Ce « Qatargate » qui ébranle la FIFA

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L’enquête s’étale sur seize pages. Elle n’offre pas de révélations fracassantes, mais propose une mise à nu circonstanciée, et solidement étayée, du fonctionnement « d’une instance pourrie de l’intérieur par des années de tripatouillages ». Une instance qui n’est autre que la Fédération internationale de football (FIFA), que l’hebdomadaire France Football (édition du 29 janvier) épingle lors d’un dossier consacré à l’attribution au Qatar de la Coupe du monde 2022. Un choix qui cacherait corruption et arrangements, et qui pourrait être la goutte d’eau faisant déborder le vase marécageux où trempe la FIFA.

En lettres blanches sur fond noir, l’hebdomadaire dénonce le « Qatargate », et cette désignation « qui dégage une odeur de scandale qui oblige à se poser la seule question qui vaille : ce vote doit-il être annulé ? ». Pour appuyer sa démonstration, France Football cite d’emblée un mail interne à la FIFA dans lequel le secrétaire général de l’institution Jérôme Valcke déclare : « Ils ont acheté le Mondial 2022 ». Un message que l’expéditeur a ensuite mis sur le compte de la méprise, et de la plaisanterie mal interprêtée. L’hebdomadaire cite également le Suisse Guido Tognoni, exclu de la FIFA en 2003, qui estime qu’il « existe de forts soupçons de compromissions » autour des membres de la Fédération qui ont voté le 2 décembre 2010 pour le Qatar, dont la candidature était portée par un budget colossal de 33,75 millions d’euros.
GRONDONA, TEXEIRA… ET SARKOZY

L’enquête dénoue les fils des multiples réseaux d’influences qui sous-tendent la tentaculaire organisation internationale, soulignant que l’opacité a toujours été de mise. « La marge est étroite, presque invisible, entre collusion d’intérêts et corruption », souligne France Football, alors que Luc Dayan, actuel président du RC Lens et proche des autorités du Qatar, rappelle que « les Qataris n’ont fait qu’appliquer des méthodes historiques dans ce milieu. Les insuffisances et les incohérences des modes de gouvernance du sport sont en permanence exploitées ».

Le Qatar se serait ainsi appuyé sur de puissants relais, comme le président de la Fédération asiatique Mohammed Bin Hammam, définitivement radié à vie en décembre dernier, le président de la Fédération argentine et vice-président de la FIFA Julio Grondona ou l’ex-président de la Fédération brésilienne (CBF) Ricardo Texeira, qui a démissionné en mars du comité de la FIFA et de la CBF sur fond d’accusations de corruption.

L’hebdomadaire évoque également « une réunion secrète » au Palais de l’Elysée, le 23 novembre 2010, une dizaine de jours avant le vote de la FIFA, entre le président de la République Nicolas Sarkozy, le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani, Michel Platini, président de l’UEFA, et Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital, à l’époque propriétaire du PSG. « Au cours de cette réunion, écrit le journal, il a tour à tour été question du rachat du PSG par les Qataris (devenu effectif en juin 2011), d’une montée de leur actionnariat au sein du groupe Lagardère, de la création d’une chaîne de sport (la future BeIn sport) pour concurrencer Canal + – que Sarkozy voulait fragiliser -, le tout en échange d’une promesse : que Platini (président de l’UEFA) ne donne pas sa voix aux Etats-Unis, comme il l’avait envisagé, mais au Qatar ».

« LES PLUS HAUTS STANDARDS D’ÉTHIQUE »

Interrogés par le journal, les organisateurs du Mondial 2022 ont déclaré : « Nous avons obtenu l’organisation du Mondial 2022 en respectant du début à la fin les plus hauts standards d’éthique et de morale, tels qu’ils étaient définis dans les règlements et le cahier des charges ». La FIFA se refuse de son côté à tout commentaire, préférant rappeler que sa Commission d’éthique avait déclaré jeudi dernier qu’elle avait « l’intention de mener une enquête approfondie » sur les « allégations concernant des événements survenus dans le cadre de la procédure d’attribution des Coupes du Monde de la FIFA 2018 (à la Russie) et 2022 ».

Une commission qui pourrait bénéficier de la nomination à sa tête, le 12 juillet 2012, de l’Américain Michael Garcia, ancien procureur fédéral, spécialisé, entre autres, dans les questions de criminalité financière, et vice-président d’Interpol pour l’Amérique de 2003 à 2006. La présence de Michael Garcia représente, selon France Football, « une petite révolution rendue nécessaire par une succession de constats accablants. » En attendant la grande ?

lemonde.fr

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