«L’épidémie d’Ebola est devenue incontrôlable depuis plusieurs mois, mais la communauté sanitaire internationale a mis trop de temps à réagir», écrit encore l’infirmière coordinatrice Anja Wolz dans le New England Journal of Medicine. Les ministres de la Santé des pays de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) devraient se réunir jeudi à Accra pour discuter d’une stratégie commune de lutte  contre cette maladie meurtrière.

Au Liberia, pays le plus touché, le directeur des Centres fédéraux américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), Tom Frieden, a averti que le bilan était probablement bien plus lourd. «Le monde n’a jamais vu une épidémie d’Ebola comme celle-ci. Par conséquent, non seulement les bilans sont élevés, mais nous savons qu’il y a beaucoup plus de cas que ceux diagnostiqués ou signalés», a-t-il déclaré à Monrovia.

20 000 CAS À TERME

L’Organisation mondiale de la santé a annoncé jeudi avoir dénombré 3 069 cas d’Ebola, dont 1 552 décès, dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest, selon son dernier bilan arrêté au 26 août.

Le précédent bilan de cette épidémie, qui continue à progresser de «manière accélérée», faisait état de 2 615 cas dont 1 427 décès au 20 août. En six jours, l’épidémie a touché 454 personnes supplémentaires, et causé la mort de 125 malades.

L’OMS s’attend à terme à plus de 20 000 cas de fièvre Ebola, mais espère stopper sa progression d’ici à trois mois. L’organisation souligne que son objectif principal est d’«inverser la tendance de nouveaux cas et de nouvelles zones infectées d’ici trois mois, de stopper la transmission dans les capitales et les grandes villes portuaires, et de stopper toute transmission résiduelle d’ici six à neuf mois». Elle a pour cela besoin de 490 millions de dollars.

Des essais de vaccins contre le virus Ebola vont être menés de manière accélérée à partir du mois de septembre et pourraient être administrés à des volontaires sains au Royaume-Uni, en Gambie et au Mali, ont annoncés en parallèle des chercheurs ce jeudi.

UNE SITUATION QUI EMPIRE

«Le nombre de cas augmente», a estimé le Dr Frieden, en mission au Liberia depuis plusieurs jours, ajoutant que la situation allait continuer à empirer à court terme. L’épidémie, qui s’est déclarée au début de l’année en Guinée, avant de se propager au Liberia et à la Sierra Leone, pays voisins, puis au Nigeria, est la plus grave depuis que cette fièvre hémorragique a été identifiée en 1976 en République démocratique du Congo (RDC), où elle est réapparue en août pour la septième fois. Elle a fait 1 427 morts : 624 au Liberia, 406 en Guinée, 392 en Sierra Leone et cinq au Nigeria, selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) arrêté il y a une semaine.

Face à l’inquiétude croissante dans le monde, Air France a annoncé la «suspension provisoire», à compter de jeudi, de ses vols vers Freetown, mais poursuivra ses liaisons avec la Guinée et le Nigeria. Seules deux compagnies desservent encore la Sierra Leone et le Liberia : Royal Air Maroc (RAM) et Brussels Airlines, de manière irrégulière pour cette dernière. Brussels Airlines a indiqué qu’elle prendrait une décision en fin de semaine. Dans l’immédiat, pour répondre à la demande de passagers et acheminer 40 tonnes d’aide médicale de l’ONU, la compagnie a précisé assurer cette semaine trois vols : un vers Freetown, un vers Monrovia et un vers Conakry.

British Airways avait annoncé mardi prolonger jusqu’à la fin de l’année la suspension de ses liaisons avec le Liberia et la Sierra Leone. Royal Air Maroc a confirmé ses plans de vol habituels : un par jour vers Conakry et un jour sur deux en moyenne vers Monrovia et Freetown, par «solidarité» africaine.

La «très ferme requête» du coordinateur de l’ONU contre le virus Ebola, le Dr David Nabarro, pour que des compagnies aériennes continuent à desservir les capitales des pays touchés a donc rencontré peu d’écho. Le Dr Nabarro avait averti lundi à Freetown que «la décision compréhensible de certaines compagnies aériennes de ne plus desservir Freetown, Monrovia ou Conakry avait eu un énorme impact sur la capacité de l’ONU à acheminer du personnel et du matériel». Une centaine de tonnes de matériel de santé et d’hygiène financées par la Banque mondiale ont néanmoins été livrées mardi au Liberia par l’Unicef.

DON DE LA GAMBIE

Le président gambien Yahya Jammeh a pour sa part fait don à la Sierra Leone de 500 000 dollars (380 000 euros). «En des moments comme celui-ci, nous attendons des pays africains et des organisations comme la Cédéao et l’Union africaine qu’elles resserrent les rangs et fassent preuve de la même solidarité que le président de Gambie», a commenté le chef de l’Etat, Ernest Bai Koroma. La Grande-Bretagne a également offert 10 millions d’euros pour les services de lutte contre Ebola, selon l’ambassadeur en Sierra Leone, Peter West.

Le Dr Nabarro a poursuivi sa tournée des pays touchés, en se rendant mercredi au Nigeria, le moins touché par Ebola. A l’occasion de sa rencontre avec Nabarro, le président nigérian, Goodluck Jonathan, a condamné la stigmatisation qui frappe le Nigeria, dénonçant le fait que l’équipe nigériane a été contrainte de se retirer des jeux Olympiques des jeunes en Chine après une décision du Comité international olympique bannissant les équipes des pays touchés par Ebola pour les sports de combat et la natation. Le pays le plus peuplé d’Afrique restait néanmoins vigilant,reportant la rentrée des classes d’un mois pour mettre en place «des mesures préventives» contre l’épidémie.

Par ailleurs, un expert sénégalais de l’OMS contaminé en Sierra Leone a été admis mercredi dans un hôpital de Hambourg, devenant le premier malade d’Ebola traité en Allemagne, et le troisième en Europe. Un professionnel de la santé travaillant pour le CDC a quant à lui été rapatrié aux Etats-Unis après avoir été faiblement exposé au virus Ebola en Sierra Leone. En RDC, les Nations unies ont annoncé avoir déjà débloqué 1,5 million de dollars contre l’épidémie qui s’est déclarée en août, faisant 13 morts, distincte de celle qui sévit en Afrique de l’Ouest, selon les autorités sanitaires.

AFP avec liberation.fr