Éligibilité de Modibo Diop, après condamnation: Le non du code électoral est sans appel

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À peine sorti de prison, l’ancien directeur général de l’ASER Modibo Diop s’est jeté dans la mêlée politique, pour aller à la conquête de la mairie de Fass-Gueule Tapée-Colobane. Vu qu’il fait l’objet d’une condamnation, cette descente sur le terrain politique a soulevé le débat de son éligibilité. EnQuête interroge des juristes qui apportent la réponse.

‘’Je reprends toute ma carrière professionnelle, ma carrière politique et mes droits civiques. Parce que j’ai été condamné à trois ans de prison ferme, c’est vrai, j’ai une amende de cinq millions, mais le juge m’a laissé tous mes droits civiques, sociaux et politiques’’. Cette phrase lâchée par Modibo Diop à sa sortie de prison a suscité une grande interrogation chez beaucoup de personnes. D’aucuns se demandent pourquoi l’ex-directeur général de l’Agence sénégalaise pour l’électrification rurale (ASER), condamné pour détournement de deniers publics, n’a pas été déchu de ses droits civils et politiques. EnQuête a essayé d’en avoir le cœur net.

Ce que dit le Code pénal

Il ressort de l’avis de plusieurs avocats interrogés que cette déchéance est une mesure complémentaire. Si l’on se fie aux dispositions de l’article 34 du Code pénal, elle n’est pas obligatoire en matière correctionnelle. ‘’Les tribunaux jugeant en matière correctionnelle pourront dans certains cas interdire en tout ou une partie, l’exercice des droits civiques, civils et de famille de vote, d’éligibilité (…)’’, stipule l’article. Il ajoute : ‘’que lorsque la peine prononcée sera supérieure à cinq ans, l’interdiction définitive de tous les droits devra être prononcée’’.

Donc, l’ex-DG de l’ASER n’est pas concernée par cette disposition, vu qu’il a écopé d’une peine de trois ans. Encore que le détournement de deniers publics n’est pas un crime. En fait, selon Me Assane Dioma Ndiaye, ’’la déchéance est de droit par rapport aux peines infamantes et afflictives, c’est-à-dire aux peines criminelles’’.

Toujours est-il que, d’après les éclairages de Me Baba Diop, il y a différents types de sanctions pénales au rang desquels figurent l’amende, l’emprisonnement et les peines complémentaires comme la déchéance. ‘’C’est une panoplie de sanctions dont le juge dispose pour réparer l’infraction pénale’’, dit-il, tout en précisant ‘’qu’il n’y a pas spécifiquement une infraction pour laquelle la déchéance doit être prononcée comme peine complémentaire’’.

Au contraire, renseigne l’avocat, ‘’le juge apprécie peut-être en fonction du caractère public de l’infraction pour appliquer une peine complémentaire, mais aussi à la personnalité de la personne condamnée’’. Quoi qu’il en soit, Me Diop relève qu’il n’y a pas spécifiquement une infraction qui pourrait priver un individu de ses droits civils et politiques. Toutefois, souligne l’avocat, candidat à la mairie de Fass-Gueule Tapée-Colobane, ‘’certaines dispositions du code électoral font état de certains délits’’.

Ce que dit le Code électoral

Le délit de détournement de deniers publics n’y figure certes pas, mais les causes d’inéligibilité doivent être trouvées au niveau des peines. ‘’Le Code électoral dit que lorsque la personne est condamnée à une peine de six mois ferme pour n’importe quelle infraction, elle est inéligible et le juge n’a pas besoin dans sa décision, de prononcer la déchéance’’, argue Me Diop pour qui, ‘’la déchéance est acquise ipso facto’’. Me Assane Dioma Ndiaye abonde dans le même sens, en relevant que ‘’par rapport à certaines éligibilités à des fonctions ou charge électorale, la loi instaure comme condition de recevabilité le dépôt d’un casier judiciaire’’.

Or dans ce cas, poursuivent nos deux interlocuteurs, Modibo Diop ne pourra pas fournir un casier vierge, parce que la condamnation y figurera. Par conséquent Me Ndiaye souligne que cette condition est destinée à mettre ‘’un certain filtre par rapport à la moralité des citoyens’’. ‘’Si on estime que vous devez présenter un casier’’, avance-t-il, ‘’c’est pour voir si vous avez fait l’objet d’une condamnation ou pas’’.

‘’C’est une question de moralité pour protéger le vote des citoyens qui pourraient ne pas être au courant d’une éventuelle condamnation pour pouvoir apprécier de la moralité du candidat’’, insiste-t-il. D’après son raisonnement, ‘’la loi ne se soucie pas si la condamnation est infamante ou privative de droits civiques et politiques, mais c’est le principe de la condamnation que la loi répugne en général’’.

 »Modibo Diop n’est pas éligible »

Aux yeux de Me Assane Dioma Ndiaye, il est temps que le débat sur l’éligibilité soit posé. Dans la mesure où, dit-il, certains se fondent sur leur dispense de privation pour soutenir qu’ils peuvent continuer à se mouvoir dans la vie publique comme s’ils n’ont jamais été condamnés. Quid de l’ex-DG de l’ASER ? Compte tenu des arguments développés, nos interlocuteurs sont formels. Ils considèrent que Modibo Diop est inéligible. ‘’La vérité judiciaire, c’est qu’il a été condamné pour détournement et condamné à rembourser 600 millions. De ce fait, il n’est pas éligible à une fonction élective de conseiller municipal, de député ou de président de la République’, tranche Me Diop.

La morale dans tout cela

Au-delà des arguments juridiques, nos sources ont évoqué une question morale. ‘’Ce cas heurte la morale. Comment une personne condamnée pour DDP peut se présenter 72 heures après sa libération devant des électeurs ?’’, peste un magistrat. Me Aly Fall de renchérir : ‘’Comment est-ce que quelqu’un qui a été condamné, parce qu’il a mal géré les deniers de tout le monde, peut solliciter un mandat public, électif ou nominatif, quel qu’il soit ?’’.

Pour lui, ‘’quand vous êtes accusés de prévarication, moralement vous ne pouvez plus solliciter la confiance de vos mandants, car vous avez abusé de cette confiance’’. Il trouve même ‘’indécent’’ l’attitude de Modibo Diop, tout en restant convaincu ‘’que dans une République sérieuse’’, on ne vous confie pas une quelconque responsabilité, dans ce genre de situation.

 »Les Sénégalais ont souffert de leur détournement »

Cependant, tout n’est pas perdu, semble dire Me Baba Diop. Pour l’avocat politicien et tête de liste de la coalition Alliance nationale pour le développement du Sénégal (ANDS), ‘’même si une personne est déchue, cette déchéance n’est pas définitive’’, car, indique-t-il, ‘’dans l’exécution des peines, il y a la phase de réhabilitation’’. Il a indiqué qu’il y a deux types de réhabilitation. ‘’La réhabilitation de plein droit’’ qui, renseigne-t-il, ‘’suppose que lorsque qu’une personne est condamnée, au bout d’un certain temps, cette peine s’efface et la personne est réhabilitée’’.

En second lieu, il y a la réhabilitation judiciaire. Celle-ci, explique Me Diop, se fait sur demande de la personne déjà condamnée et une enquête est effectuée pour savoir si le requérant s’est amendé. En attendant ‘’d’être réhabilité’’, notre interlocuteur considère que Modibo Diop ‘’gagnera à faire profil bas et à raser les murs, en attendant de solder les comptes avec son parti’’. ‘’Quelle que soit la situation, la vérité, c’est que les Sénégalais ont souffert de leur détournement’’, assène la robe noire.

Par Enqueteplus.com

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