El Hadji Diouf : « Le rapatriement du corps doit être accompagné comme si le Sénégal avait gagné la Coupe du monde »

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Deux icônes du football sénégalais, Jules François Bertrand Bocandé et El Hadji Diouf, entretenaient une complicité presque filiale en Equipe nationale. Le « fils » en apporte la preuve.
Comment avez-vous appris le décès de Jules Bocandé ?

Jusqu’à présent, je refuse de l’admettre, avant d’assister à son enterrement. C’est vraiment dur. J’ai perdu un père, un ami, un frère et un conseiller. Jules disait qu’il fallait le tuer avant de faire du mal à El Hadji Diouf. J’ai perdu quelqu’un qui m’est très cher.

Comment est née votre relation ?

On s’est parlé la première fois au Maroc (2001, Maroc-Sénégal : 0-0), quand il était adjoint de Bruno Metsu, mais je l’admirais déjà. Pendant qu’il était sélectionneur national, je suis allé voir un de ses matches à Saint-Louis. A l’époque, j’étais un gamin. J’y étais allé, pas pour voir l’équipe nationale, mais Jules Bocandé. Il était mon idole. Je me voyais en lui. Mais j’ai appris à le connaitre quand il travaillait avec Bruno. Le courant passait super bien. Je lui disais : « Grand je voulais être comme toi. Faire ce que tu as fait pour le football. Etre un patriote comme toi. Et être un jour quelqu’un de connu. » Avant, pendant et après les matches, il était toujours avec moi. En toutes circonstances. Il est d’une générosité extrême.

Qu’est ce qu’il vous a dit de spécial lors de votre première rencontre ?

On parlait du Sénégal et il m’avait dit : « Ce que j’ai fait pour le pays, tu pourras le faire. Tu peux le faire et je serai là pour t’aider. On sera de très bons complices ». Depuis, nous étions inséparables.

Quel discours vous tenait-il avant les matches ?

Je vais vous faire une révélation : avant les matches, il ne dormait pas dans sa chambre, mais dans la mienne. Rien que pour s’occuper de moi. Il ne me lâchait pas une seule seconde, pour me galvaniser ou me remonter les bretelles. Il me mettait tout le temps à l’aise pour que je puisse gagner tout seul les matches. Il me disait : « El Hadj, tu es un plus pour l’équipe. Tu peux le faire et tu vas le faire ! ». Sur le terrain, je ne pensais qu’à lui. Et Quand je sortais, Jules était la première personne à me faire un bisou pour dire : « Fils, je suis encore fier de toi »

Dans les vestiaires, comment se comportait-il avec les autres ?

Il avait plus de pression que les joueurs. Avant notre match contre la Namibie (le match qualificatif au Mondial 2002 joué à Windhoek), il nous disait : « je ne sais pas si je vais regarder cette coupe du monde, parce que j’ai tellement la pression que mon cœur n’arrête plus de battre. » Au mondial, il lui arrivait de ne pas venir à l’entrainement, parce qu’il avait tellement peur de perdre. Il ne pouvait pas supporter la défaite. Dans les vestiaires, il nous parlait les larmes aux yeux. Il avait plus envie de gagner que nous. Jules avait le Sénégal dans le sang. Rien d’autre. Je crois que le retour de son corps doit être accompagné comme s’il avait gagné la Coupe du monde. Ay pays, il n’y a pas plus patriote que lui. Dans la vie, on peut être leader, mais ne pas être charismatique. Jules, lui était un leader charismatique.

Jules était aussi connu pour son franc-parler…

Il n’y avait que la vérité dans sa bouche. Et son franc-parler va nous manquer. Avant la Can (200’), il a dit des choses qu’on a vues par la suite. Quand Guy Stéphan était là, il avait laissé l’équipe pour rentrer parce qu’il ne pouvait pas travailler avec lui. Et tout ce qu’il disait, on le voyait.

Qu’est ce qui l’avait poussé à quitter la sélection ?

Il n’était pas d’accord sur la composition de l’équipe et la façon dont on voulait jouer. Guy voulait qu’on joue en 4-3-4, alors qu’on devait jouer en 4-4-2. Il n’était pas d’accord avec le coach. Il lui a dit : « je ne peux être là à ne rien faire. Ça c’est mon équipe, c’est mon pays. C’est ma vie. Je ne veux pas être blâmé demain. » Le coach s’est un peu pris la tête et Jules lui a dit : « Bonne chance » et il est parti. C’est un vrai patriote. A la Coupe du monde, on pensait qu’il allait mourir là-bas. Il avait plus de pression que les autres.

Pour tout ce qu’il a fait pour le Sénégal, Jules ne mérite t-il pas qu’un stade porte son nom ?

Absolument ! il mérite tous les honneurs. Le gouvernement doit aussi s’occuper de sa famille, comme lui s’est occupé du Sénégal. Il a pris combien de cartons rouges, rien que pour venir en sélection ? Combien de fois s’est-il sacrifié pour le pays ? Le Sénégal doit rendre à Jules ce qu’il mérite. Et il mérite beaucoup. Quand il était là, j’étais le premier à dire qu’il devait toujours accompagner l’équipe. Le Portugal se déplace toujours avec Eusébio. Jules Bocandé est le porte drapeau du Sénégal. Il devait toujours avoir son mot à dire ou voyager avec l’équipe. A travers Bocandé, on devait faire passer un message : le Sénégal respecte ses joueurs. Partout où je suis allé sans Jules Bocandé, les gens l’ont demandé.

Source : L’OBS

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