Déclaration de Me Abdoulaye Wade: le nouvel aéroport porte le nom de Blaise Diagne parce que…

Date:

Abdoulaye Wade 
Ancien Pre?sident 
de la Re?publique du Se?ne?gal 

De?claration Objet : nom de bapte?me de l’ae?roport International de Diass 

Je suis un disciple de Blaise Diagne.

Ne? a? Gore?e en 1872, le jeune Galaye Diagne dit Mbaye Diagne, d’un pe?re le?bou, ethnie ouolof de la Presqu’i?le du Cap-Vert et de me?re d’ethnie diola Manjaque, fut adopte? par la famille de magistrats me?tis CRESPIN natifs de Gore?e et Saint- louis, donc de nationalite? franc?aise.
Sa nouvelle famille changea son pre?nom en Blaise. Blaise Diagne fut, comme on dit en anglais, mon ‘’Hero’’. Je n’ai pas choisi son nom par hasard pour le donner a? l’Ae?roport Se?ne?galais moderne que j’ai cre?e? et a? qui j’avais assigne? la vocation de devenir, le temps de l’e?volution technologique, le plus grand Ae?roport International d’Afrique.

En effet, Blaise Diagne, premier de?pute? du Se?ne?gal e?lu a? l’Assemble?e nationale franc?aise en 1914, n’est malheureusement pas assez connu des Se?ne?galais, particulie?rement les jeunes.
Pendant la pe?riode d’apre?s-guerre 39-45, pe?riode marque?e par la FEANF (Fe?de?ration des Etudiants Africains en France d’option anticolonialiste et revendicative) et la WASU (West African Student Union a? Londres d’option nationaliste comme les leaders africains des colonies britanniques d’Afrique qui, lorsque je de?barquai a? Londres pour la premie?re fois en 1959, avaient l’habitude de se re?unir au 200 Gover Street)1.

L’abolition formelle, le 28 avril 1848, de l’esclavage dans lequel l’I?le de Gore?e a joue? le ro?le historique de ‘’porte vers l’inconnu’’, port de tri et d’exportation des esclaves africains vers les Ame?riques pendant 4 sie?cles et demi, e?tait tre?s proche, ses se?quelles trop vivaces, dans un univers ou? les africains e?taient, a? la diffe?rence des citoyens franc?ais, des sujets franc?ais taillables et corve?ables a? merci, pour que son ide?e d’assimilation qui ferait gommer la diffe?rence de traitement ne heurta?t les uns ou n’inspira?t la peur chez les autres.

Sa loi faisant des natifs des quatre communes, Saint-Louis, Dakar, Rufisque et Gore?e, des citoyens franc?ais fut qualifie?e de ‘’Re?volution Diagne’’.

A l’e?re de la FEANF, apre?s les inde?pendances de 1960, ses ide?es novatrices ont e?te? mal accepte?es par une intelligentsia de gauche en mal d’une re?volution2. Blaise Diagne croyait a? l’e?galite? des races dont, pour lui, aucune n’est supe?rieure a? l’autre, diffe?rencie?es seulement par

1 C’est la? que j’ai rencontre? pour la premie?re fois Julius Nyerere, jeune leader de Tanzanie, Namdi Azikwe?, leader du Nigeria, Joshua Nkomo leader de la Rhode?sie du Sud devenue le Zimbabwe, Kanyama Chiume leader de la Rhode?sie du Nord devenue le Malawi. Le Dr Kamusu Banda fut le premier ‘’Premier Ministre ‘’ qualification du Chef de l’Exe?cutif he?rite?e de l’Angleterre dont l’e?chelon supe?rieur est la Reine qui nomme les Premiers ministres du Commonwealth dont le Canada par exemple. Cette suje?tion a e?te? abolie re?cemment. A l’inde?pendance le Docteur Kamusu Banda devint Pre?sident du Malawi. 

2 Les e?tudiants de la FEANF re?vaient de la re?volution bolchevique de 1917. 
leur degre? d’avancement sur l’e?chelle de la civilisation ‘’occidentale‘’ qui lui paraissait e?tre le mode?le.

Pour ce de?pute? foncie?rement antiraciste, il fallait simplement former les Noirs pour qu’ils atteignent les Blancs. Et il n’y a pas meilleur moyen de les former que de leur ouvrir les e?coles ; d’adopter leurs mœurs et coutumes dans la mesure ou? cela ne heurtait ni nos religions ni nos traditions. Il pre?cha ce que l’on a appele? la doctrine de l’assimilation.

Cette doctrine he?rite?e des Romains qui, apre?s avoir vaincu un peuple ‘’barbare’’- car, pour eux, tout ce qui n’e?tait pas romain e?tait barbare – a e?te? reprise 2000 ans apre?s par la France, avec l’Union franc?aise en 1945 qui devait donner la me?me nationalite? aux peuples de l’Empire franc?ais, des Se?ne?galais aux Vietnamiens et Malgaches, puis avec la Communaute? franco- africaine d’octobre 1968 qui se re?duisait a? la France et l’Afrique Noire, toutes deux tentatives qui ont e?choue?.

A la de?charge du de?pute? assimilationniste se?ne?galais, il e?tait strictement seul a? faire face a? une grande et noble cause : de?fendre la race noire alors que les se?quelles du racisme e?taient encore vivantes dans notre pays et, plus encore, dans le reste de l’Afrique.
A cette e?poque et jusque dans l’entre-deux guerres, lorsqu’un Noir rencontrait un Blanc, il devait descendre du trottoir et le laisser a? ceux qui se pre?sentaient comme la race des seigneurs.

Lorsqu’un Noir entrait dans un magasin et y trouvait un Blanc, il e?tait oblige? de sortir et d’attendre que le Blanc eu?t fini ses emplettes. Dans certaines colonies il devait faire chapeau bas lorsqu’il croisait un blanc dans la rue.

Les Se?ne?galais, n’he?sitant pas a? en venir aux mains avec les petits Blancs racistes qui avaient trouve? un exutoire et tentaient de satisfaire des impulsions de domination, re?ussirent, au de?but de la guerre 39-45, a? e?liminer les manifestations racistes publiques.

Avec la seconde guerre mondiale et le Gouvernement franc?ais de Vichy, il y eut une nouvelle offensive de racistes venus d’on ne sait ou?. Nous formions alors des commandos pour aller chercher bagarre. Etant le plus petit de la bande, a? 16 ans, j’e?tais le poisson-pilote qui allait provoquer, surtout les marins franc?ais qui de?ambulaient en bandes bruyantes dans les rues de notre capitale.3

On se souvient de ce qui arriva a? l’un des premiers juristes franco-se?ne?galais, Isaac Forster, de me?re se?ne?galaise et de pe?re me?tis, devenu, par la suite, premier Noir membre de la Cour internationale de la Haye. Il fut tre?s affecte? par ce qui arriva a? sa me?re -noire- qui, a? une e?poque ou? Noirs et Blancs devaient former deux files distinctes devant les magasins et les guichets, e?tait alle?e faire des achats dans un magasin de l’Avenue William Ponty. Elle fut brutalement extraite du rang des Blancs. Etant certainement inconsciente de l’apartheid qui s’e?tait installe?, elle e?tait entre?e dans la file qui avait moins de monde. Elle en fut chasse?e par un Blanc en ces termes : « Que vient faire ici cette Ne?gresse ? ». Elle sortit du magasin en pleurs, traversa la Place Prote?t et s’en alla au Tribunal, actuel Ministe?re des Affaires e?trange?res, expliquer son aventure a? son fils qui e?tait Procureur de la Re?publique. M. Isaac Forster prit sa maman par le bras et revint au magasin, pour dire au directeur blanc qui avait malmene? sa me?re : « Monsieur, je suis Isaac Forster, Procureur de la Re?publique. Je vous apprends que cette Ne?gresse que vous avez chasse?e est ma me?re ! ». Le colonialiste se confondit en excuses et servit avec ze?le la me?re de Forster.

Ces rapports disparurent assez rapidement au Se?ne?gal et il n’en restait presque plus de trace en 1945.

Apre?s 1945, c’est ma ge?ne?ration qui entreprit de livrer des combats dans les rues de Dakar contre les Blancs racistes qui tentaient de revenir en force, mais ces rapports subsistaient dans les autres colonies, notamment au Mali et en Co?te d’Ivoire.

On se souvient des aventures de Majhmoud DIOP4, pharmacien se?ne?galais venu au Mali apre?s l’inde?pendance pour s’y installer. Entrant dans un magasin, on lui demanda de sortir en attendant que le Blanc qui e?tait a? l’inte?rieur eu?t termine? ses emplettes. Le Commandant de cercle, blanc, informe? de l’incident re?agit aussito?t : si c’est un Se?ne?galais, laissez-le. Je ne veux pas d’histoire. En effet, lorsqu’un Se?ne?galais s’e?tait battu contre un Blanc, le de?pute? du Se?ne?gal au Palais Bourbon sito?t informe?, interpellait le Ministre de la France d’Outre-Mer qui demandait aussito?t que des sanctions fussent prises contre les de?linquants blancs qui e?taient a? l’origine des incidents.
Blaise Diagne, au moment ou? il menait ce combat, e?tait pratiquement seul. Le Se?ne?gal ne comptait pas un seul bachelier.

On se souvient de ses interventions au Palais Bourbon, car il fut un grand orateur. Fier de sa race, il n’he?sitait jamais a? manifester son appartenance.

On raconte qu’un jour, de?barquant au Port de Dakar, car il n’y avait pas d’avion a? l’e?poque, il fut rec?u par le Gouverneur Ge?ne?ral Ernest ROUME, un homme corpulent qui trainait difficilement sa grande masse de chair. A l’e?poque, le Gouvernement ge?ne?ral sie?geait a? la Polyclinique face a? la Poste de Me?dina. Blaise Diagne refusa le carrosse que lui proposait le Gouverneur pour monter a? co?te? de lui et dit : « Je pre?fe?re marcher » et ils marche?rent co?te a? co?te suivi de la foule. On s’aperc?ut qu’il l’avait fait expre?s. La route n’e?tait pas goudronne?e, la foule e?tait e?paisse et la poussie?re se re?pandit partout. Il dit en Ouolof a? ses compagnons : « Ga yi, na poussiye?re bi jo?g, poussiye?re du rey negar ».

Il est vrai qu’il fit campagne pour l’engagement des Se?ne?galais dans la guerre 14-18 : « Si vous voulez avoir les me?mes droits, accomplissez les me?mes devoirs », avait-il l’habitude de dire.
En fait, la citoyennete? franc?aise fut accorde?e fin 19e?me sie?cle aux citoyens de 4 communes de plein exercice, Dakar, Saint-Louis, Rufisque et Gore?e. A ceux qui refusaient ou he?sitaient a? s’engager dans l’enro?lement des Se?ne?galais pour la guerre 14-18, Blaise Diagne disait : « Engagez-vous dans la guerre. Apre?s, vous pourrez devenir gendarmes et fonctionnaires

Etudiants a? Paris, Majhemout et moi cre?a?mes l’Association des Etudiants nationalistes, en 1951, ouvertement d’obe?dience Nkrumahiste mais elle fut e?phe?me?re du fait d’une re?ticence ge?ne?rale des e?tudiants dont les non communistes craignaient des poursuites du pouvoir colonial en application de l’article 80 du Code pe?nal re?primant des travaux force?s toute tentative de se?cession, par faits ou propos. 

En 1957, Cheikh Anta Diop, Majhemout, Amadou Aly Dieng et moi ti?nmes une re?union dans une chambre de la Cite? universitaire du Boulevard Jourdan a? Paris en vue de la cre?ation d’un parti au Se?ne?gal. Celui-ci prendrait le nom de Parti Africain de l’Inde?pendance, PAI. Celui d’entre nous qui rentrerait le premier le cre?erait et les autres, de?s leur arrive?e au Se?ne?gal inte?grerait ses rangs. 
Majhemout rentre? dans les mois qui suivirent tint une confe?rence de presse et annonc?a la cre?ation du PAI, marxiste-le?niniste. Il nous fit parvenir sa de?claration que je rec?us quelques jours apre?s a? 08 heures du matin. A 11 heures je postai ma re?ponse qui se re?sume : ce n’est pas ce qui e?tait convenu. Je rejette le marxisme le?ninisme et reste Nkrumahiste. Je ne suis pas de ton parti. 

Expression ouolof qui se traduit : Braves gens, que la poussie?re s’e?le?ve ! La poussie?re ne tue pas le ne?gre. «franc?ais ». Ce corps d’e?lite e?tait en fait compose? uniquement de Franc?ais. Depuis ce moment, (1915) les natifs des Quatre Communes et leurs descendants furent tenus de l’obligation militaire a? vingt-et-un ans, comme les Franc?ais.

Ajoutons le combat de Blaise pour l’augmentation du prix de l’arachide, premie?re production du Se?ne?gal, matie?re premie?re envoye?e obligatoirement a? Marseille et a? Bordeaux, en application du Pacte Colonial6, en vue de la fabrication de l’huile qui porte son nom.

Tel est le combat de Blaise Diagne qui, entre autres, a aide? le Dr Du Bois et le Dr. Kwame Nkrumah pour organiser, a? Paris, en 1919 le troisie?me Congre?s Panafricain de Paris dont il fut e?lu Pre?sident.

Pour donc e?tre juste, il faut reconnai?tre que Blaise Diagne fut un grand Africain, un grand de?fenseur de la race noire mais, malheureusement, a? son e?poque il e?tait seul. Il est vrai qu’il y a eu avant lui des de?pute?s noirs franc?ais des Iles mais leurs pre?occupations majeures e?taient ailleurs. Il fut accuse? par les Communistes de la Gauche de s’e?tre infe?ode? aux Franc?ais, mais cette accusation trop se?ve?re n’e?tait pas juste.

Mon pe?re et beaucoup d’anciens combattants furent des Diagnistes contre Galandou Diouf8.
Voila? les raisons pour lesquelles, voulant rendre hommage a? ce he?ros, malheureusement me?connu, j’ai donne? au plus grand Ae?roport moderne du Se?ne?gal le nom de Blaise Diagne.
Comment pourrait-on comprendre qu’aujourd’hui, je de?baptise cet Ae?roport pour en prendre le nom alors que Blaise reste mon mode?le ?

J’estime que nous devons faire connai?tre aux jeunes nos grands hommes qui, apre?s que les colonialistes eurent tue? ou exile? tous nos rois (Samory, El Hadj Omar Tall, Lat-Dior Diop, Samba Laobe? Fall, etc …), ont poursuivi le combat a? leur manie?re.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que cet Ae?roport ne soit jamais de?baptise? car je ne vois pas qui, plus que Blaise Diagne, me?rite de porter son nom.

Mai?tre Abdoulaye Wade

6 Doctrine de?finissant le ro?le e?conomique des colonies : sources de matie?res premie?res pour les industries de la Me?tropole, de?bouche?s des produits franc?ais, excluant toute concurrence d’un co?te? comme de l’autre. 

7 Voir la liste des congre?s panafricains qui ont jalonne? le panafricanisme depuis 1900 in Un destin pour l’Afrique, Ed. Michel Lafon

8 De?pute? du Se?ne?gal successeur de Blaise Diagne

1 COMMENTAIRE

  1. Merci cher Président pour ces éclaircissements. En effet, tout jeune que je suis, je ne pouvais deviner la précision de ces faits d’armes au nom de la patrie que vous avez relatés ici. D’ailleurs, Allah accorde une place très importante au rappel. Merci pour tous vos combats et sacrifices qui ont permis de redonner au Noir sa Dignité et son Honneur.

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