Députés sénégalais de la diaspora – Le Sénégal passerait-il outre un règlement du gouvernement canadien qui interdit d’inclure le Canada dans une circonscription électorale extraterritoriale?

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L’Assemblée nationale sénégalaise a voté récemment une loi permettant l’élection de 15 parlementaires pour la diaspora, portant à 165 le nombre total de députés élus et entraînant la création de huit (8) nouveaux départements électoraux à l’étranger. On ne parle pas donc ici d’une assemblée constituante, mais bel et bien d’une assemblée législative, avec des élus sénégalais dans des circonscriptions électorales extraterritoriales.  Au-delà de tous les arguments avancés, pour ou contre la mesure, il faudrait aussi se poser les questions sur la faisabilité, dans certains pays, notamment au Canada.

D’abord qu’est-ce une circonscription électorale extraterritoriale? Selon la définition du ministère des affaires étrangères du Canada il s’agit d’un district ou d’un comté électoral délimité par un État étranger, qui englobe tout ou une partie du territoire canadien. Cela permettrait à un candidat élu, qui sera donc un député étranger, de représenter, dans une assemblée législative étrangère, des ressortissants qui vivent ou résident au Canada.

Le Canada accepte-t-il les demandes des pays qui souhaitent l’inclure dans des circonscriptions électorales et plus encore, autorise-t-il les ressortissants étrangers à voter dans de telles circonscriptions?

Le 12 février 2008, le Canada a mis en œuvre une politique visant à refuser toutes les demandes des États étrangers de l’inclure dans leurs circonscriptions électorales extraterritoriales respectives. Une circulaire ministérielle a été émise en 2011 et envoyée à toutes les ambassades pour réaffirmer clairement le refus de toute circonscription électorale étrangère englobant le pays. Le Canada n’autorise pas les ressortissants étrangers à voter dans de telles élections, ni  les gouvernements étrangers à tenir des campagnes électorales sur son territoire ou même d’y créer des partis ou des mouvements politiques. On s’entend alors que toute cette agitation politique, en tout cas au Canada, se fait au mépris des règles d’un pays souverain qui, grande ironie, a défrayé, il y a de cela bien peu de temps, certaines sommes pour le renforcement de la bonne gouvernance. Il n’est pas sûr qu’augmenter le nombre de députés à l’assemblée nationale, avec les charges supplémentaires que cela induit pour l’État sénégalais soit un acte de bonne gouvernance. Et j’attends encore qu’on m’explique ce que ferait un député de la diaspora, à part satisfaire quelques ambitieux politiques, que ne pourrait faire le corps diplomatique et consulaire pour les Sénégalais de l’extérieur. Ceux qui veulent siéger à l’assemblée nationale et se faire donner du ‘’Honorable’’ député(e) pourraient aller se présenter au Sénégal, dans des circonscriptions nationales et s’impliquer pour avoir un impact réel sur la vie de ceux qu’ils représentent. Disons-nous la vérité, un Sénégalais vivant ailleurs qu’au Sénégal est régi par les lois et règlements du pays hôte. Un député étranger élu n’y changerait rien, et ne ferait finalement qu’office de doublon pour les diplomates en service. Et pour les doublons, cela ne finit plus depuis quelques années; des ambassadeurs, doublés par des ministres conseillers et maintenant des députés de la diaspora alors qu’un Haut Conseil des Sénégalais de l’extérieur a été mis en place, en grande pompe, en 2013 en France.

La France, ce modèle, encore et toujours! Un modèle encore invoqué pour justifier l’élection de députés de la diaspora.  La France, qui a aussi essuyé en 2012 le refus du Canada de se faire englober dans une circonscription électorale extraterritoriale dénommée Amérique du nord. Certains me diront que la France serait passée outre et a quand même organisé ses élections mais, à la lecture des faits, on se rend compte qu’elle aurait apparemment procédé à ce que l’on appelle un vote des absents ou par correspondance, ce qui est permis au Canada, qui autorise les citoyens résidant en permanence ou temporairement à l’extérieur de leur pays d’origine de participer à des élections ou à des référendums nationaux, comme nous avons eu à le faire pour le fameux référendum de 2016. Il n’a pas été question de circonscriptions extraterritoriales incluant le Canada, ce que ce dernier a formellement refusé. Notons aussi que l’Assemblée des Français de l’étranger, une assemblée dont les membres sont élus par des ressortissants français de l’étranger, serait une assemblée à l’extérieur de l’Assemblée nationale et du Parlement français, qui porte conseil au ministre des Affaires étrangères. Elle élit des sénateurs, mais pas sur une base régionale et ces 12 sénateurs qui représentent les Français de l’étranger ne représentent pas les citoyens français d’un pays particulier ou d’une région particulière. Alors repensons encore l’exercice comparatif et à force d’y penser on finira peut-être par voir l’absurdité de la chose et, pourquoi pas, renoncer à créer d’autres doublons inutilement coûteux.

En Comité permanent des affaires étrangères et du développement international du 6 octobre 2011, Mme Roxanne Dubé, directrice générale de la stratégie et des services géographiques au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international expliquait que cette politique canadienne était fondée sur des principes et appliquée de façon uniforme depuis sa création en 2008. Qu’elle visait à soutenir la souveraineté du Canada et à réduire l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures canadiennes. Dans son exposé devant les membres de ce comité permanent, Mme Dubé expliquait que « personne ne devrait représenter le Canada en tant que circonscription, dans une assemblée étrangère élue. Le fait qu’un pays inclut unilatéralement le Canada dans l’ensemble de ses circonscriptions électorales pourrait mener à l’élection de candidats qui seraient perçus comme représentant les concitoyens canadiens au sein d’une assemblée étrangère élue. Cette façon de faire pourrait aussi entraîner, dans certains cas, l’importation de conflits politiques étrangers au Canada. Les campagnes électorales étrangères au Canada sont susceptibles d’être axées sur des questions politiques canadiennes ou des différends bilatéraux, et de nuire à l’inclusivité, à l’identité et à la cohésion sociale. »

Et on peut le comprendre, non? Pour des postes de responsabilités au sein d’une structure les gens ont déjà fait la preuve, jusqu’à récemment, qu’ils sont capables de s’entredéchirer imaginez un peu le spectacle quand il s’agira du poste d’éminent député de la diaspora! Je vois déjà d’ici les égos se tendre et se dilater…

Nos aspirants députés devraient aussi penser à leur statut dans leur pays de résidence; comme représentant d’un État étranger, cela entraîne-t-il une perte de statut?

Les citoyens canadiens et les résidents permanents, tels qu’ils sont définis par la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ne sont pas admissibles à l’accréditation diplomatique, consulaire ou officielle et ils devront renoncer à leur statut au Canada s’ils aspirent à de telles positions. Il peut sembler logique de croire qu’il en serait de même pour un député élu d’un pays étranger, sinon que ferait-on de l’immunité parlementaire?

Mais, à moins d’être carrément nombrilistes, nos chers politiciens sénégalais ont certainement dû penser à tout cela. Il ne s’agit pas toujours de ce que l’on veut, mais il faudrait composer avec les lois et règlements des pays hôtes et, en ce qui concerne le Canada, nous allons certainement vers une opposition à un vote dans une circonscription électorale qui inclurait le Canada, surtout si l’opposition sénégalaise, fortement représentée ici s’y oppose. Il s’agira d’une question de cohérence et d’uniformité dans l’application de la note circulaire émise en 2011. Aucune dérogation ne pourrait s’expliquer même si le vote était organisé à l’intérieur de l’ambassade ou des locaux consulaires. Mais, comme nous aimons faire comme la France, peut-être pensons-nous pouvoir passer outre, et que le Canada, complaisant, fermerait les yeux. L’avenir nous édifiera!

Chronique De La Cité – Khady Sow

Références:

Élections étrangères au Canada et circonscriptions électorales étrangères

http://www.international.gc.ca/protocol-protocole/policies-politiques/circular-note_note-circulaire_xdc-1264.aspx?lang=fra

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international du 6 octobre 2011

http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Language=f&Mode=1&Parl=41&Ses=1&DocId=5164225

6 Commentaires

  1. ôtes-toi de là avec tes analyses à deux balles. Si nous suivons ta logique, cela signifierait qu’aucune élection dans laquelle les Sénégalais du Canada sont partie, ne puisse se tenir dans ce pays. Diantre! un peu plus de rigueur dans vos prises de position même si l’on sait que vous êtes dans votre logique d’opposante.
    Un lecteur très au fait de la législation canadienne

  2. Cette dame, comment peut-elle affirmer que l’Etat du Sénégal ne peut organiser un vote dans l’enceinte de l’ambassade du Sénégal au Canada? Oublie-t-elle que l’ambassade du Sénégal au Canada et les autres ambassades dans les autres pays sont des démembrements du territoire sénégalais? A mourir de rire…..

  3. On a toujours le choix de choisir et c’est ce que vous dites. Tout choix est un sacrifice. Une logique
    cartésienne. Le Sénégal est libre de déterminer sa propre politique nationale par rapport à ses réalités propres et inhérentes: un peuple dispersé aux quatre coins dans le monde, donc nécessité de mesures adaptées et conformes à une telle réalité

  4. À Souare et DDR, Khady ne parle pas de vote de sénégalais du Canada lors d’une élection ou référendum au Senegal. Elle parle de prendre le Canada comme une circonscription électorale de Sénégal poie des electikns legislatives et par conséquent de faire élire des députés canadiens à l’assemblée nationale du Senegal. C’est une grosse nuance qu’il faut comprendre. Salut

  5. N’importe Quoi. Être au Canada ne nous prive pas de nos droits constitutional de vote et de notre droit à être représentants. Ki geumoule reweum toubab Djalaxan bou bonne lamaye nirole. Le président macky a gagné le référendum et donc la constitution doit être au dessus de la loi des canadiens. Ici en France et dans les autres pays on a pas ce problème donc Canada mo wara kholatte boopame.

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