Entre nécessite de fourniture normale de l’électricité au pays et celle de véhicules aux députés, il faut savoir situer l’ordre des priorités sans équivoque, pour le peuple sénégalais à l’heure actuelle ? Par Mandiaye Gaye

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Quand Macky sall, candidat à la présidence de la République, a clamé pendant la campagne haut et fort de rompre avec les pratiques malfaisantes de Me Wade, nous étions nombreux à approuver et à applaudir chaleureusement. Élu président de la République, il l’a réitéré avec force dans son message à la Nation, en s’engageant fermement à réduire fortement et de manière effective, le train de vie de l’Etat. J’avais applaudi des deux mains et nourrissais un réel espoir, pour de telles intentions fort louables. Cette volonté salutaire, exprimée clairement sans ambages et combien louable pour beaucoup de Sénégalais, a été favorablement bien accueillie par tous les honnêtes Sénégalais qui avaient vomis le régime libéral. Surtout, quand elle a reçu un début d’exécution, par la matérialisation de la suppression de  certaines Agences inutiles et budgétivores. Ensuite, quand il s’y est ajouté la mise en œuvre des audits relatifs à certaines sociétés et structures, sur la base du rapport de 2008 et de 2010 de L’ARMP.

Alors, pour appuyer cette volonté manifeste du nouveau régime, d’en finir avec la gestion peu vertueuse des prédateurs, j’ai publié une contribution avec des propositions concrètes allant dans le sens d’une réduction notoire du train de vie de l’Etat, intitulée : « Opération d’Augias dans les écuries de Me Wade, révision des salaires faramineux et suppression des privilèges exorbitants injustifiables. »

Mais, selon les informations diffusées récemment par la presse, c’est tout le contraire d’une rupture que l’on nous avait promise, qui semble se dessiner. Pire, c’est bien au contraire de l’escalade même en droite ligne du wadisme. Voici ce que nous rapporte la presse : « Après les voitures Mercedes de classe S350 données aux ministres du gouvernement de Abdoul Mbaye, voilà que le régime de Macky Sall étend ses privilèges pour satisfaire les commodités des députés de la 12ième législature. »  Alors que, c’est cette République, de privilèges et privilégiés, qui doit disparaître à jamais, en même temps que, Abdoulaye Wade, son promoteur. La presse ajoute avec précision : « Selon nos informations, l’Etat aurait passé une commande de plus de 150 véhicules 4×4 Prado de la marque Toyota dont le coût oscille entre 43 et 45 millions F Cfa l’unité et dont sera doté chaque nouveau député. » Mais au nom de quel droit et quelle logique, l’Etat fait-il cela, si ce n’est singer illégalement et malheureusement  Me Wade ?

Si ces informations sont bien exactes, il n’y a pas de doute, que les nouvelles autorités font fausse route par rapport aux objectifs déclarés et s’écartent totalement du chemin de la rupture annoncée. Et il est surprenant, voire inadmissible, au moment où  le pays est confronté à nouveau, à des difficultés de fourniture normale d’énergie électrique, au point de nous ramener encore aux délestages intempestifs, que l’Etat en toute connaissance de cause, se permette d’acheter des voitures aussi luxueuses et chères à ses ministres. Ils ont certes droit  à des voitures et en ont besoin pour leur fonction, mais le luxe n’y est pas obligatoire. Et non content de cela, l’Etat, sans y être obligé nullement, compte de surcroit, offrir encore gratuitement des voitures aux députés. Ces honorables députés qui, en dehors des membres du bureau, n’ont nullement droit à une voiture de fonction, se voient  offrir gracieusement une, qu’ils ne rendront même pas, à la fin de la législature. Cette pratique qui n’a cours dans aucun Etat de droit, n’a vu le jour dans notre pays qu’avec les méthodes archaïques de Wade. Pourquoi on reconduirait les bêtises de gestion de Wade ? Comment allons-nous dans ces conditions-là, procéder à la réduction notoire du train de vie dispendieux de l’Etat ? A mes yeux, cette largesse injustifiable légalement, d’offrir gratuitement des voitures, -qui ne sont pas de fonction- aux députés, est une forme déguisée d’enrichissement illicite et rien de moins. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire à la fois. Et, c’est de l’anachronisme. Ce que les nouveaux députés devraient les premiers dénoncer, car, on ne peut comprendre, comment un Etat aussi pauvre que le nôtre, qui se débat dans  des difficultés économiques énormes et qui en plus a été pillé et dépossédé de l’essentiel de ses richesses par le régime sortant, peut se permettre encore de maintenir de tels privilèges dans son fonctionnement ? Ce qui a été décrié hier comme injuste ou du vol, ne doit ni être accepté ni toléré, surtout que son caractère injuste, demeure encore intact.

La fourniture d’électricité dans le pays avait connu un léger mieux, même si c’était par calcul électoraliste démagogique et  à des conditions financières insupportables durablement. Ne serait-ce que pour marquer sa différence dans la manière de gérer et poser les jalons de la rupture, le nouveau régime devrait procéder autrement. Et, si réellement, l’Etat voulait jouer effectivement la transparence et répondre à l’attente des larges populations qui lui ont fait confiance, et donner la preuve d’une gestion qui se veut vertueuse de nos maigres ressources, celles-ci devraient être orientées en priorité, vers la satisfaction des besoins des populations et non au profit des serviteurs de l’Etat à son sommet, qui sont déjà grassement payés.

Cette nouvelle Assemblée ou Assemblée nouvelle considérée comme celle des ruptures, doit bien marquer son empreinte, en faisant tout, pour moraliser le fonctionnement de cette institution, qui ne fut dans le passé, qu’une chambre d’enregistrement de la volonté d’un unique homme. Ils doivent commencer à donner l’exemple par eux-mêmes, en renonçant à toutes les illégalités pécuniaires et matérielles dont ils bénéficient indûment. Qu’ils se rappellent bien, qu’ils ont été élus pour voter des lois républicaines allant dans le sens de l’intérêt général du peuple sénégalais contre celui particulier de groupuscule. Certaines lois injustes à caractère partisan ou discriminatoire devront être abrogées et conformées à la légalité républicaine. Et certains autres décrets, tels que ceux relatifs aux fonds communs tous confondus, aux fonds secrets et politiques, à la lumière des scandales qu’ils ont générés doivent être réexaminés ou annulés complètement si nécessaire.

J’ai été agréablement frappé par deux exemples remarquables, que je voudrais citer pour illustrer mon propos. Ils viennent de personnalités qui ont dénoncé librement, des privilèges dont ils étaient bien attributaires :

  1. Le Khalife Général des mourides a demandé au président de la République de façon nette et claire, de ne plus donner de l’argent aux marabouts. C’est une première de la part d’un Khalife. Et cela mérite historiquement d’être hautement salué par toute la République. Et par cette attitude, il libère le président de la République, d’être l’otage de certains marabouts maîtres chanteurs. Merci infiniment à Serigne cheikh Sidy Mokhtar Mbacké pour ce bel exemple patriotique, républicain et citoyen que tous les marabouts devraient méditer dorénavant.
  2. Ensuite, c’est  Alioune Niane, ancien président de l’Ums, qui se prononce sur le fonds commun pour les magistrats : «C’est immoral !» «C’est une forme de cantinisation, de mercantilisation de la justice» C’est vraiment un courage et un exemple de patriotisme, et de citoyenneté confirmée, qu’il a exprimé librement et en toute bonne foi. Et à y regarder de près, il a étalé à propos des fonds communs, un aspect général de la question, qui est effectivement, une vérité incontestable, que rarement, les bénéficiaires stigmatisent. Concernant le fonds commun des magistrats, il a dit ceci  : « son institution est con­traire au bon sens, à la morale et à l’éthique. Si l’on s’en réfère aux dispositions du décret 2012-2029 du 1er décembre 2011, celles-ci indiquent que «le fonds commun des magistrats sera alimenté par les recettes recouvrées au titre des amendes criminelles, correctionnelles ou de police ainsi que des confiscations prononcées par les Cours et Tribunaux en toutes matières (…) ; et il ajoute : «  En effet, cela donne aux magistrats un intérêt personnel et pécuniaire sur les décisions de justice qu’ils prennent ou les actes judiciaires auxquels ils participent. Ce qui peut pousser quelqu’un à faire intervenir des éléments exogènes provenant de sa propre comptabilité au moment de trancher un litige. De ce point de vue, l’institution du fonds commun des magistrats tel que prévu serait aussi grave que des actes de corruption. »

A côté de ces deux attitudes hautement citoyennes, il y a malheureusement un 3e exemple tout à fait aux antipodes des deux premiers, d’un responsable de syndicat d’enseignant, le CUSEMS qui à travers les médias se glorifie honteusement, d’avoir observé 5 mois de grève dans l’année, et qui a malgré cela, perçu quand même régulièrement son salaire. Un tel « éducateur » devrait faire la honte de tout le corps enseignant.

Au total, les fonds communs tous confondus, peut-être dans une moindre mesure par rapport aux fonds secrets ou politiques, ont tous pratiquement, les mêmes racines du mal. Ils sont tous injustes, discriminatoires et illégaux. Ils ont été créés de toute pièce pour enrichir leurs bénéficiaires, sur le dos du contribuable sénégalais, dans la mesure où, les autres fonctionnaires, agents de l’Etat, et travailleurs de tous ordres, font correctement et honnêtement, leur travail, sans avoir à percevoir en retour,  autre chose que leur salaire et avantages liés.

Pour être vraiment juste, il nous faut retourner à la République et fonctionner sur des normes républicaines, c’est-à-dire : l’égalité de tous devant la loi et les biens communs à la Nation.

Et je rappelle ce que je disais dans l’article cité plus haut, qui demeure plus que jamais actuel : « A propos des avantages matériels attachés aux fonctions des serviteurs de l’Etat, il doit être bien défini avec des règles claires et nettes aussi, relatives à la gestion du patrimoine de l’Etat. Les biens mobiliers et immobiliers de l’Etat ne doivent plus être donnés gracieusement aux utilisateurs, après l’exercice de leur fonction, par qui que ce soit, fut-il  le président de la  République. L’ensemble de tout ce matériel constitue le bien commun de l’Etat, par conséquent, le patrimoine de toute la nation sénégalaise. Ces biens, qui servent pour le fonctionnement normal et interrompu du service, sont inaliénables par qui que soit. Ce qui s’est passé sous Abdoulaye Wade ne doit plus se renouveler, à savoir : donner gratuitement des véhicules de l’Etat à des députés, sénateurs, ministres et autres, qui perçoivent déjà un salaire de l’ordre de 2 à 5 millions avec un terrain en plus, n’a aucune base légale. Au moment où, les autres Sénégalais salariés se débrouillent avec leurs maigres salaires à nourrir leur famille, se payer une maison, s’acheter une voiture éventuellement, etc. A l’avenir, tous ceux qui ont quitté leurs fonctions d’Etat, devront dans le même ordre laisser le matériel y afférant sur place, pour la bonne continuité du service public. C’est ainsi que fonctionne un Etat et une Administration dans les normes. »

Monsieur le président de la République, la promesse est bien une dette, et vous avez été entendu sur beaucoup de préoccupations des Sénégalais avec des propositions de solution. Le peuple ne réclame pas des privilèges comme le font certains, mais juste ses droits. Parmi lesquels, figure en bonne place la fourniture normale de l’électricité, qui est un problème national récurrent et structurel. L’heure est au travail pour combler et réparer les nombreux torts et dégâts causés par Abdoulaye Wade. Les émeutes de l’électricité sont encore frais dans nos mémoires, et ils pourraient resurgir si la situation s’aggraver davantage. Les populations ont assez entendu de long en large, les difficultés de tous ordres qui sont liées à ce secteur, ce qui fait de lui justement, une priorité nationale sur les privilèges que vous accordez. Par conséquent, il n’y a plus d’explications à nous fournir, il faut uniquement prendre ce problème à bras-le-corps, pour sa solution rapide et définitive, une fois pour toute.

Enfin, il y a dans la République, des citoyens qui méritent d’être cités en exemple pour leur attitude ou leurs faits hautement citoyens. Le sieur Alioune Niane pour ne citer que lui, en est un assurément. Voici en effet, quelqu’un dont on peut dire avec certitude, que l’argent ne le fait pas courir et que notre pays gagnerait beaucoup à avoir plusieurs citoyens comme lui. Il m’est d’ailleurs, sûr et certain, qu’il en existe beaucoup, au sein de notre peuple mais, par humilité ils sont en général anonymes.

 

Mandiaye Gaye

[email protected]

4 Commentaires

  1. Merci Mandiaye pour cette contribution pertinente que nos autorités devraient méditer. Les « serviteurs de l’Etat » doivent penser d’abord au peuple, au lieu d’utiliser des artifices « légaux » pour s’enrichir. Les dépenses doivent être classées en terme d’opportunité et surtout de priorité.

  2. « donner gratuitement des véhicules de l’Etat à des députés, sénateurs, ministres et autres, qui perçoivent déjà un salaire de l’ordre de 2 à 5 millions avec un terrain en plus… » ?!?!
    Un terrain de quoi? En vertu et au nom de quoi? Dites-moi que ce n’ est pas vrai?!?
    Je connaissais l’ existence de « voitures et de logements de fonction » ou d’ indemnités de logement. Mais de « terrains(!?!) de fonction »?
    S’ il vous plait, éclairez-nous un peu plus! Dites-nous que ce n’ est pas vrai!

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