De l’ivoirité à l’international

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Pour que Jean Luc Mélenchon, de la gauche française, et Marine Le Pen, de l’extrême droite, tiennent le même discours sur la fumisterie dans le procès de Gbagbo, il faut croire que les esprits enfouis dans les charniers de Yopougon ont plaidé très fort devant l’Eternel. La Cour pénale internationale (CPI), bras armée de la justice des conquérants, peut identifier les forfaits de Gbagbo et les punir, il lui sera pourtant impossible de disculper Alassane Ouattara dans les massacres sur fond ethnique. En vérité, c’est toute la Côte d’Ivoire qui doit prendre la revanche sur elle-même afin de tourner la page de ce soubresaut postcolonial.

Laurent Gbagbo n’est ni vierge ni vénérable, mais le chef d’accusation de crime contre l’humanité ne peut sérieusement lui être opposé sans que ses protagonistes ne répondent de faits et gestes similaires. Crime de lèse-majesté, la procureure, Fatou Bensouda, accuse le « président » Gbagbo de s’être accroché au pouvoir par tous les moyens et d’avoir mis en œuvre un plan presque génocidaire. Pourtant, sur les 3 248 personnes mortes, recensées dans le rapport de la Commission d’enquête nationale, 44% sont imputées au camp Gbagbo, 23% au camp Ouattara et 33% ne sont pas attribuées ni à l’un ni à l’autre en raison de problèmes d’identification des victimes.

Légalité, mais aussi égalité, une justice saine et efficace favorise le respect des droits individuels et collectifs sans parti pris. La Côte d’Ivoire ne sortira pas soulagée d’une décision juridique sans aucune portée réconciliatrice, fut-elle gratifiée du sceau du conformisme au diktat de l’occident. Non, la CPI ne viendra pas à bout des confusions nées de la balkanisation de l’Afrique et du nationalisme bidon. Elle ne peut même pas panser les plaies béantes creusées sous le coup d’une démocratisation piégée par un jeu sec du plus grand nombre. Cette Cour dira, à coup sûr le droit dicté depuis des décennies par le Quai d’Orsay et ses semblables expansionnistes.

Pas de réconciliation sans justice, disent les inconditionnels de la CPI sans toutefois l’envisager pour tous les auteurs d’exactions. Laurent Gbagbo et ses amis se font passer pour des victimes de la « Françafrique ». Le camp du président Ouattara affiche à tout-va sa légitimité démocratique. Plus qu’une décision de la justice internationale, la réconciliation passera par la recherche politique de stabilité et de cohésion nationale. La solution durable à la crise ne peut passer que par le dialogue et le dépassement. Jusque-là, les ivoiriens s’emportent et s’accusent sur fond ethnocentrique. Plus ça dure, mieux seront servis les intérêts occultes de Sa Majesté la finance internationale.

Récupérée par Gbagbo, l’ivoirité a été pervertie en idéologie politique, puis transformée en nationalisme économique. « La Côte d’ivoire est la pierre d’achoppement indispensable de la zone franc en Afrique de l’Ouest. Elle avait les moyens de quitter cette dépendance de la zone franc, même seule, et je m’apprêtais à le faire », a dit M. Gbagbo dans son livre-choc de 2014. « Pas question de laisser les colonies françaises d’Afrique avoir leurs propres monnaies !», déclare Nicolas Sarkozy en janvier 2016. Tout compte fait, les intérêts de la France ont beaucoup joué dans la crise ivoirienne postélectorale et jusque dans la mise en branle de la Cour de justice.

La CPI se fait passer pour une redresseuse de tort. Pourtant, ce qui est bon pour minou est bon pour pitou. Le président du Soudan, Al-Bachir, est parvenu, depuis son premier mandat d’arrêt, à se rendre dans plusieurs dizaines de pays sans jamais être inquiété. Il est pourtant poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour, où les violences ont fait plus de 300 000 morts depuis 2003. « Host agreement », garantie de sécurité et d’immunité des participants au sommet de l’Union africaine, avait brandi Pretoria en juin 2015 pour lui permettre de se déplacer sans encombre. Mon œil!

Birame Waltako Ndiaye

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1 COMMENTAIRE

  1. Jouer les équilibristes ne fait pas honneur à une lecture impartiale de la situation en côté d’Ivoire, encore moins en Afrique. Cette maison côté d’Ivoire qui brûle aujourd’hui par la faut du prédateur ne sera pas différente de celle du Sénégal demain. Le prédateur n’a d’yeux que pour propres intérêts. À bon entendeur salut

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