Cité Bissap : Un quartier à part

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« Il est officiellement une zone artisanale ». Elle cohabite, cependant, depuis plus de 40 ans, avec un habitat plus ou moins urbanisé. Progressivement, il est devenu plus important que cette activité. Découverte de Cité Bissap, un quartier enclavé géographiquement, mais ouvert sur plusieurs petits métiers.

« Rattachée à la commune de Biscuiterie, la Cité Bissap est bordée à l’ouest par la Rue 12, avant Usine Béne Tally. A l’est, elle est longée par l’avenue Cheikh Ahmadou Bamba, vers HLM 1. Au nord, la Rue Y la délimite. Au sud, l’avenue Bourguiba la longe », situe Amadou Alassane Sy, le délégué du quartier créé entre « 1974 – 1975 ». Il est moins précis sur la superficie exacte du quartier qui compte ‘’plus de 4 000 âmes’’. Il doit son nom à un ‘’rapprochement avec la culture aujourd’hui révolue de l’oseille dans la zone’’. Mais sa dénomination réelle est « Gouye-Thieurigne », indique-t-il. Un nom donné par M. D, un lébou de Rufisque. « Un baobab trônait sur la place dont il faisait des rites », explique le vieux, trouvé dans son immense demeure, sise à la « rue Alakass », jonchée de voitures de mécaniciens.

M. D, qui est « décédé », se prévalait d’un ‘’jugement d’hérédité. Il se disait propriétaire de grandes parcelles qu’il morcelait et revendait en fonction des moyens de chaque acquéreur’’, poursuit-il. Dans ‘’les actes de vente’’ qu’il délivrait, le nom Gouye-Thieurigne était apposé au lieu de Cité Bissap qui, abondamment utilisé, a fini par faire oublier le nom d’origine, soutient l’ancien chef-comptable dans une ‘’multinationale’’.  La sienne, ‘’un titre foncier’’, s’étend sur 1 500 m2. Il l’a acquis par le biais d’une ‘’co-propriété de 4000 m2 avec deux autres personnes, en 1974’’. Les bâtiments actuels accueillaient une compagnie de transport d’un Français qui l’a revendue à un compatriote. C’est par l’entremise de ce dernier qu’ils ont racheté le logis.

D’ailleurs, beaucoup de maisons du quartier sont configurées de la sorte. ‘’Il y avait des usines de briques, de matelas, de carreaux, de vêtements… Beaucoup d’entre elles se sont délocalisées’’. Car à un certain moment, certaines se développaient et d’autres fermaient boutique. Et les locaux étaient soient transformés en dépôts ou en habitations, explique M. Sy, troisième chef du quartier.

Une zone mixte

Son ainé, Alassane Sy, indique que ‘’185 maisons y sont recensées’’. Il ajoute que le quartier est un véritable melting-pot. On retrouve ‘’des toucouleurs, des sérères, des manjaques…’’. La plupart des habitants sont des ‘’saisonniers’’. Ce sont des gens qui quittent leurs villages pour venir travailler comme ouvriers ou domestiques. Il note parmi les jeunes ‘’beaucoup plus d’ouvriers que d’étudiants’’. La menuiserie et la menuiserie métallique sont, entre autres, les activités informelles dans le quartier.

Son père reprend et ajoute que Cité Bissap est ‘’une zone mixte’’, du point de vue de la catégorisation sociale. Une chambre s’y loue à moins de 30 000 francs CFA, malgré que la ‘’sous-location’’ y soit très prisée, surtout pour les ‘’appartements’’. Il est bailleur et son tarif varie entre 20 000 à 30 000 francs pour les chambres. Tout le contraire de certains endroits de Dakar où elle peut mensuellement coûter 80 000 francs. Cela est dû à ‘’l’enclavement’’ du quartier qui fait qu’une ‘’catégorie aisée de personnes ne veut pas y habiter’’. Pas d’école ni de dispensaire, encore moins de route bitumée, renchérit le fils. Leurs écoliers vont dans les établissements environnants.

Il y a, par contre, une pharmacie. Trois mosquées et une grande mosquée font la fierté de la majorité musulmane. Des chrétiens vivent également dans le quartier. L’église protestante, de la rue Alakass, a déménagé. On n’y trouve pas de marché. Par contre, des boutiques, il y en a un peu partout dans les rues. Les vendeurs de pièces détachées de voitures ou d’engins longent la rue précitée et l’avenue Cheikh Ahmadou Bamba. Les habitants n’ont pas d’aires de jeux. Cité Bissap, équipe éponyme du quartier, n’a remporté qu’une coupe zonale, en 2007, lorsqu’elle jouait à la zone 7B de Grand-Yoff, en Navétanes (championnat populaire d’équipes de quartiers). Depuis 2009, elle compétit à la zone 3 avec les ASC Niary Tally, Mom Sa Réw et consorts, indique un jeune habitant du quartier.

5 commissions

Le délégué du quartier a, dès sa prise de fonction, il y a ‘’cinq ans’’, mis en place ‘’cinq commissions’’, confie un notable du nom de Souleymane Diouf. La ‘’réconciliation’’ gère les conflits. ‘’Nous avons résolu pas mal de problèmes sociaux’’, note Alassane Sy. ‘’L’assainissement’’ est représentée, bien que la zone soit assainie, depuis ‘’plus de dix ans’’, ajoute-t-il. Les volets ‘’sanitaire’’ et ‘’culturel’’, ainsi que ‘’la sécurité’’ constituent les autres commissions. Sur ce dernier plan, un ‘’comité de gardiennage’’ constitué de jeunes veille ‘’bénévolement’’ sur la sécurité des habitants du quartier. Même si, poursuit-il, il n’est ‘’pas aussi dangereux que beaucoup le prétendent. En effet, Cité Bissap a ‘’trois accès : deux au sud et un au nord’’, indique le père.

Il ajoute que les habitants se connaissent bien. Il suffit qu’un inconnu y pénètre pour qu’un œil lui soit prêté. Pas plus tard qu’hier (NDLR : mardi), une patrouille policière s’est présentée sur les lieux, souligne un jeune assis à côté. Sauf qu’il y a un ‘’bar clandestin’’ bien connu, dans le quartier. Certains ivrognes assommés d’alcool se vautrent parfois à même le sol dans la rue. Régulièrement, la police y fait des descentes pour embarquer des personnes et saisir ‘’l’alcool de mauvaise qualité qui y est vendue’’. ‘’Le soum-soum tue à petit feu’’, balance le vieux Diouf.

Mécaniciens

Le quartier est un peu la Mecque des mécaniciens. Ils se trouvent principalement à la rue Alakass. Leur occupation est trouvée ‘’anarchique’’ par beaucoup, dont le chef du quartier. Qui note que leur installation date du départ de beaucoup d’usines de la localité. Certains y tiennent, par contre, des garages aménagés. Dans une famille sénégalo-cap-verdienne visitée, une dame, sa fille et son beau-fils, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, s’indignent du stationnement de véhicules en réparation à la devanture de leur maison. Un jour, raconte la dame, ils ont eu toutes les peines du monde pour faire évacuer un parent malade. Le beau-fils promet de manœuvrer auprès ‘’des autorités’’ pour régler la question.

Du côté de certains de ces ouvriers assis à côté de la grande maison qui servait d’usine, c’est la version contraire. Ils indiquent que c’est la dame en personne qui leur a donné l’autorisation de garer les véhicules devant sa maison. D’ailleurs, pour eux, Cité Bissap est une zone artisanale. Ils ne stationnent dehors que lorsque les garages ne peuvent plus accueillir de nouvelles voitures. Cette situation est même souhaitable pour eux, car cela témoigne de la marche de leurs activités. ‘’Dans ce quartier, c’est nous qui draguons et marions les filles. C’est nous aussi qui achetons le petit-déjeuner des gargotières’’, souligne avec sérieux un mécanicien. Mais pourquoi, Cité Bissap, initialement conçue pour être un lieu d’artisanat, s’est muée par la suite en zone d’habitat ?

Plan de remembrement

Les autorités étatiques considèrent toujours son statut de ‘’zone artisanale’’, selon le délégué de Cité Bissap. Par contre, ‘’en 1975’’, elles avaient soumis ‘’un plan de remembrement’’ pour désenclaver la cité en faveur des entreprises. Même, ‘’avant même son application, des constructions s’étaient élevées sur les espaces réservées aux routes’’, regrette le délégué du quartier. De ce fait, aujourd’hui, vous marchez sur une rue, en pensant déboucher sortir sur une autre, vous vous heurtez à une maison. Il avait même ‘’proposé de recaser les habitants pour laisser prospérer les activités artisanales ou de faire le choix contraire. Mais la plupart d’entre eux préfèrent rester, à cause des liens qui se sont noués’’, renseigne-t-il.

« Roukou Ndiago » et « Kognou Toyé »

En dehors de la rue Alakass, ‘’Roukou Ndiago’’ et ‘’Kognou Toyé’’ sont les plus célèbres du quartier. Selon certaines explications, la première tire son appellation de la grande présence, à une certaine époque, de la communauté manjaque. Mais depuis des années, on note ‘’la présence régressive de cette communauté au profit des Peuls de la Guinée, des sérères, etc.’’, confie un jeune. Pa Potou, un vieux manjaque présent depuis 1975 dans le quartier, de dire qu’il n’a jamais su leur rue portait telle appellation.

‘’Kognou Toyé’’, dit-on, est habitée par de jeunes nonchalants. Ce sont de jeunes élèves et étudiants renfermés chez eux. Leur vie se partage entre l’école et la maison, d’après certaines indiscrétions. Mais les intéressés s’en défendent. Toto Gomis, jeune habitant de cette contrée, a réussi au baccalauréat, cette année, après deux tentatives teintées d’échec. Il a changé d’école pour se conformer à plus de ‘’rigueur’’. L’établissement, ‘’un service d’entraide social’’, se trouve à côté de l’université Cheikh Anta Diop. Son taux de réussite avoisine les ‘’71%’’. Il affirme que ses pairs ne sont ‘’pas mous’’. Loin de là. C’est juste qu’ils ‘’portent une grande importance à leurs études’’. En dehors d’elles, ils s’adonnent ‘’au football’’.

‘’AL-HOULAFAOUR RASHIDOUNA’’

Daara de type nouveau

La Cité Bissap accueille le daara ‘’Al-houlafaour rashidoûna’’. C’est une ‘’école communautaire de base’’. Elle est initiée et financée par Village d’enfants SOS, ‘’un organisme affilié à l’Union européenne’’, indique le maître El hadji Ciré Dia. Ce ‘’projet repose sur trois années’’. Il est à sa phase initiale. L’objectif est de permettre aux ‘’92 talibés du daara de lire et d’écrire en français et de maitriser l’outil informatique’’, souligne-t-il. Pour le moment, un toit en zinc et des table-bancs sont installés sur la terrasse de la maison de deuxième étage. L’organisme’’ prévoit de clôturer le siège en dur et d’améliorer les conditions actuelles.

‘’Leurs talibés mendiaient. Mais depuis l’application de la mesure d’interdiction de la mendicité, ils ne bougent plus’’, souligne El hadji Ciré Dia. Et aucun d’entre eux n’a été chopé par les services du ministère de la Famille, dans leur opération de rafle des enfants mendiants, précise-t-il. Ils sont pris en charge par son père, Abou Siléye Dia, fondateur du Daara en 1989. Il précise qu’ils n’ont aucun revenu. Et chaque jour, ils dépensent ‘’40 000 francs’’ pour entretenir l’effectif.

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