaisir à ses auditeurs’’, se défend-elle.
‘’Kuko def kuko wax là bëgg’’
Ce qui n’est pas le cas de son collègue Abba No Stress. Ce dernier assume totalement le fait qu’il quémande de l’argent à la radio. ‘’J’ai 30 ans, j’ai été ‘’Sarakolé’’ pendant 28 ans et depuis deux ans je suis griot. J’en rends grâce à Dieu. On m’a donné ma nationalité de griot, je suis fier d’être faramaren’’, se glorifie-t-il. Il va plus loin : ‘’A la télé, des téléspectateurs peuvent nous admirer, nous appeler chez eux et nous offrir devant leur famille des choses. Une personne peut te voir uniquement à la télé et t’offrir un million. Maintenant, comme on le dit en wolof, Kuko def kuko wax là bëgg (qui fait une œuvre de charité veut qu’on en parle). Ce n’est pas interdit de remercier des bienfaiteurs. Je pense que cela est permis partout. Et moi comme j’ai l’habitude de le dire, c’est à la télé que travaille mais c’est dehors que je perçois mon salaire’’.
Si Abba joue franc jeu, Cheikh Sarr lui fait dans le clair-obscur. ‘’Les gens doivent savoir que c’est l’artiste lui-même qui chante les louanges des autorités dans leurs chansons. Ce sont eux qui font du «wayaan» dans leurs morceaux. La plupart d’entre eux n’ont pas de thèmes. On voit des fois un album dans lequel l’artiste ne fait que chanter les louanges des autres. Si ce n’est pas Bougane, c’est Cheikh Amar ou Macky Sall. Moi, quand on me donne ce genre de chanson pour que je la mette à la radio et que je connais la personne que l’artiste chante, j’en profite pour dire du bien d’elle. Mais cela ne veut pas dire que je lui demande indirectement de l’argent. Des fois, une autorité peut t’entendre dire du bien d’elle dans un morceau qui lui est dédié, elle t’appelle pour te donner de l’argent ; donc c’est diamétralement opposé. Peut-être qu’il y a des animateurs qui le font mais pas moi’’, se justifie-t-il.
A qui la faute ? se demande-t-on. ‘’La responsabilité est partagée entre ces animateurs d’un autre genre et les patrons des médias. ‘’Ce sont eux qui font les recrutements. Ils prennent des animateurs qui n’ont aucune expérience dans le domaine, qui racontent du n’importe quoi à la tété ou la radio. Je rencontre aujourd’hui des animateurs ou animatrices qui étaient mes auditeurs. Actuellement, ce sont eux qui présentent les émissions de télé. Ce que je n’arrive pas à comprendre. Ils sont à la télé à faire du n’importe quoi parce qu’ils ne maîtrisent pas les rudiments du métier’’, se désole Sidate Thioune.
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Si quelqu’un peut nous faire un résumé de ce long texte.