[Chronique] Bientôt deux années qu’ils sont à la tête du pays, mais rien ne semble bouger… Par Lamine Niang

Depuis son accession au pouvoir, c’est maintenant seulement que le président Macky Sall et son gouvernement sont en train de vivre la dure réalité de l’exercice du pouvoir. Un test grandeur nature pour montrer ce dont ils sont réellement capables au-delà de la traque des biens mal acquis, le seul domaine dans lequel ils se sont illustrés jusqu’à maintenant.
Si l’arrestation de quelques gestionnaires sous Abdoulaye Wade et la récupération supposée de quelques milliards ont été brandies comme des trophées de guerre devant les populations, il va sans dire que pour tout État détenant des pouvoirs légaux insoupçonnés, cela ne doit pas être la chose la plus compliquée à réaliser. Les criminels ont été clairement identifiés par les pauvres Sénégalais à qui on a subtilisé illégalement leurs maigres ressources, reste à trouver les pièces à conviction pour étayer la preuve de la culpabilité des bandits à col blanc sous le magistère de Wade.
Pourtant, cela fait maintenant une année et demie qu’on ne nous sert que cette rengaine de la traque des biens mal acquis comme seule et unique réalisation, comme si cela était la clé de la solution à nos nombreux problèmes sociaux. Le disque commence à subir quelques égratignures dues à son utilisation à outrance et demande d’être changé.
C’est bien de rapatrier l’argent volé et d’arrêter les coupables, mais que font-ils de nos ventres vides, de nos maisons toujours plongées dans l’obscurité et de nos jeunes sans emploi ? Bientôt deux années qu’ils sont à la tête du pays, mais rien ne semble bouger véritablement. Et comme pour assécher nos voix et leur enlever la force des plaintes, ils nous assoiffent maintenant en coupant l’eau des robinets.
Aucun éclairci à l’horizon, si ce n’est le goût amer de la déception qui risque de nous attendre au terme de cinq années de vœux pieux.
Le prometteur et ambitieux programme Yonou Yokouté ne semble être au bout du compte que de la poudre aux yeux. Un ramassis de belles formules et d’idées fantastiques pour embellir un programme de campagne électorale, mais qui se heurtent péniblement à la réalité du terrain. Et l’on peut légitimement se demander si Macky Sall était suffisamment préparé pour diriger le Sénégal? L’élan d’empathie bien médiatisé du président ainsi que le recours à la fatalité pour se dédouaner de certaines catastrophes ne sont en effet que des signes évident d’impuissance qui cachent mal certaines limites. On peut gagner les cœurs sensibles par des stratégies de communication savamment planifiées en haut lieu, mais cela doit s’accompagner de l’amélioration effective et basique des conditions de vies des personnes pour bien fonctionner.
Il est certes facile de gober l’explication selon laquelle c’est l’argent sale qui ne circule pas dans le pays, mais ce que le gorgolou sénégalais ne peut pas comprendre c’est qu’il continue de se réveiller dans les eaux à cause des inondations. Qu’il vive encore la douloureuse expérience des délestages électriques. Pis, qu’on lui coupe maintenant l’accès à l’eau potable. Pour un régime qui disait être prêt à gouverner dès le premier jour, il y a lieu d’émettre de sérieux doutes.
Au vu du constat fait çà et là devant la résurgence soudaine, voire permanente de certains problèmes, un mot seul mot décrit la triste réalité : l’incompétence.
C’est justement dans les situations d’urgence et même de catastrophe que les bonnes équipes dirigeantes se démarquent et réussissent à convaincre les plus sceptiques de toutes leurs habiletés de gestionnaires. S’appropriant la leçon qui voudrait que gouverner c’est prévoir, ils n’attendent pas une situation d’urgence pour lui chercher des solutions. Bien au contraire, ils ne se suffisent pas de la gestion à la petite semaine, mais anticipent déjà les pires scénarios en imaginant des solutions de sortie crise au cas où l’imprévisible se produit.
Ironiquement, la couverture médicale universelle de Macky Sall tant annoncée n’aura jamais été aussi pertinente. À l’heure où de réelles menaces sur la santé publique pèsent sur les populations du fait de l’absence d’eau potable, l’État qui aura manqué à ses devoirs devra assumer la prise en charge intégrale de tous ceux qui subiront les conséquences néfastes de l’utilisation ultime et résiliente d’eau impropre à la consommation.
Ce qui est encore plus déplorable, c’est le signal négatif envoyé aux éventuels investisseurs étrangers, hypothéquant du coup toute volonté de venir s’établir au Sénégal et de créer des emplois. Mesurant les nombreux risques encourus, un investisseur hésiterait par deux fois avant de se lancer en affaires dans un pays où l’eau devient une denrée rare, l’électricité un luxe et les inondations, le lot quotidien des populations pendant l’hivernage.
Lamine Niang
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