C’est au détour d’une audience à la suite de la rencontre du Conseil des ministres que le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, a proposé sa démission au président de la République. Me Wade aura poussé Cheikh Tidiane Sy à l’acte, en abordant avec lui son projet de compression du gouvernement. Le désormais ex-Garde des Sceaux, à l’étroit depuis l’affaire du faux coup d’Etat, a tourné la page. Une démission à l’origine d’un branle-bas aussi bien au Palais qu’au Ministère de la Justice. Wade a ainsi reçu hier Pape Oumar Sakho, le premier président de la Cour suprême, qui lui avait demandé de maintenir en poste Cheikh Tidiane Sy. Alors que Me Madické Niang, Ousmane Ngom et Samuel Sarr se sont enfermés durant deux tours d’horloge avec Cheikh Tidiane Sy pour le faire revenir sur sa décision. Wade va-t-il refuser cette démission après l’avoir acceptée ?
Depuis l’affaire dite du faux coup d’Etat du 18 mars, le désormais ex-ministre d’Etat, ministre de la Justice était à l’étroit dans le Gouvernement. Le mouvement simultané des greffiers, mais surtout des magistrats (une première) aura fini par avoir raison de son intransigeance. Il y a des signes qui ne trompent pas. A la suite d’une réunion tenue au Palais le 18 mars dernier sous la présidence du chef de l’Etat, en présence du Premier ministre, de Me Madické Niang, Ousmane Ngom, Karim Wade, Habib Sy…, Me Wade est mis au courant d’une fiche qui annonce des actes de sabotage pour la journée du 19 mars. Mis en cause : des jeunes de Benno Siggil Senegaal. Me Wade fait appel à Cheikh Tidiane Sy (qui n’était pas de la réunion) pour lui demander de lire dare-dare un communiqué à la télévision nationale pour éventer le « coup » et ouvrir une information judiciaire.
Cheikh Tidiane Sy apprendra la teneur du communiqué après sa… publication, alors qu’il était à mille lieues du Sénégal. Dès son retour à Dakar, il est reçu par Wade un samedi, pour une séance d’explication. La tension baisse et l’affaire en restera là. Et mieux, lors de la rencontre du Conseil des ministres hier, le chef de l’Etat revient sur l’audience qu’il a accordée à l’Union des magistrats du Sénégal, 48 heures avant son mouvement d’humeur. Selon des sources autorisées, Me Wade a été pourtant ferme, en précisant que tout le monde pouvait aller en grève dans ce pays, sauf les magistrats. Car, selon lui, c’est surtout à cause des privilèges accordés aux magistrats que les autres corps s’estiment lésés. Mais Wade a justifié son action, en rappelant son passé dans le Barreau. Car, pour lui, dès son accession au Pouvoir, il a décidé que ceux qui étaient appelés à juger les citoyens devaient être mis dans d’excellentes conditions.
C’est à la suite de cela que Me Wade a demandé à Cheikh Tidiane Sy de lui faire un exposé de la situation. Mieux, presque tous les débats ont tourné autour de cette question. Enfin, il a été retenu en Conseil que Cheikh Tidiane Sy fasse une conférence de presse dans les plus brefs délais, pour expliquer aux populations « tout ce que l’alternance a fait pour les magistrats ».
A l’origine, l’audience d’après-Conseil
Tout s’est joué à la suite de la rencontre du Conseil des ministres. Alors qu’il recevait en audience Cheikh Tidiane Sy, Wade l’informe de sa volonté de procéder à un réaménagement du Gouvernement. Le chef de l’Etat avait déjà fait l’annonce lors d’une rencontre du Conseil des ministres mais depuis, des blocages persistent. Le Garde des Sceaux lui-même affirme au Président qui le présente comme l’autre « doyen du Gouvernement », qu’il était temps. Wade ajoute qu’il voulait réduire le nombre de ministres, comme il l’avait dit il y a quelques mois. Cheikh Tidiane Sy répond qu’il n’y voit pas d’inconvénient, même si lui était concerné par cette compression.
Me Wade brosse un éventuel changement de ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy décide de lui faciliter la tâche et lui propose sa démission. En vérité, il ne pouvait supporter tous ces fronts ouverts autour de lui.
Madické Niang, Ousmane Ngom et Samuel Sarr en sapeurs pompiers
Dès que la nouvelle de la démission se répand, c’est le branle-bas autour du Président et autour de Cheikh Tidiane Sy, pour bloquer la décision. Coup de théâtre : le décret est rendu public par la télévision nationale. Pour autant, les manœuvres se poursuivent. C’est ainsi que le premier Président près la Cour suprême, Pape Oumar Sakho, qui avait demandé au président de maintenir Cheikh Tidiane Sy, lors de l’audience avec l’Ums, est reçu par Wade. Dans la foulée, le chef de l’Etat reçoit aussi le bâtonnier de l’Ordre des avocats.
Autour de Cheikh Tidiane Sy aussi, c’est le branle-bas. Me Madické Niang, Ousmane Ngom et Samuel Sarr se rendent au septième étage du Building administratif, siège du Ministère de la Justice. Durant deux tours d’horloge, ils s’enferment avec Cheikh Tidiane Sy pour tenter d’arrondir les angles. Mieux, des sources autorisées croient savoir que jusque tard dans la nuit, le Président était acculé lui aussi, pour l’amener à refuser cette démission qu’il a déjà acceptée. Ce, alors qu’un réaménagement doit intervenir au plus tard lundi prochain.
Cheikh Mbacké GUISSE
lasquotidien.info
