Dr Modou Dieng: «L’économie sénégalaise est à genoux, les signaux envoyés ne sont pas rassurants»

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XALIMANEWS- Professeur d’économie à l’Université Alioune Diop de Bambey (Uadb), le Dr Modou Dieng fait un diagnostic peu rassurant de l’économie sénégalaise, après trois mois de crise sanitaire. Pour l’enseignant-chercheur, le mal est sérieux et l’économie du pays à genoux
Etat de l’économie.
«
L’économie sénégalaise, à l’image de toutes les économies du monde dans ce contexte du Covid-19, se porte très très mal. Si on ne peut pas dire que notre économie est à terre, on peut affirmer, sans risque de se tromper, qu’elle est à genoux. La situation est d’autant plus préoccupante que pratiquement tous les secteurs sont impactés, même si l’impact est ressenti de façon différenciée selon les secteurs. La sévérité de la crise est accentuée par les chocs jumeaux de l’offre et la demande et par les externalités négatives (effets de contagion ou effets mousson), par exemple s’il y a restriction sur les transports, le secteur des hydrocarbures est sévèrement impacté. Les secteurs directement concernés par les mesures restrictives du confinement sont particulièrement l’hôtellerie et la restauration, le transport, le sport, l’industrie du spectacle et des loisirs. D’autres secteurs ont aussi ressenti les effets négatifs, comme celui des BTP (Bâtiments et travaux publics), qui a vu la demande publique fondre face cette crise. Le secteur primaire a subi des externalités négatives, au regard de la section des secteurs énoncés ci-dessus. Par exemple, les premiers clients du secteur de l’aviculture sont les hôtels et les restaurants. Les secteurs horticole et halieutique n’arrivent plus à écouler leur production sur le plan local (restriction des transport et baisse des revenus des ménages) et sur l’export (fermeture des frontières). Le secteur le moins impacté est le secteur du commerce alimentaire. Une diminution de l’activité économique engendre une baisse des recettes de l’Etat. Les signaux envoyés ces derniers temps ne sont pas du tout rassurants. En effet, l’Etat du Sénégal a émis des bons Covid de 150 milliards FCfa pour 6 mois. Cela ressemble à une dette ponzi (soûl bouki souli bouki).»

 «L’Etat sénégalais n’a pas bien évalué les moyens de sa stratégie»

Mesures restrictives : «Les mesures restrictives ont plombé l’activité économique. Entre le marteau et l’enclume (sauver des vies ou maintenir l’activité), l’Etat a choisi la première option. Est-ce le bon choix ? Le débat est ouvert. La question légitime qu’on doit se poser, c’est si l’Etat sénégalais à bien évalué les moyens de sa stratégie. A mon avis, non, car la cohérence dans la stratégie n’est pas démontrée. Quels sont les arguments avancés pour déconfiner ? La gestion de la crise ressemble plus à un pilotage à vue et à un mimétisme passif à la place d’une stratégie endogène assumée. La sortie et l’après-Covid vont être très douloureux. Beaucoup d’activités vont disparaître à cause du manque de résilience (activités informelles…) d’autres vont résister avec des difficultés réelles. Les moins impactés seront les grandes multinationales qui, malheureusement sont souvent des filiales de grands groupes étrangers.»

 «Effondrement de plus de la moitié du PIB»

Taux de croissance et PIB :  «Sur le taux de croissance, c’est toutes les projections dans le Pse (Plan Sénégal émergent) qui sont faussées. On avance même une réadaptation du Pse au contexte du Covid. On tablait sur une dynamique soutenue de croissance moyenne de 7%. Le taux de croissance en 2020 ne devrait pas dépasser 3%, soit un effondrement de plus de la moitié. Cette récession va engendrer un cercle vicieux dans tout le circuit économique et par ricochet, sur les recettes de l’Etat. On peut s’attendre dans les années à venir, à l’arrêt ou au moins au ralentissement des grands travaux (infrastructures) : TER, nouvelle ville de Diamniadio, universités… Le bon côté de cette crise, c’est de nous mettre devant l’évidence de la fragilité de notre manière de faire et d’être : gouverner, travailler, rapports au temps, rapports à nous-mêmes, rapports à l’autre… Notre salut passera par la bonne lecture qu’on fera durant cette période difficile. N’est-il pas temps d’assurer notre autosuffisance alimentaire en valorisant les autres céréales locales (est-ce que le riz est forcément une nécessité pour le déjeuner de tous les Sénégalais)? Est-ce qu’on enseigne à l’école et à l’université les solutions pour résoudre les problèmes des Sénégalais ? N’est-il pas temps de formaliser toute l’économie par des décisions politiques courageuses ? Nos ressources ne devraient-elles pas être gérées avec plus de responsabilité (pétrole, gaz, zircon, or…) ?»

Source : L’Observateur

1 COMMENTAIRE

  1. Passer de l’économie informelle à celle formelle, une tache incontournable à la quelle il faut s’attaquer au plus vite avec intelligence et méthode

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