Depuis de longues années, l’école sénégalaise traverse plusieurs phases de profonde mutation ponctuées par des problèmes récurrents. Pendant ce temps, on assiste à une crise de plus en plus profonde des valeurs. Déjà, dans les années 80, la romancière Mariama Ba tirait sur la sonnette d’alarme dans son roman Une si longue lettre « Le rêve d’une ascension sociale fulgurante pousse les parents à donner à leurs enfants plus de savoir que d’éducation ». D’autres voix d’autres intellectuels s’élèveront bien après et récemment, pour qualifier l’école sénégalaise en ces termes : « Nous avons une école au Sénégal mais nous n’avons pas une école sénégalaise qui nous permet de nous réconcilier avec nousmême » regrette le sociologue Djiby Diakhaté.

C’est dans ce contexte que les directeurs des 32 écoles de la communauté rurale de Kandia, se sont réunis le samedi 16 février 2013 à l’école de Kael Béssel à deux kms de Vélingara. Cette rencontre a été initiée par Grandmother Project, une ONG américaine reconnue en2011 au Sénégal et qui travaille en étroite collaboration avec l’Inspection de l’Education et de la Formation(IEF) pour renforcer les valeurs et traditions culturelles positives chez les  élèves des écoles de cette communauté rurale de 74 villages.

Cette rencontre qui n’est pas la première du genre, intervient après la réalisation de plusieurs activités d’intégration des valeurs et traditions culturelles positives  à l’école et peu avant la mise en œuvre, dans la même zone, du projet dénommé “Grand-mères et enseignants, main dans la main, pour le développement des filles et leur succès à l’école” appuyé financièrement par l’Ambassade Britanique.  

 A l’occasion de cette rencontre, les directeurs se sont imprégnés des fiches pédagogiques pour la promotion des valeurs culturelles à l’école conçus par l’Inspection de l’Education et de la Formation de Vélingara avec l’appui technique de GMP.Ils ont également fait le point des activités d’intégration réalisées dans toutes les écoles et ont discuté les forces, les points à améliorer ainsi que les enseignements tirés. Ils ont fait ressortir quelques résultats encourageants en termes de changements chez les enfants, les enseignants et même au sein des communautés.

Monsieur Karamo Diané, directeur de l’école de Doubirou dira « nous avons constaté que les parents ne viennent plus se plaindre au prés des maîtres pour un comportement irrespectueux des enfants vis-à-vis des aînés. Maintenant, ils nous disent qu’ils sont devenus beaucoup plus obéissants, plus réceptifs et plus respectueux ».

 Tous les directeurs ayant participé à la réunion ont parlé de l’importance, pour les enseignants et pour les élèves, de l’utilisation des trois livrets (Le rôle des grands-mères dans les sociétés Africaines, (Les contes africains pour les enfants d’aujourd’hui) et (Les valeurs africaines pour les enfants d’aujourd’hui) produits par Grandmother Project et adoptés comme intrant pédagogique dans les classes par la quasi-totalité des enseignants de leur établissement. Monsieur Dicory Baldé directeur de l’école de Saré Boula, a souligné que  « les livrets sur les valeurs, les contes et les rôles des grands-mères dans les sociétés africaines sont entrain d’augmenter le goût de la lecture chez les enfants. Aussi, maintenant, ils lisent plus et mieux ».

L’intervention des personnes ressources au sein des communautés en général et celle des grands-mères en particulier a contribué à renforcer la confiance des enfants et leur attachement à l’école. Comme le dit Monsieur Ba, directeur de l’école deSaré Yéro Méta : « L’intervention des grands-mères à l’école prouve que les enseignants ne sont pas les seuls à disposer de la pédagogie. En effet, elles parviennent à susciter une participation active chez les enfants dans leur communication pour apprendre à ces derniers les valeurs culturelles positives. C’est à travers un comportement qui favorise la confiance et rejette la peur qu’elles arrivent à pousser les enfants à s’exprimer avec plus de liberté ».

Par ailleurs, comme le dit Monsieur Malang Sagna, Directeur de l’école à Kael Bessel,  « L’utilisation du jeu « Qui sommes nous »,  en classe est entrain de permettre aux enfants de développer des exercices efficaces en lecture, de renforcer leur vocabulaire avec l’acquisition de nouveaux mots, l’esprit d’équipe et de solidarité et aussi le fait d’aiguiser la réflexion. Aussi, last but not least, ils apprennent énormément de valeurs culturelles et de comportements à adopter dans la famille et dans la communauté ».

Avec la disparition des mécanismes de transmission des valeurs culturelles et traditionnelles positives anéantis par un modernisme sauvage, cette expérience est porteuse d’un grand espoir pour l’école sénégalaise où, comme le dit Abibou Ndiaye, directeur à Simbi, « on enseigne plus qu’on éduque ».

Enfin, les communautés, avec ce projet s’impliquent activement dansla gestion de l’école. Ils collaborent maintenant avec les enseignants pour l’éducation des enfants car comme le dit une grand-mère, « si nous n’éduquons pas les enfants, les télés et la rue le feront à notre place ».