Délibéré du Rabat D’arrêt du Parquet Général – La Cour Suprême rectifie la Chambre criminelle

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Le feuilleton Karim Wade qui défraie la chronique était encore hier, mardi 19 août, le principal point de cristallisation des délibérations de la Cour suprême. Et pour cause, la juridiction de cassation a suivi le parquet général dans la décision de rabat d’arrêt introduite pour rectifier les erreurs de la chambre criminelle qui avait déclaré recevable la requête des avocats de Karim Wade. En contrepartie de ce deuxième revers subi par les conseils de l’ancien ministre d’Etat, après que la Crei s’est déclarée avant-hier compétente pour juger le fils de l’ancien Président Wade, emprisonné depuis la mi-avril 2013, la juridiction chargée de réprimer l’enrichissement illicite a délivré à la défense du célèbre détenu, la possibilité de se pourvoir en cassation. Comme qui dirait que la bataille de procédure judiciaire est loin d’être terminée !

La requête introduite par le parquet général de la Cour suprême vient de connaitre son verdict. En effet, ladite juridiction statuant en chambres réunies a débouté les avocats de Karim en revenant sur la décision rendue par la chambre criminelle. S’appuyant sur l’article 51 de la loi organique sur la Cour suprême, « la requête en rabat d’arrêt ne peut être accueillie que si l’arrêt attaquée est entachée d’une erreur de procédure, non imputable à la partie intéressée et qui a affecté la solution donnée à l’affaire par la Cour suprême», la Cour suprême a cassé la décision prise par la chambre criminelle qui était saisie du pourvoi en cassation consécutif à l’ordonnance de la commission d’instruction du 17avril 2013. Selon les magistrats de la juridiction suprême, les avocats de la défense n’ont pas respecté l’obligation qui leur était assujettie en matière pénale de « former leur pourvoi au niveau du greffe de la juridiction dont la décision est attaquée ».De plus, ils leur ont reproché l’absence de dépôt de la décision attaquée (l’ordonnance de la commission d’instruction).

Pour rappel, les avocats de l’ancien ministre d’Etat Karim Wade avaient introduit un recours contre l’ordonnance de la commission d’instruction devant la chambre criminelle de la Cour suprême. A la suite, celle-ci a déclaré la requête recevable. Une information a fait état d’une décision de la hiérarchie judiciaire d’imposer un rabat d’arrêt par la voie du parquet général de la Cour suprême. Malgré les mises au point du ministère de la Justice à l’effet de se mettre à l’écart de ce rabat d’arrêt, le procureur général tient le bout en saisissant la Cour suprême qui a finalement statué en chambres réunies.

Après la déception, la défense relance un pourvoi

Les avocats de Karim Wade qui ont assisté au délibéré rendu par la Cour suprêm se sont retrouvés pour mettre à nu les raisons avancées par la haute juridiction pour accepter le rabat d’arrêt introduit par le parquet général. Déterminés à aller jusqu’au bout, ils ont annoncé l’acceptation par la Crei d’un pourvoi en cassation contre la décision d’incompétence rendue le 18 août dernier. Les avocats de Karim n’ont pas de fait manqué de démonter l’argumentaire de la Cour suprême.

En effet, déterminés à balayer l’argument de l’absence de recours enregistré au niveau du greffe, la défense a fait étalage de toutes les démarches empruntées pour enregistrer son pourvoi. « Les avocats de la défense s’étaient présentés au greffe de la juridiction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite en vue de la transcription du pourvoi dans les registres du greffe contre une décision de la commission d’instruction », estiment-ils. Mais le greffier a manifestement refusé d’enregistrer au motif que « les décisions de la commission d’instruction ne sont susceptibles d’aucun recours ».

D’ailleurs, Ciré Clédor Ly n’arrive pas à comprendre une telle contradiction : « L’administration a empêché l’exercice d’un droit en refusant d’enregistrer la déclaration de pourvoi ». S’insurgeant contre une telle décision, Demba Ciré Bathily a déclaré : « Aujourd’hui, la cour suprême implicitement remet en cause notre décision manifeste d’exercer un pourvoi ». Revenant sur l’absence de dépôt de la décision attaquée, la défense s’explique par le fait que la commission d’instruction a refusé de remettre la décision attaquée. Avec le rejet du pourvoi, selon la défense, les justiciables ne sont pas à l’abri. Car, désormais, le refus de la part d’un greffier de transcrire un pourvoi en cassation peut permettre à la Cour suprême de déclarer irrecevable une requête introduite devant elle. Et d’ajouter : « elle continuera à dire que la manifestation de la volonté ne suffit pas, au contraire il faut un recours dûment enregistré ».

La Crei « permet » à la défense de se pourvoir en cassation

Après avoir rendu son délibéré sur l’exception d’incompétence dans son arrêt du 18 août, la Crei a accepté le pourvoi en cassation formulé par les avocats de la défense. Ainsi, les conseils de l’ancien ministre d’Etat vont revenir à la Cour suprême par une autre porte « aménagée » par la juridiction chargée de connaitre du délit d’enrichissement illicite. « L’arrêt a été frappé d’un pourvoi en cassation. Suite à la décision de compétence, la Crei a accepté la déclaration de pourvoi. Nous retournerons à la Cour suprême pour leur donner la décision attaquée et espérer avoir le droit »

FOCUS – LE POURVOI EN CASSATION D’UN PREVENU OU D’UN CONDAMNE

La loi sur la Crei dispose en son article 17 que « les arrêts de la cour sont susceptibles d’un pourvoi en cassation du condamné ou du ministère public dans les conditions prévues par l’ordonnance du 3 septembre portant loi organique sur la Cour suprême (aujourd’hui régie par la loi organique 2008 -35 du 7 aout 2008). A ce stade où les débats de fond n’ont pas encore commencé, et où le poursuivi n’a pas encore fait l’objet de condamnation, la cour est-elle en droit de faire bénéficier une telle faveur au poursuivi qui, jusque-là, n’est que prévenu et non condamné ?

Au fait, l’ancien ministre peut-il rentrer dans cette disposition pour permettre à ses avocats de formuler un pourvoi en cassation devant la Cour suprême? L’invocation d’une telle disposition ne serait-elle pas prématurée de la part des avocats de la défense ? Où au contraire, la Cour s’est-elle lancée dans une interprétation de la disposition au point de faciliter le bénéfice aux avocats de l’ancien ministre d’Etat ? En tout cas, tout porte à le croire, en ce sens que la décision rendue par la Crei concerne non pas une décision de condamnation mais une déclaration de compétence à juger Karim et co-prévenus. D’où la justesse de l’interrogation selon laquelle le prévenu peut-il, en l’état de la procédure, se pourvoir en cassation contre une décision d’incompétence.

Par Sudonline.sn

4 Commentaires

  1. La CREI n’existe pas. Voici l’exposé étayé des explications de Me Doudou Ndoye.

    La CREI a été instituée par la loi 81-54 (1981), Me Ndoye dit avoir soumis à l’assemblée la 84-19 (1984) qui la supprime. La 84-19 est postérieure à la 81-54 qu’elle abroge. Dire que la CREI est une juridiction du Sénégal (dormante), que le président peut ressusciter à volonté, ne peut se faire qu’en prouvant l’inexistence de la loi 84-19. La loi 81-54 existe bien, mais seulement dans les musées judiciaires. elle a été abrogée.
    Voici la consistances des explications de Me Doudou Ndoye: C’est lui même, en tant que ministre de la justice, avec ses directeurs, qui a pris la décision de soumettre à l’assemblée la loi 84-19 pour vote. Cette loi supprime la CREI, créée par la loi 81-54, non pas en inscrivant la phrase « la CREI est supprimée », mais en listant toutes les juridictions du Sénégal sans elle (la CREI). Et la loi a été votée. A partir de cet instant, la CREI a cessé d’exister.

    Lorsque cela a été souligné lors du premier jour de procès de Karim, c’est le substitut du procureur qui a affirmé que Me Ndoye, en tant que ministre, ne pouvait que faire un décret et que par conséquent il ne peut supprimer une loi. Cette réponse est hors sujet. Elle ne répond pas à ce que dit Me Ndoye. C’est juste un bluff assuré du soutien d’une certaine presse. Jamais Me Ndoye n’a dit qu’il a créé une loi, mais qu’il a soumis une loi à l’assemblée. En fait Antoine Diome fait juste un rappel de cours d’Instruction Civique. Ce que même un élève de CI sait. Les textes De Latif et autres sur ce sujet n’ont aucune importance, puisque la surprise serait de voir Latif défendre que la CREI n’existe pas.

    Mais, il y a plus. Il y a une façon de comprendre que même Macky Sall, Abdoul Mbaye et Mimi Touré, savent que la CREI n’existe pas. Et comment ? Pour mettre en place les Chambres Africaines de justice (CAJ), Macky Sall avait envoyé Mimi Touré, ministre de la justice, à l’assemblée nationale. C’était pourquoi ? C’était pour demander à l’assemblée le vote d’une modification de la loi 84-19, cette loi qui liste toutes les juridictions du Sénégal sans la CREI, pour y introduire les CAJ. Mais ce qui est important, c’est l’exposé des motifs du gouvernement pour demander à l’assemblée de voter. Le texte (des motifs) dit que le pouvoir exécutif demande à l’assemblée de faire figurer les CAJ sur la liste des juridictions du Sénégal (en modifiant la loi 84-19) pour que les CAJ puissent exister. Cela veut dire que Macky, Abdoul et Mimi savent que ne peut exister au Sénégal qu’une juridiction listée dans la loi 84-19, d’où la nécessité d’introduire les CAJ dans la liste. Or la CREI n’est pas listée. Elle a cessé d’exister en 1984 lorsqu’elle a été extirpée de la liste.

    Je termine par mettre tous les liens de ces textes.

    1/ La loi qui crée la CREI:

    http://ww.coursupreme.sn/images/vrac/crei/81-54.pdf

    2/ La loi qui supprime la CREI:

    http://ww.coursupreme.sn/images/vrac/8419.pdf

    3/ La loi qui supprime la CREI, mais qui est modifiée pour permettre l’existence des CAJ, et l’exposé des motifs du gouvernement Abdoul Mbaye, signé par Macky Sall.:

    http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article9610

    4/ Et enfin un petit cours de licence de droit à l’Université de Dakar qui rappelle aux étudiants que seules les Juridictions listées par la loi 84-19 ont le droit de prononcer une condamnation au Sénégal (Page 8, dernière phrase):

    http://sen-exercice.com/doc/cours/cours_1372183156.pdf

    • Xeme, la légèreté de ton analyse est plus que perceptible.
      En effet, selon ton raisonnement, même la Haute Cour de Justice n’existerait pas parce que non citée par la 84-19. Et pourtant, la défense de Karim déclare urbi et orbi qu’elle est la seule compétente pour le juger.
      Pour rappel, la Cour de Sûreté de l’Etat non citée par cette loi 84-19 du 02 Février 1984 avait jugé et condamné un certain Abdoulaye Wade après les élections de 1988 et donc postérieurement à l’entrée en vigueur de la 84-19.
      Respect !!!

  2. Affaire Karim Wade : Papa Omar Sakho pourra-t-il renier ce qu’il avait brillamment « prophétisé » ?
    Rédigé le Mercredi 20 Août 2014 à 15:27 | | 0 commentaire(s)
    Le 06 février 2014, la chambre criminelle de la cour suprême avait « déclaré recevable le recours formé par Monsieur Karim Meissa Wade contre la décision rendue le 17 avril 2013 par la Commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite » en application d’une règle de droit qui a été brillamment exposée par l’honorable Papa Omar Sakho.

    Affaire Karim Wade : Papa Omar Sakho pourra-t-il renier ce qu’il avait brillamment « prophétisé » ?
    En effet, M. Sakho nous rappelait en 2009, dans un article titré, « quelle justice pour la démocratie en Afrique », que « dans les sociétés africaines, quotidiennement, les juges rencontrent, à l’occasion du règlement des litiges, des questions touchant aux droits de l’homme. Le cas échéant, ils font application du droit interne en faisant référence au droit international, d’où résultent des convergences et des compatibilités dans le processus décisionnel ».
    Et M. Sakho de poursuivre, « c’est ainsi que, au temps de l’apartheid, les tribunaux sud-africains ont réussi à modérer les effets des lois incompatibles avec les normes constitutionnelles démocratiques, les traités et les conventions internationales. En s’inspirant des affaires similaires traitées dans d’autres pays, ils ont pu restreindre, avec bonheur, les effets pernicieux de l’application de certaines règles nationales ».

    Le brillant et honorable magistrat sénégalais, soucieux d’une application correcte des règles de droit, donne l’exemple de la cour suprême du Ghana qui a eu honoré la justice africaine. Et il nous disait que c’était « ainsi dans l’affaire Twum contre AG, la Cour suprême du Ghana a fait appel à divers principes développés et adaptés par des juridictions étrangères, pour éviter de donner l’impression d’une manipulation de la Constitution dans le but d’assouvir des passions politiques ou servir des intérêts égoïstes ».

    Et le juge Sakho, en très bon magistrat, de prophétiser : « À coup sûr, cette tendance ira partout en s’intensifiant si les magistrats et les avocats africains inscrivent leur action dans la perspective que détermine nécessairement la mondialisation du droit : la formation qui permet aussi bien un meilleur accès au droit en général, et particulièrement à la connaissance du droit comparé et des normes internationales, qu’un meilleur accès à la justice ».

    Le juge Sakho ne savait pas si bien dire. Le 06 février 2014, donc, les magistrats de la chambre criminelle n’avaient fait rien d’autre que suivre ce pertinent raisonnement du président de la cour suprême. Ils avaient clairement affirmé que le législateur (la loi sur la Crei) ne pouvait nullement priver à Monsieur Karim Wade son droit au recours, garanti « par la constitution, les traités et conventions internationaux et les principes généraux du droit ».
    On connait la suite, le lendemain, Madiambal Diagne intimait l’ordre au gouvernement de faire attaquer cet arrêt courageux de la chambre criminelle de la cour suprême. À mon tour, j’ai avais écrit et démontré que Madiambal était l’ennemi public N°1 du Président Sall. Et le surlendemain, le ministre de la Justice avait publié un communiqué indiquant qu’il n’avait nullement l’intention d’attaquer cet arrêt. On croyait l’affaire close.

    Mais curieusement, le Procureur général finira par attaquer cet arrêt. Et à la surprise générale, le juge Sakho qui reconnaissait que même du temps de l’apartheid les juges parvenaient à « modérer les effets des lois incompatibles avec les normes constitutionnelles démocratiques, les traités et les conventions internationales », prive à un citoyen sénégalais l’exercice d’un droit élémentaire en démocratie : le droit au recours.

    Si le greffier de la CREI évoque une disposition, d’une loi, contraire aux conventions internationales et aux principes généraux de droit, pourquoi le juge Sakho n’a pas appliqué la règle de droit qu’il avait lui-même clairement bien énoncée ?

    Moise Rampino parlait d’anti-balaka du droit, j’ose croire qu’il n’a pas raison et que nous ne sommes pas entrain d’assister à un assassinat droit.

    Sadikh DIOP
    Citoyen sénégalais !

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