Conservateur de la maison des esclaves : Eloi Coly sur les pas de Boubacar Joseph Ndiaye

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Trois ans après la disparition de Boubacar Joseph Ndiaye, l’ancien Conservateur de la Maison des esclaves de Gorée, son successeur, Eloi Coly, cherche à imprimer son style. Mais le souvenir du défunt semble encore trop omniprésent.
Il est difficile de remplacer les grands hommes, a-t-on l’habitude d’entendre. Eloi Coly, l’actuel Conservateur de la Maison des esclaves de Gorée, ne dira certainement pas le contraire. Lui qui, trois ans après la disparition de son charismatique prédécesseur, Boubacar Joseph Ndiaye, qui était devenu la mascotte vivante de cette maison-mémorielle, a encore du mal à imprimer son style dans la mémoire des visiteurs de l’île. La voix lente et grave du défunt qui, à l’image de celle de Joseph Ki-Zerbo, coulait comme un long et tranquille fleuve, est restée dans toutes les mémoires. Et ses envolées lyriques inoubliables. Pour ceux croient que les morts ne sont pas morts, on peut même parfaitement imaginer le fantôme de Joseph errant encore dans les couloirs de cette maison, à laquelle il a consacré toute sa vie, tenant les chaînes avec lesquelles on enchaînait les esclaves. Comme il avait l’habitude de le faire devant les visiteurs. Mais, Eloi Coly souffre-t-il de cette comparaison avec son prédécesseur que ne manquent guère de faire tous les visiteurs de l’île ? Pas forcément. On peut même penser qu’il en est flatté d’une certaine manière. Car après 26 ans de compagnonnage avec Joseph, il vénère la mémoire du disparu. Il pousse ce respect jusqu’à laisser intact le bureau qu’il a hérité de lui. On y retrouve les mêmes aquarelles sur les murs, les mêmes objets (caravelle et esclave enchaîné en miniatures, etc.). Tout y rappelle encore Joseph : effigies, distinctions, diplômes de reconnaissance du défunt, etc. Pour quelqu’un qui se considère comme le « gardien du temple », difficile de faire mieux…
Toutefois, c’est aussi un acte de courage et d’authenticité que d’assumer sa différence d’avec l’autre. Fut-il un grand homme. Car, le style c’est l’homme, disait Flaubert, l’un des maîtres justement du …style. « Nous sommes deux personnes différentes, chacun avec son style », tranche Eloi Coly. Il est vrai, si Joseph, dans ses commentaires sur l’esclavage, avait l’extraordinaire don de susciter l’émotion chez ses interlocuteurs, au point de pousser certains jusqu’aux larmes, Eloi ne se situe point sur ce registre, même s’il adopte le même ton solennel et la même voix grave. Mais, ce que son discours perd en emphase, il le gagne en véracité. Avec le souci de raconter la « véritable histoire », l’homme opte pour une « approche plus pédagogique ». « Je mets de côté tout ce qui est anecdotique », répète-t-il. Légèrement trapu et semblant plus jeune que son âge, lui a le geste énergique, le regard vif, alors que l’autre (Joseph) tirait son charme d’une sorte de nonchalance pour mieux captiver son interlocuteur, comme s’il reportait toute sa force dans le verbe.  Sans doute conscient de l’évolution de la perception de l’esclavage, surtout chez la nouvelle génération porteuse d’une nouvelle expérience historique, Eloi Coly ne nie pas le rôle des Africains eux-mêmes dans la vente des esclaves, même s’il s’empresse d’ajouter : « Ce rôle a été exagéré par certains historiens de mauvaise foi – car il y a tout un contexte qui doit être pris en compte ; même si, dans la bêtise, il n’y a pas de hiérarchie [ ?] », dit-il, sous le regard approbateur de Victor Schœlcher et William Wilberforce, les deux philanthropes dont le rôle a été décisif pour l’abolition de l’esclavage dont les aquarelles trônent sur son bureau à côté de celle de Limamou Lahi

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