CHEIKH ANTA DIOP ENTRE DÉVOTION, DÉVIANCE ET DÉFIS
Abdou Ndukur Kacc Ndao
www.ndukur.com
7 février 2016. Un jour commémoratif. En l’honneur de Cheikh Anta Diop (CAD). Grand « pharaon du savoir » . Les titres ne manquent pas pour célébrer ce savant africain et précurseur ayant tant apporté à l’Afrique et aux africains. Un moment aussi pour interroger un lourd héritage politique et scientifique du savant ayant travaillé dans des conditions très difficiles et dans sa phase de recherche et dans celle de l’affirmation. Cette semaine, en voyant les militants du RND faire leur AG avec sur les affiches le Pr Cheikh Anta Diop, nous nous sommes demandés comment ils continuent de gérer son lègue politique et scientifique. On semble s’en tenir à l’image à défaut d’avoir fait avancer le contenu. En analysant les acteurs en jeu dans cette bataille de légitimité, nous semblons avoir d’un côté des « idéologues » qui pour l’essentiel simplifient le fonds de sa pensée en le réduisant à promotion de la langue. D’un autre des « héritiers » politiques qui ont enterré le combat panafricaniste et qui ont accepté des compromissions au point de s’allier aux anciens UPS – PS (et sa tentacule libérale). L’impression qui se dégage est que ceux qui maintiennent la flamme sont en dehors de notre grand Sénégal
Ces idéologues et héritiers auraient pu avoir en 2016 un large front panafricaniste et nationaliste pour faire bloc contre les assauts des héritiers de Senghor celui qui posera tous et tous les actes devant étouffer et sa pensée scientifique et son expression politique. En réalité, Cheikh ne voulait pas créer un « parti » mais plutôt des « fronts » solides et vastes, des rassemblements et des blocs. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la dénomination et la composition de toutes les cellules politiques initiées. L’éclatement du RND à la mort de Cheikh montre aussi les limites d’une convergence politique centrée sur le leader charismatique. Ceci mérite une profonde réflexion sereine au sein des partis qui fonctionnent presque sur ce même modèle messianique. De toute façon, les sénégalais aiment et attendent toujours le messie, une formule pour se décharger de leurs propres responsabilités.
Que retenir en 2016 de Cheikh Anta ? On peut déjà se souvenir qu’il a refusé l’exil (scientifique) et l’entrisme sur la pointe des pieds et l’exil doré comme forme prédominante de leur action politique. Cheikh a aussi accepté la « pauvreté » dans une grande dignité à l’image d’autres leaders de la gauche morts dans le dénuement total et l’indifférence générale. CAD aimait rappeler un point important. L’intellectualité ne va pas sans engagement politique et moral. Il insistait beaucoup sur l’éthique. D’ailleurs c’est de la que vient le sigle de l’aigle du RND. L’aigle ne mange pas de charogne. Il a toujours voulu être cohérent avec ses principes et dans son esprit et dans ses actions. Malheureusement, aujourd’hui, on nous exhibe un principe terrible. L’ubiquité : on peut ainsi être un intellectuel de haute facture, et être tortueux sur le plan politique. La posture intellectuelle doit éclairer la position politique. De plus en plus c’est le contraire. Il n’est pas étonnant, dans ces circonstances que nos icônes intellectuelles « tombent » et entrent dans un discrédit généralisé et définitivement scellé. La boutade de CAD en wolof résume ce chaos moral : » Le sénégalais est tellement habitué aux tromperies que si tu les convies à un projet limpide et transparent ils n’y adhèrent pas ».
Au-delà de cette ténacité, que reste-t-il réellement de son héritage? Ou sont nos égyptologues ? Qu’est devenu le labo de carbone 14 monté pièce par pièce par lui-même ? Quelle œuvre magistrale peut-on osé citer ou écrit par un sénégalais depuis la mort de CAD ? Au-delà des étudiants qui ayant repris ses thèses ? En plus de toutes les questions terribles qui secouent l’Afrique : la question énergétique, les frontières, les ethnies, l’ingérence étrangère, la question culturelle, etc. Où sont les produits des Cheikh Antaistes ? Heureusement qu’aujourd’hui, on voit des lueurs au Maroc sur la question énergétique qui va installer la plus grande centrale solaire du monde dans le désert. Ou en sommes-nous au Sénégal et plus globalement en Afrique ? En réalité, nous avons souvent « fossilisé » sa pensée alors qu’il fallait partir de l’esprit de son combat pour le continent Valoriser le symbole d’un homme très tenace qui voulait trouver des solutions endogènes et qui voulait montrer que l’Afrique avait une légitimité historique pour réclamer une place et une voie tel devait être la grande cause de ceux qui prétendent perpétuer son œuvre. Ainsi le mimétisme a pris le dessus sur une approche plus intelligente et contextualisée de la pensée d’un Cheikh qui a toujours mis en garde contre les essentialismes. Beaucoup se sont comportés et se comportent encore comme des « talibés » restituant mimétiquement une pensée pourtant très féconde à achever. Cette tétanisation intellectuelle a plombé les élites panafricanistes qui se sont progressivement recroquevillées sur sa pensée en créant des espaces communautaristes où la critique même constructive n’est pas admise
Sans partager nécessairement les idées de Jean Paul Pougala, il est intéressant de rappeler ce qu’il dit dans ses Chroniques acerbes pour fouetter nos certitudes. Dans une démarche ironique il note : » Cela a-t-il un sens pour la Grèce d’aujourd’hui de passer son temps à revendiquer la paternité de la démocratie si elle croule sous les dettes et ce sont les financiers des marchés boursiers à gérer de fait le pays? De même, quel sens cela a-t-il pour les intellectuels africains de magnifier les pyramides de l’Egypte antique pour ensuite aller mendier la construction d’une minable salle de classe dans le Sahel ». Pougala pousse encore plus loin l’ironie en montrant qu’en réalité nos références sont européennes. Notre diplomatie, notre système de corruption, nos programmes scolaires, nos horaires de travail, nos repos hebdomadaire judéo-chrétiens sont tous européens. Certains objecteront qu’il n’est pas une référence et qu’il est même un comédien. Soit ! Cependant, il met à nue ces formes de « tétanisation » qui ont « fossilisé » notamment la pensée de Cheikh qui restera un homme ayant eu le courage intellectuel, et l’audace politique de porter, le grand projet des nations d’Afrique.
En ce jour anniversaire de la mort de Cheikh, le meilleur hommage que nous pouvons lui rendre est de contextualiser ses travaux. Ces héritiers n’ont plus le droit de poursuivre cette révolue posture mimétique alors qu’ils ont un boulevard pour produire des ouvrages de références contextualisés. Répéter depuis des décennies ce que Cheikh a dit dans des formules et slogans désuets, c’est sans doute poursuivre une œuvre de discrédit d’une posture intellectuelle dynamique de Cheikh qui n’a jamais été dogmatique. Alors se re-posent des questions de fonds : comment transformer les certitudes/postures scientifiques en projet politique mobilisateur ? Le discours n’est-il pas resté trop ésotérique ? Quelle solution, car cette notion est absolument importante ? A ce grand fils de l’Afrique, il devait revenir à chacun de se poser la grande question de perpétuation de son œuvre afin que, il revienne aux générations futures ce dont il a rêvé jusqu’à son dernier souffle : Une grande Afrique politiquement et économiquement libre et unie. Ainsi, il se reposera.
ANKN
DE LA NÉCESSITÉ DE RECADRER LA PENSÉE DE CHEIKH ANTA DIOP !!! Oui, Cheikh Anta DIOP a joué un rôle incontestable, plus que quiconque, dans l’œuvre de revalorisation du Noir Africain. Et du fait du caractère multidisciplinaire de son entreprise, il a permis à beaucoup d’intellectuels de se libérer du complexe d’infériorité qui a entretenu pendant très longtemps la marginalisation des africains (les ‘’descendants de Pharaon’’). Et certes, son œuvre est une étape importante, mais non- décisive – il faut le reconnaître – pour l’avènement du nouvel ordre idéologique qui se précise de plus en plus et qui intégrera nécessairement la dimension religieuse. Oui, les Textes Sacrés (Thora, Evangile, Coran) ne sont-ils pas une ‘’explication de toute chose’’ ? C’est donc une étape importante, nécessaire en son temps, car surtout dissuasive vis-à-vis des Occidentaux qui avaient fini par se persuader de leur suprématie sur les gens de couleur, tant au niveau de la pensée que du savoir-faire. Et il faut avouer qu’il était difficile de démontrer le contraire, sans y laisser ses plumes – c’est la réalité ! Au vu de toutes ces considérations, hommage ne peut être plus mérité que celui que tous les fils d’Afrique et la diaspora lui rendent, mais nous devons éviter d’en faire un ‘’messie’’. Cheikh nous a livré sa pensée qui n’est pas immuable – que je sache ! C’est la réalité ! Ainsi, nous devons l’expertiser avec la plus grande munitie et la plus totale objectivité. Sacrilège ! Dira l’autre ! En effet, si nous adhérons à l’unanimité et sans réserve à l’œuvre de Cheikh Anta DIOP, certes, nous ferions de lui un ‘’super – savant’’, un géant ; mais, si ses théories s’avéraient fantaisistes – ce qui est la règle en ce début de millénaire caractérisé par la déstructuration de toutes les idéologies et de toutes les sciences-, le géant n’en serait plus un – et le « mastodonte du savoir » n’en serait plus qu’un aux pieds d’argile. Et à l’évidence, la chute du Pharaon entraînerait alors une véritable avalanche qui emporterait la plupart des intellectuels et hommes politiques. Et si ce scénario catastrophe se réalisait – si cela n’est pas déjà fait ! -, l’Université pourrait-elle se remettre de ce choc ? Dieu seul sait !
L’auteur de l’article connait, peut-être, Cheikh Anta Diop le politique. Mais il ignore tout du scientifique. C’est une malhonnêteté intellectuelle de dire que les « « talibés » restituant mimétiquement une pensée pourtant très féconde à achever ».
Dr. Cheikh Mbacké Diop qui anime la revue d’égyptologie et des civilisations nègres basée à Paris ne tiendrait pas un tel discours. La pensée de Diop est renouvelée, critiquée, enrichie avec une nouvelle approche méthodologique.
Les disciples des adversaires Cheikh Anta Diop (Dominique Valbelle, Geneviève Husson, Claire Alouette etc.) sont beaucoup plus féroces et racistes que leurs maîtres (Jean Leclant, Jean Vercouttter, Nicolas Grimal etc…).
La nouvelle génération d’égyptologues européens est pire que l’ancienne.
Il faut se rapprocher des universités pour constater l’importante publication des jeunes égyptologues africains (4 jeunes sénégalais), Yoporeka Somet du Burkina Faso, Oum Ndigi du Cameroun. La liste est loin d’être exhaustive. Ce sont des travaux novateurs et scientifiquement acceptés.
Il y a eu beaucoup de critique de la part de gens qui ignorent royalement ce qui se passe.
Un baye fall