[Edito] Volez, volez, mais il n’en restera pas toujours !

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Malaise ! La traque contre les détourneurs de l’argent public n’origine pas de la volonté du seul président Macky Sall. C’est une demande de l’écrasante majorité des Sénégalais. Car le pays vit mal et on ne comprendrait pourquoi des gus, ni lumières académiques, intellectuelles ou morales, encore moins des exemples, devraient profiter de l’argent public, et après, les doigts dans le nez, s’en tirer à si bon compte. Que de milliards évoqués.

Les sommes astronomiques qui font l’objet de débats actuellement contrastent avec le vide des poches, et l’ampleur des crises que vivent les Sénégalais. Terrible contraste entre la demande sociale et la facilité des enrichissements indus. C’est le Zénith et le Nadir. Attention à l’éclipse !

Le défunt président Ivoirien Houphouët-Boigny avait un jour apostrophé –nasillant- un de ses (très) proches en ces termes : « Ouëgnin, on te dit de voler million, et toi, tu voles milliards » ! Caricature d’une situation où on voit, dans une intelligente et perfide complicité, banaliser le détournement de deniers publics. Un système, pour dire, « on comprend, mais c’est comme ça » ! C’est du moins ainsi que comprennent de larges franges de l’opinion les tournures prises par l’audit de la gestion des douze ans du régime d’Abdoulaye Wade, un an après sa perte du pouvoir.

En mars 2013, cinquante-trois après les indépendances, au Sénégal, des femmes continuent de perdre la vie en couches car ce sont des charrettes qui doivent les conduire à des dizaines de kilomètres de leur village vu que des cases de santé –pour ne pas parler d’hôpitaux ou de dispensaires- leur sont inconnues.

Qui ne s’est pas senti gêné de voir des gens proposer des sommes, actions et titres fonciers pour éviter la prison alors qu’aucune initiative privée ou un héritage conséquent ne leur est connu ? Qui ne s’est pas étonné de voire déferler la semaine dernière des foules de jeunes au Building administratif de Dakar pour déposer leur candidature à un (hypothétique) emploi dans la fonction publique, alors que « seulement » 5000 recrutements y sont prévus dont la plupart dans les forces de sécurité ?

Que dire du délabrement du tissu industriel ? Des pénuries ? Que dire du monde rural ? Du désespoir des immigrés qui se font « fumer » comme des lapins dans des pays où les perspectives sont moins intéressantes que dans leur propre pays ? Mais qui pour leur donner de l’espoir ? Qui pour leur faire croire en eux-mêmes quand ils entendent qu’on peut détourner des milliards et avoir la possibilité de négocier, éviter la prison, avec une forme de rente au bout de la transaction ?

Des enfants, tout aussi Sénégalais que les potaches de nos grandes villes, étudient dans des abris en huttes, avec un seul repas par jour, après avoir fait des kilomètres pour retrouver un enseignant plus souvent en grève qu’en préparation de ses enseignements. C’est pire que de la dictature ; c’est un déni de l’humain. C’est un refus du progrès et du développement. Va-t-on continuer ainsi ? Il est évident que cela ne saurait prospérer. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un réflexe –légitime- de survie leur fera, tôt ou tard, réclamer leur part de –et dans- la République.

EGOÏSME ET INCONSCIENCE

Pauvre Afrique, décidément pas encore préparée à séparer la sphère privée de la chose publique ; pas surtout préparée à lutter contre l’impunité. In fine, le fondement idéologique de ces abus est le sentiment de supériorité, le désintérêt pour les autres, l’égoïsme et l’inconscience. C’est dans un tel contexte que la décision de la puissance publique de « négocier » avec les présumés auteurs de vols d’argent public créée un malaise, jusqu’au cœur de la majorité de l’actuel président de la République.

C’est le porte-parole du gouvernement, le ministre en charge de la « Bonne Gouvernance », qui a confirmé la décision des autorités d’accepter de recevoir 80% de sommes détournées pour éviter des procès dont les issues pourraient être incertaines. En rappelant la pertinence des médiations pénales, car, ne sachant pas de quoi l’avenir est fait, « l’argent » pourrait ne pas être recouvré. L’esprit de la conciliation est, dans les faits, corrompu. Encore une fois, c’est que « tu voles 100 francs, mais si les 80 sont récupérés, basta » ! Si cette nouvelle forme de gouvernance de la Justice doit être une sorte d’incitation au délit, on se demande bien où est Thémis…

Certes, la position de Jean-Paul Dias est on ne peut plus extrémiste car dire qu’il faut « les emprisonner d’abord et enquêter ensuite » ne répond pas aux exigences d’un Etat de Droit. Mais soutenir que rembourser 80% est gage d’impunité, cela équivaut à théoriser que les 20% sont du pain béni. Parquer dans des chambres de 200 personnes des petits voleurs de quartiers, pardon de poules, devient de fait, une injustice.

Par un calcul d’Arsène Lupin (et encore que lui était un gentleman), tout gestionnaire de deniers publics pourrait ainsi se « taper » la somme désirée en la majorant à priori de ce fameux pourcentage, pour prévenir ainsi ce qu’une accusation lui imputerait. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas sérieux. Et cela créée un dangereux précédent. On souffre toujours avant d’aller mieux ; mais en démocratie, l’impunité n’a qu’un seul remède : la Justice.

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