Dr Abdoulaye Bousso sur le virus Zika – « Cette maladie a existé au Sénégal »

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La menace du virus Zika se précise pour le continent africain. D’ailleurs, sa vitesse de propagation affole l’Organisation mondiale de la Santé qui le considère comme une urgence de santé publique. Mais pour Docteur Abdoulaye Bousso, il n’y a aucune crainte pour le Sénégal, malgré l’existence du moustique dans le pays et celle de la maladie par le passé. Pour mieux se prémunir, il souligne qu’il faut lutter contre le vecteur, en tuant le moustique.

L’OMS a déclaré que le virus Zika constitue une urgence de santé publique de portée internationale. Quels sont les risques pour le Sénégal ?

C’est vrai que l’OMS se pose des questions sur cette maladie Zika. Nous avons des cas au Brésil, surtout avec d’autres cas en Europe, notamment le Danemark, l’Italie, l’Indonésie. Mais il faut savoir que c’est une maladie qui n’est pas très grave en termes de mortalité. Elle n’entraîne pas une grosse mortalité. Elle se transmet par un moustique Aedes qu’on voit presque un peut partout. Pour le Sénégal, c’est juste de l’alerte et de la vigilance. Nous avons déjà un système de surveillance au Sénégal qui permet de pouvoir détecter ces genres de maladies.

C’est-à-dire toutefois que nous avons des cas de personnes qui ont ces symptômes, dans le cas des arboviroses. Parce que le Zika, c’est une arbovirose. C’est un peu la même famille que le chikungunya. Donc, le système de surveillance nous permet de faire le prélèvement sur toutes les personnes suspectes et de les analyser au niveau de nos laboratoires de référence. Ce qui nous permet, si toutefois on a un cas, de toute suite faire les investigations nécessaires et d’apporter la réponse.

Par rapport à ce qui se passe, nous avons commencé à éditer un site web d’informations à l’ensemble du personnel de santé, au niveau des régions médicales, des directions, des directeurs d’hôpitaux, au niveau central, pour informer sur la maladie. L’étape suivante, c’est surtout dans le cadre de l’information du grand public et de certains voyageurs. Il faut leur faire comprendre qu’il y a une maladie et que s’ils vont dans ces pays, il faudra prêter attention. S’ils développent tel ou tel symptôme, de se rapprocher des structures de santé. Aujourd’hui, le point important dont on parle, ce sont les femmes enceintes. Ce n’est pas encore vraiment prouvé, mais il y a de fortes suspicions que cette maladie puisse entraîner des malformations pour les fœtus, une lésion active de microcéphalie, c’est-à-dire des enfants qui naissent avec de petites têtes.

S’agissant de ces voyages, est-ce que des dispositions sont prises dans les aéroports pour éviter l’importation de cas ?

Vous savez, on ne peut pas empêcher l’importation de cas. Parce que ce sont des affections qui, pour la plupart des cas, sont asymptomatiques. Certaines personnes peuvent développer la maladie. Les signes ne sont pas très francs. Aujourd’hui, personne, aucun pays ne peut dire qu’il peut contrôler les cas importés. A moins de dire : je ferme mes frontières, je ne reçois personne. Donc, on ne peut pas dire qu’au niveau de l’aéroport, nous sommes en mesure d’empêcher la maladie d’entrer. Ce n’est pas possible. La seule chose est de donner l’information aux populations qui vont dans une zone où le virus existe déjà. C’est très important. Il faut retenir que ce n’est pas une maladie grave, en termes de symptomatologie et en termes de létalité.

Ne pensez-vous pas qu’il y a besoin de restreindre les voyages ?

Non. On ne peut pas restreindre les voyages. Ce n’est pas la solution. Le mieux, c’est de donner des conseils aux voyageurs. Maintenant, la restriction entre guillemets qu’on peut donner, c’est pour les femmes enceintes et celles qui sont en âge de procréation. Il y a un gros point d’interrogation sur le risque de complication fœtale. On déconseille vraiment à ce groupe d’aller dans les pays comme le Brésil qui est l’épicentre de l’épidémie.

Est-ce que le moustique qui transmet ce virus est comparable aux moustiques qui sont dans notre pays, étant donné que le Sénégal est un pays palustre, même si le taux a énormément baissé ?

C’est la même chose. Cette maladie a existé au Sénégal. Nous avons eu des cas de scientifiques américains qui ont eu cette maladie au Sénégal. C’est quand ils sont rentrés au États-Unis qu’on a diagnostiqué le virus. Le moustique qui transmet la maladie existe au Sénégal. C’est le moustique Aedes. Cela mène aux stratégies qu’on devrait mettre en place et que nous sommes en train de développer. Parce que nous avons déjà commencé une stratégie similaire quand nous avons eu quelques cas de chikungunya au niveau de la zone de Kédougou.

C’est de faire la lutte anti-vectorielle. C’est-à-dire lutter contre le vecteur qui est aujourd’hui le moustique. Il faut essayer de détruire ce moustique, pour réduire le risque de contamination. Le moustique est retrouvé en ville et dans la forêt. L’élimination des moustiques qui sont au niveau des forêts est très difficile voire impossible. On ne peut pas aller tuer tous les moustiques de la forêt. Mais, c’est de faire des séances d’épandage d’insecticide. Nous avons eu à faire ces séances au niveau de la région de Kédougou où le risque est quand même un peu plus important dans cette région et nous avons prévu, avec le service d’hygiène, d’y retourner pour encore faire des séances. Donc, il faut lutter contre le vecteur. Ce qui est clair, c’est qu’au moment où je parle, on n’a pas diagnostiqué de cas au Sénégal. On n’a pas de cas autochtone ni importé, pour le moment.

Au niveau du Centre des opérations et d’urgence sanitaire (COUS), qu’est-ce qui est planifié ?

Nous nous occupons de toutes ces maladies émergentes et réémergentes. Notre stratégie est de regrouper l’ensemble des acteurs (l’institut Pasteur, la direction de la prévention, le ministère de l’Elevage à travers ses équipes d’entomologistes) qui viennent avec nous. La première étape, c’est la communication. Nous avons fait le diagnostic, discuté entre nous, maîtrisé un peu la situation au niveau international. Nous allons bientôt faire des séances de communication sans alerter. C’est vrai qu’on en parle beaucoup, l’OMS également, mais la situation pour le Sénégal, il n’y a vraiment pas péril en la demeure. Mais il faut que les populations puissent connaître la maladie. Comment elle se transmet. Nous avons une population qui voyage beaucoup et il faut qu’elle sache qu’il y a des risques à aller dans certaines zones.

Avec la présence du moustique au Sénégal et l’absence du vaccin contre le Zika, y a-t-il des médicaments pour lutter contre ce virus ?

Non. Le traitement est symptomatique. On soigne les symptômes. C’est une maladie qui apparaît comme une grippe. C’est quelqu’un qui va avoir de la fièvre, des douleurs au niveau des articulations, qui peut avoir des conjonctivites. Mais il n’y a pas un vaccin ou un médicament qui va directement tuer ce virus. Le traitement est symptomatique et la plupart des cas se termine sans séquelle.

Si on arrive à avoir un cas importé, est-ce que le Sénégal peu le traiter ?

Bien sûr. La maladie la plus grave que je redoute, c’est Ebola. Et ça ne nous inquiète pas. Nous sommes des médecins. Nous pouvons faire face. Ces maladies ne posent pas de problème dans la prise en charge. Leur élimination aussi n’est pas trop difficile. Donc, ça ne nous cause aucun problème.

L’institut Pasteur collabore avec les institutions brésiliennes : est-ce que vous êtes impliqués ?

Nous communiquons beaucoup avec l’institut Pasteur. Mais nous ne travaillons pas dans la recherche avec l’institut.  Nous avons besoin de tout ce qui est élément scientifique, parce qu’ils ont de l’expérience sur la gestion du Zika. Ils ont un partenariat avec les Brésiliens, les Allemands, parce qu’ils ont de l’expérience en la matière. C’est de cette matière dont nous avons besoin.

La réaction de l’OMS n’est-elle pas un peu tardive, comparée à la situation Ebola ?

Non, la réaction n’est pas tardive. Je vois le contraire. Je pense qu’on est en train de faire beaucoup de bruit sur la question du Zika. C’est bien pour l’OMS d’alerter. Elle a appris une grande leçon de la gestion de la crise d’Ebola. Il faut prendre les devants, parce que c’est une affection qui commence à toucher des personnes. Même si elle n’est pas trop grave, ses  conséquences ultérieures peuvent être très graves. Si on dénote beaucoup de cas de malformation, céphalée, c’est un problème. L’OMS réagit bien et cela permet à tous les pays de prendre les dispositions pour éradiquer ce virus rapidement.

C’est ça le Zika

Détecté en mars 2015 au Brésil, le virus Zika prend une virée inattendue. Il se transmet par piqûre de moustique du genre Aedes aegypti ou Aedes albopictus communément appelé (moustique tigre). Le virus peut entraîner des complications neurologiques. Il est particulièrement dangereux pour les femmes enceintes, car il provoque des anomalies du développement cérébral chez le fœtus et les nouveau-nés.

Des travaux de recherches sont en cours pour mieux comprendre ses complications. C’est en piquant que le moustique tigre vous transmet le virus Zika. Mais il peut aussi s’auto-contaminer en prélevant le virus dans le sang d’une personne déjà infectée par un autre insecte. Il deviendra alors à son tour porteur du virus et pourra le transmettre. Pour rompre ce cercle vicieux, il faut éviter qu’une personne touchée par le virus se fasse piquer dans les 3 à 10 jours suivant la piqûre infectante, soit la phase de développement de l’infection dans l’organisme.

En revanche, le virus ne se transmet pas d’homme à homme. Le premier symptôme du virus Zika est une éruption cutanée (un bouton en forme de cloque) qui peut s’accompagner d’une fièvre. Peuvent suivre d’autres signes comme une sensation de fatigue, des douleurs musculaires et articulaires, des maux de tête, voire l’apparition d’une conjonctivite. Mais attention ! Ces symptômes ne sont pas automatiques. De plus, ils peuvent se confondre avec ceux d’autres maladies comme la dengue ou le chikungunya.

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