Entretien avec l’auteur du rapport sur le Djihad : Bakary Sambe déradicalise le débat

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Dr Bakary Sambe, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux au Centre d’études des religions à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et directeur exécutif de Timbuktu Institute, revient sur le rapport sur les facteurs de radicalisation et de perception du terrorisme chez les jeunes. Dans cet entretien, il revient sur les polémiques qui l‘ont escorté, dissèque les chiffres et fait une évaluation de la situation.

Il y a eu une levée de boucliers après la publication de votre rapport, comment l’avez-vous gérée ?
Vous savez quand on veut faire œuvre de science, on ne gère pas les passions, ni les partis pris, ni les subjectivités. Ce qui m’intéressait dans ce rapport, c’était de tâter le pouls et voir l’état de la jeunesse par rapport à une question importante aujourd’hui, qui n’épargne aucun pays. J’ai été surpris un peu par la tournure que les évènements ont prise. Parce qu’il y avait dans ce rapport des tendances rassurantes, qui pourraient inspirer une sage prise de décisions pour l’élaboration de politiques publiques efficaces.  A titre d’exemple, 93% des jeunes de la banlieue n’ont pas l’intention de s’engager dans un groupe radical, 76,7% parmi eux se mobiliseraient pour convaincre l’une de leur connaissance qui déciderait de s’engager dans un groupe extrémiste à abandonner. Quand on regarde tout cela, à travers  un travail que nous avons voulu plus scientifique que possible, avec une enquête du 1er au 7 juillet 2016 grâce à un questionnaire Cap (Connaissance, attitude et pratique). Et chaque questionnaire avait 40 questions, c’est-à-dire pour nous l’exercice c’était dans la logique d’une étude de perception voir quel est le degré de connaissance de ce phénomène chez les jeunes ? Quelles étaient leurs attitudes ? Quel était probablement leur plan de travail ? L’objectif du travail, c’était de contribuer à comprendre les facteurs conduisant à la radicalisation des jeunes et à évaluer ce qu’ils pensent du phénomène terroriste qui existe afin d’aider nos autorités à prendre des mesures idoines de prévention. Qui dit prévention dit forcément anticipation. C’est seulement dans cet esprit que s’inscrivait ma démarche. C’est pour que véritablement on arrive à mieux connaitre l’état d’esprit de notre jeunesse. Loin de moi tout esprit de stigmatisation, une volonté d’être alarmiste. C’était dans ce but que cette enquête a été menée par 25 enquêteurs qui ont au minimum la licence, mobilisés pour intervenir dans la banlieue. J’ai été frappé par la non-prise en compte d’aspects positifs encourageants tels que me le confient certains spécialistes de la sécurité. 89,7% des jeunes Sénégalais de la banlieue, âgés de 18 à 35 ans, estiment que les confréries au Sénégal représentent l’Islam. Pour 63,7% de ces jeunes les messages des confréries leur conviennent parfaitement. Il faut noter pour ces jeunes-là, le Sénégal peut compter sur cet islam pacifique incarné par nos ancêtres. Il y a eu dans la presse des chiffres qui ont été manipulés. Dans le rapport, on a dit que pour 45% des jeunes interrogés, la cause de l’engagement des jeunes dans ce mouvement c’est la pauvreté et le chômage. Il y a des gens inconscients qui ont dit que Timbuktu Institute estime que 45% des jeunes vont s’engager dans les groupes Djihadistes. De l’autre côté, ce qui nous intéressait c’était le fait d’écouter les jeunes et de recueillir leurs réponses. On parle beaucoup des jeunes mais c’était la première étude qui est allée les écouter. On les a interrogés sur le chômage, 35% sont sans aucune activité rémunératrice, plus de 60% se disent être dans des activités indépendantes, des activités précaires. C’est très normal de rendre compte une telle angoisse existentielle habitant une jeunesse. Et dans la situation internationale aujourd’hui, il serait même irresponsable qu’un institut comme le nôtre ne puisse pas aller jauger, aller sur le terrain et ne rester que sur des suppositions. Les statistiques sont les mathématiques de la décision, l’institut Timbuktu s’est inscrit dans cet esprit. L’esprit selon lequel, on doit de plus en plus décloisonner deux mondes qui sont étanchéistes. On a décloisonné le monde de la production de la connaissance et le monde de la prise de décision. Notre institut s’inscrit parfaitement dans cet esprit afin d’accompagner l‘autorité publique, les décisions qui sont prises. Et il y a eu des précédents, j’ai rédigé un article en 2011 en parlant de la dualité du système éducatif, l’article était intitulé : «Les arabisants sénégalais une élite frustrée à l’heure du changement politique». L’article avait été choisi par les arabisants pour formuler des revendications, qui ont abouti après l’élection de Macky Sall à la création du baccalauréat arabe unique et à la réouverture de la section arabe de l’Ena. Un exemple d’actions menées par des Tink tank comme le nôtre qui a préféré lui-même aller sur le terrain produire des études. Parce que si nous ne contrôlons pas la pensée sur nous même, elle va être produite ailleurs avec d’autres agendas. Nous avons voulu un agenda de la production de connaissance, de la prise de décision, c’est pour cela que nous avons fait cette étude. Loin de nous tout esprit de pyromane, de vouloir semer la zizanie dans ce pays. Nous avons une conscience assez suffisante de l’intérêt supérieur du Sénégal pour lequel nous œuvrons tous les jours dans le domaine de l’éducation, à l’université mais aussi ici où nous avons formé des jeunes gracieusement sur les métiers de la paix, de la médiation. Il faudrait savoir raison garder même si il y a des chiffres qui dérangent notamment sur le rejet catégorique des jeunes par rapport aux hommes politiques. Parce que l’étude dit que l’homme politique le plus proche qui est le maire n’est crédité que 0,7% de taux de confiance. Cela montre qu’il y a une angoisse et que les jeunes sont en demande d’une prise en charge réelle par l’éducation, la formation professionnelle. Ces questions-là sont beaucoup plus urgentes que les autres formes de polémiques inutiles. On doit se concentrer sur l’essentiel.

 Est-ce que vous avez été contacté par les autorités pour la prise en charge ou le suivi de ces 25 jeunes qui peuvent être radicalisés ?
J’ai essayé de prendre contact avec les autorités avant la publication du rapport en vain. Mais je suis sûr qu’elles étaient occupées, il y avait l’agenda gouvernemental qui devait être chargé. Je crois à la bonne foi des autorités sénégalaises dans la prise en charge de cette question de la radicalisation. Si on s’en tient aux déclarations du président de la République, si l’on s’en tient aux initiatives au niveau du ministère de l’Intérieur et à la participation du Sénégal dans beaucoup de réunions, de conférence sur ces thématiques. Je crois aussi à la prise de mesures nécessaires, je crois surtout à la capacité de nos forces de sécurité et de défense à prendre à bras le corps ce phénomène en matière d’anticipation, de renseignement et surtout d’organisation. Maintenant l’institut n’est pas là pour s’opposer à ce que fait le gouvernement ou ce que fait l’Etat, il est là pour accompagner les prises de décisions, donner son avis. D’ailleurs après la publication du rapport, nous avons fait un rapport circonstancié envoyé au président de la République avec un exemplaire du rapport, avec le résumé des tendances rassurantes, inquiétantes. Nous avons fait la même chose avec le Premier ministre, idem avec le ministre de l’Intérieur. Nous sommes à la disposition des autorités, de la société civile mais aussi de la population d’une manière générale pour que ce problème complexe qui n’a pas encore de solution définitive et durable puisse être abordé avec la plus grande sérénité. Il faut que les gens soient sereins, il y a des questions qu’il ne faut jamais politiser, les questions de sécurité, les questions d’intérêt supérieur, il s’agit de questions vitales pour l’intérêt national, la stabilité et notre cohésion sociale qu’on nous envie dans d’autres pays. Nous sommes dans cet esprit «d’inclusivité», dans cet esprit de vouloir régler les problèmes, de suggérer des solutions mais pas du tout dans un esprit de dissension et de polémiques stériles auxquelles je ne répondrai pas. Une étude ne peut pas être contestée par une déclaration. Une étude ne peut être contestée que par une contre-étude ou contre-expertise. Je serai très heureux si des études étaient lancées dans ce domaine-là parce que ça permettrait encore de mieux comprendre ce phénomène.

Dans les recommandations, vous avez parlé de résorber le chômage des jeunes, quel est le profil des gens interrogés ?
Nous avons mené cette enquête en nous appuyant sur un échantillon représentatif à partir du dernier recensement de la population en respectant la quotité hommes-femmes, les catégories socioprofessionnelles avec l’aide de statisticiens démographes en élaborant ce questionnaire. On a touché à beaucoup de catégories socioprofessionnelles. Nous avons parmi les sondés 2,7% qui sont des chefs d’entreprises, 23% d’indépendants, 12% de domestiques, de rares cadres moyens, 9,3% d’ouvriers employés ou non qualifiés, 13% d’ouvriers qualifiés, 2% d’apprentis, agents de maitrise malheureusement 36%. Je pense que c’est là où se trouve le cœur du problème et c’est là où il faut agir, parce que vous savez pour lutter contre le terrorisme, vous avez 3 types de solutions. Les solutions à court terme : ce sont les solutions sécuritaire, militaire, policière et ça n’a jamais résolu le problème nulle part, on l’a vu en Afghanistan, au Nord du Mali, au Nigéria. Vous avez les solutions au moyen terme : c’est le développement, l’inclusion sociale, l’intégration des jeunes, l’emploi etc. Il y a aussi les solutions à long terme, la prévention par l’éducation, l’inclusion sociale. Ce sont des choses sur lesquelles notre institut va travailler. Nous avons développé le concept d’auto-réhabilitation par inclusion sociale. Nous avons travaillé avec des jeunes qui avaient certaines idées, certaines orientations. Il suffisait seulement de les réhabiliter socialement, de les encadrer pour qu’ils trouvent leur chemin. Certains poursuivent leurs études, d’autres sont complètement réintégrés. C’est ce type de travail que nous faisons dans le silence et que nous voulons poursuivre avec l’Etat, les partenaires internationaux, la société civile. Au mois de novembre nous allons lancer le programme «Education for peace» avec l’ambassade des Etats unis. Nous irons dans les établissements scolaires parler aux jeunes, les écouter, essayer de les faire travailler sur les discours de paix, d’apaisement social pour que ce luxe que nous avons au Sénégal c’est-à-dire la paix sociale soit préservée. Ce sont là des questions d’avenir, et quand on s’occupe de perspectives d’avenir on n’a pas le temps de petites querelles temporaires. Cela n’aide en rien d’élever le débat, c’est un débat scientifique qui nous intéresse au plus haut niveau dans le sens de trouver une solution à un problème complexe, auquel même les pays les plus développés n’ont pas trouvé de solution. Ces problèmes sont en grande mutation, il faut multiplier ces études. J’ai fait la première étude en 2013 intitulée «Grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal», à l’époque c’était la même polémique, le même tollé mais on a vu depuis la réalité s’est invitée avec ce que vous avez vu sur le plan sécuritaire, les différentes arrestations etc. Il ne faut pas tomber dans le déni. Deux ans avant la crise malienne, il y avait des gens au Mali qui disaient que ce n’était pas possible que ça arrive là-bas. Que Dieu préserve le Sénégal, nous avons des ressorts, les chefs religieux qui sont crédités d’un taux de confiance assez important alors que les mouvements anti-confrériques  se réclamant du salafisme ou du wahhabisme représentent entre 3 et 4%. Ces mouvements-là développent ces derniers temps un discours d’apaisement, d’appel à la raison, de paix. De sorte  qu’aujourd’hui le schéma imaginé par Timbuktu Institute est d’élaborer un cadre inclusif de prévention s’appuyant sur les capacités de résilience des communautés elles-mêmes et toutes les communautés religieuses (confréries, mouvement islamique, société civile, les femmes, les jeunes) pour que le problème soit véritablement traité sérieusement pour que la paix sociale puisse régner dans ce pays.

Dans votre rapport, vous avez relevé la féminisation de la radicalisation, selon vous qu’est-ce qui explique cette tendance ?
Il y a la piste de la précarité qui peut être une bonne piste. C’est aussi, je crois des femmes sans aucune qualification, sans profession bien déterminée. Ça a été un choc et un changement pour nous parce que jusqu’ici les femmes étaient présentées comme des victimes de la radicalisation et de l’extrémisme mais de plus en plus elles deviennent des actrices. Mais, je les considère toujours comme des victimes. Hier elles étaient les premières victimes de l’extrémisme religieux, les Etats ont attendu que ça devienne un enjeu sécuritaire pour qu’ils s’en occupent réellement. Aujourd’hui, elles sont victimes parfois de leur ignorance, parfois d’un manque de formation, d’une forme de domination et d’endoctrinement. Je crois que les femmes en même temps victimes, elles sont aussi la solution, dans le cadre de l’éducation, de la prise en charge des plus jeunes, de notre projet l’éducation pour la paix, il y a un volet intitulé maman pour la paix. Les mamans vont s’impliquer avec nous dans le cadre de ce projet pour tenir une parole de sagesse, une parole d’apaisement à l’égard de ces jeunes pour que le phénomène ne prenne pas plus  d’ampleur dans ce pays.

L’islam confrérique a toujours protégé notre pays de certaines dérives, on note que depuis 2000 la donne est en train de changer lentement. Qu’est-ce qui explique cela ?
Il y a une évolution des confréries et de notre jeunesse, nous sommes dans un schéma d’un islam certes local mais à l’heure des appartenances mondialisées. Le discours des confréries et un discours de paix et d’apaisement. Le travail est en train d’être fait, il y a des gens comme Abdou Mbacké Madialiss du côté de Touba et Serigne Cheikh Tidiane Sy, fils d’Abdoul Aziz Al Amine  qui a organisé l’année dernière un colloque sur la radicalisation à la veille du Gamou. Ces jeunes sont en train de diffuser ce message de paix pour que la transmission aux nouvelles générations soit beaucoup plus aisée. Ils sont en train de travailler sur l’internet, des sites assez intéressants sur les communautés religieuses sont en train de faire un travail. Mais il faut continuer dans ce travail didactique parce que nous sommes dans un monde globalisé où circulent des offres spirituelles, culturelles, économiques. Il faut diffuser notre offre, cet héritage de l’islam de paix, l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadj Malick Sy,  El Hadj Abdoulaye Niasse, Mame Limamou Laye et tant d’autres. Si cette offre-là n’est pas correctement positionnée, il y a  de forts risques que nos jeunes aillent consommer d’autres offres à travers l’internet avec la médiatisation à outrance de certaines idéologies. Je crois que les confréries arrivent à maintenir la situation d’apaisement avec un discours rassurant qui satisfait encore les jeunes à des taux autour de 70%. Des  jeunes se réclament appartenant à une confrérie à un taux de 95%. Maintenant, il reste une forme d’adaptation du message aux nouveaux canevas de communication moderne tel qu’Internet. Il  faut que nos chefs religieux investissent ces canaux de communication pour que leur message puisse être perpétué.

Surtout que les réseaux djihadistes investissent ce créneau aujourd’hui ?
Le point fort du salafisme dans la communication, c’est qu’il utilise la modernité technologique, les moyens de communication modernes pour mieux combattre la modernité sociale. On l’a vu, c’est ce que j’appelle ce paradoxe de l’élitisation de l’extrémisme. Ce ne sont pas seulement des ignorants mais des gens qui sont en quête de sens, en quête de spiritualité, de sorte que si nous n’arrivons pas à trouver des réponses à ces jeunes-là, ils vont aller s’inspirer d’autres modèles. Ce qui serait dommageable pour cet héritage de paix et de spiritualité.

Est-ce que la politisation de l’espace religieux n’est pas à l’origine de cette érosion de la confiance de certains jeunes envers les chefs religieux ?
J’ai toujours défendu l’idée selon laquelle les confréries sont un rempart contre le danger de l’extrémisme violent, si les confréries arrivent à sortir de l’image qu’on leur donne souvent en accointance toujours répétitive avec tous les régimes politiques qui passent, elles ont un travail de socialisation très important. Si les confréries arrivent à rendre didactique leur message et l’adapter aux nouveaux canevas de la communication moderne. Il faut ces deux conditions, parce que si les confréries continuent à être perçues par les jeunes comme étant aux soldes du pouvoir politique où se mêlant de la chose politique, elles vont finir par être confondues au système. Or dans cette configuration, il arrive qu’on les rejette. C’est à ce danger-là qu’il faut parer. Dans les confréries aussi, il y a un mouvement de réforme, de réflexion profonde. Un travail important est en train d’être fait à travers l’internet, des portails spirituels confrériques qui sont en train de s’adapter à la nouvelle réalité qui est l’investissement des réseaux sociaux.

La dualité de l’offre éducative est-ce quelque chose d’assez compliquée pour notre système social ?
La recommandation la plus importante formulée dans ce rapport, c’est que notre Etat donne toute leur place à ces élites arabophones, facilite leur insertion. Il faut trouver une solution pour ces élites diplômées d’université, spécialisées dans plusieurs domaines et qui n’arrivent pas à s’insérer à cause de la barrière linguistique. La langue officielle étant le français, des efforts ont été faits avec l’instauration du Bac arabe, la réouverture de la section arabe de l’Ena, mais je pense qu’il faut aller plus loin. Je pense à une initiative qui va au-delà du Bac arabe. C’est bien d’avoir un Bac arabe unifié parce qu’avant on pouvait passer plusieurs Bac arabe à Dakar avec des curriculums que nous ne contrôlions pas. Par la grâce de Dieu, nous avons un baccalauréat arabe avec un curriculum sénégalais fait par des Sénégalais. Mais la question n’est pas résolue, parce qu’une fois que ces jeunes obtiennent le Bac arabe, ils n’ont pas beaucoup de choix sinon aller au département d’Arabe ou bien Etudes islamiques. Il  faut aller plus loin, il faudrait que l’Etat avec ses partenaires essayent de mettre en place des dispositifs permettant à nos bacheliers arabes, d’être capacités en langue française, suffisamment capacités pour qu’ils puissent suivre à l’université n’importe quelle filière, le droit, l’économie pour que nous puissions former des citoyens sénégalais avec un curriculum unifié. Et que l’école sénégalaise puisse bénéficier de tous ces apports, de tous ces héritages (africain, arabo-islamique, occidental). Je ne crois pas que c’est dans l’opposition des héritages que nous allons régler nos problèmes mais dans la conjugaison des héritages. C’est dans la conjugaison des accords que l’homo Senegalensis  dont on parle avec la citoyenneté modèle pourra enfin émerger.

Dans votre étude, vous soulignez que selon certains jeunes la présence militaire étrangère constituerait une menace, en quoi pourrait-t-elle l’être ?
C’est une étude de perception, Timbuktu Institute n’affirme ni infirme, il rend compte d’opinions, données, formulées par des jeunes à travers un questionnaire ouvert. Les jeunes sont assez partagés sur la question il y a environ 48,3 % qui pensent que la présence militaire étrangère peut constituer un facteur de risque pour le pays. Dans cette perception, là on voit que c’est de la même manière que les jeunes sont partagés parce que quand il s’agit d’apprécier l’efficacité des mesures prises par l’Etat pour combattre le terrorisme ils sont 49% à dire que les mesures de l’Etat sont efficaces. Il y a aussi une surprise du point de vue des institutions auxquelles ils font confiance pour la résolution de la crise au Sahel, on positionne les Nations unies à hauteur de 35%, l’Union européenne environ 4% de taux de confiance, derrière la Chine et l’Arabie Saoudite et les pays du Golf.

Pourquoi le choix de la banlieue pour mener une telle étude ?
Certains ont dit qu’avec ce choix nous étions  en train de stigmatiser la banlieue, loin de nous cette idée. Au contraire, je dis chapeau à ces jeunes, je suis impressionné par ces derniers. Etant dans une situation de précarité, de chômage, d’enclavement, d’absence de perspective, et rejetant à 90,3% l’engagement dans un groupe Djihadiste,  l’extrémisme. Loin de moi toutes formes de stigmatisation de ces jeunes de la banlieue qui ont cette forme de lucidité, des opinions très claires sur un phénomène assez complexe et en répondant calmement, avec honnêteté sur le chômage, la précarité etc. Nous avons choisi la banlieue parce que ça fait un moment qu’on en parle, des quartiers ont été évoqués, nous avons voulu tâter le pouls pour voir. Pour nous ce qui était plus important c’est surtout ce que les jeunes ont dit à Timbuktu et qu’il a voulu transmettre aux autorités. Le Sénégal a cette chance de demeurer dans un ilot de stabilité dans un océan d’instabilité qui est la région Ouest africaine, grâce à des acquis considérables, des chefs confrériques, des mouvements islamiques qui de plus en plus produisent un discours de paix et qui veulent même s’impliquer dans la prévention de la radicalisation et l’engagement de la société civile. Et surtout un système éducatif qui fonctionne bien. Pour demeurer cet ilot de stabilité, il faut qu’on préserve ces acquis et que le Sénégal ne suive pas un chemin va-t-en guerre du terrorisme, qu’on mise sur la force de nos résiliences communautaires qu’on est en train de construire. Et qui apparemment fonctionne et que les partenaires au développement comprennent que les mesures strictement sécuritaires ont montré leur limite en Afghanistan, au Mali. On ne peut pas vaincre une idéologie par une kalachnikov, ni par un code pénal. Nous sommes dans une région où l’achat d’un char de combat vieux modèle coûte plus cher que la construction d’une école. Le choix doit être vite fait, entre la prévention aujourd’hui avec un système éducatif performant et lutter contre les inégalités sociales dans la prévention de tous ces phénomènes, ou bien attendre que ça arrive. Les interventions militaires ont toujours eu des effets non-souhaitables, elles ont même aggravé le phénomène de la radicalisation.

Est-ce que ces jeunes radicalisés doivent bénéficier d’une politique de déradicalisation ?
Beaucoup parlent de déradicalisation, je n’aime pas le mot, ça a été forgé ailleurs et il ne faut pas qu’on accepte qu’on nous l’impose. Nous travaillons sur le concept d’auto-réhabilitation par inclusion sociale. Ces jeunes-là autant les conditions sociales sont dures, les conditions économiques sont dures mais ce sont des jeunes courageux ambitieux qui veulent travailler servir leur pays et s’intégrer. Ils ne sont pas dans une forme de rejet de leurs pays, ils sont dans un ardent désir d’inclusion et d’intégration il faut les aider sur ce chemin-là.

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4 Commentaires

    • Desole mais ce monsieur est un pseudo-intellectuel comme on en fabrique tous les jours au Senegal. Nos confondons « diplome » et « intellectuel » et c’est pourquoi nous tombons toujours dans les meme travers. Il a une certaine haine des arabes qui semble etre le prisme par lequel il fait toutes ses analyses. Il parle de jihadisme pour se donner de l’importance en tant ‘qu’expert ». Nous avons toute une myriade d’universitaires steriles, rien n’evolue au Senegal, rien n’est repertorie ou ameliore, ni la pensee et encore moins la technologie.

  1. Je reste sur ma faim en lisant ce long interview. Je ne sais comme comment et sur quoi est basée cette « étude » Par exemple, Monsieur Sambe nous dit qu’il n’aime pas le terme « déradicalisation », pourtant, il nous parle à volonté de jeunes radicalisés. Et à aucun moment il ne précise en quoi consiste cette radicalisation. Je veux savoir : qu’est ce que être radicalisé dans ce Sénégal ?! Par ailleurs, on voit clairement les limites de son « étude » car on ne voit n’arrive pas à percer le profil de ces personnes enquêtées : sont-ils des personnes « radicalisées » ou des personnes parfaitement normales, monsieur-madame-mademoiselle tout le monde, quoi à qui on demanderait « juste » leur opinion sur le terrorisme et ses causes ? Auquel cas, son questionnaire pourrait être soumis à n’import qui… Monsieur Sambe nous parle de science. C’est un beau terme pour enfumer les gens. Pour faire croire que tout le monde n’a pas la capacité de comprendre. Ca c’est le Sénégal ! Enfumer, enfumer. Mais même dans ce cadre, les base de son sondage et les questions posées sont scientifiquement sujet de questionnement comme souligné plus haut. D’ailleurs il ne répond pas la question du pourquoi il a choisi la « banlieue » Voila donc un « scientifique » qui ne se débarrasse pas des ses idées préconçues.
    En parlant de science, Monsieur Sambe oublie que le terrorisme n’est pas une affaire de société. C’est avant tout une question géopolitique. Ce n’est pas un expert et dans son équipe il ne doit pas avoir de spécialiste de ces questions liées au territoire et à la politique, notamment dans leurs aspects les plus conflictuels. Ce qui explique son erreur sur l’analyse du « terrorisme » au Mali, qui ne découle pas des problème de société et sociaux qu’il aime bien décrire (manque d’éducation, problèmes d’infrastructures sanitaires, éducatives, sous emploi, chômage en relation avec un endoctrinement aux origines étrangères – les pays arabes sous entendu-), mais bien d’un problème plus important, relevant justement de la géopolitique. Sans le conflit libyen, aurait-on eu des djihadistes au Mali ? La situation au Mali découle d’un fait particulier (la crise libyenne combinée à la porosité des frontière dans tout le Sahel, sans oublier la mauvaise lecture de l’ancien Président malien ATT). La pauvreté et tout ce qu’il décrit sur l’éducation, la santé, la crise des valeurs notamment envers les anciens a toujours existé au Mali (et existera sans doute toujours). Mais pourquoi ce moment particulier ? Le terrorisme n’est en rien un question de crise sociale. C’est un leurre que les occidentaux ont pointé pour mieux nous berner. Les enjeux sont ailleurs. Mais en ce qui nous concerne, le rapport de Monsieur Sambe fait comme si nous étions de fait confronté au terrorisme, alors que c’est complètement faux ! Le Sénégal peut être confronté au terrorisme, mais ne faisons pas comme si c’était le cas, et qu’il y a une armée bien organisée qui serait là pour déstabiliser le Sénégal. Non ! Non ! Notre beau pays peut certes être frappé par ces sauvages. Ce qu’il y a d’important ce de savoir que nulle part, le terrorisme n’est une affaire d’éducation ou de je ne sais quoi. Demandez au anglais, espagnols, français ! Le terrorisme est avant tout une question de sécurité au plan national. Laissons ce travail à nos services compétents et laissons les travailler comme il le font DEPUIS TOUJOURS, dans la discrétion et l’efficacité. Au plan international, c’est également une question de sécurité. Dans un pays en conflit (Mali, Afghanistan…) ou dans un pays qui ne contrôle pas son territoire (Mali, Nigeria…), il y a d’important risque que des bandes armées veuillent faire la loi. qu’il le fasse au nom de la religion (Islam) ou au nom d’autre chose. Ceux qu’on a nommé djihadistes au Mali étaient de simples brigands qui n’avaient rien à voir avec l’Islam mais qui voyaient là un créneau facile pour faire prospérer leurs affaires… dans le déni des valeurs de l’islam. Mais c’est parce qu’il y avait une situation de non droit que cela leur était possible, et non parce qu’ils avaient reçu une mauvaise éducation. C’est donc une question d’Etat de droit (qui garantit la sécurité est les acquis sociaux si chers à Monsieur Sambe) et de sécurité dont il s’agit. Cettye situation au Mali ne serait pas possible dans un pays en paix, même si le terrorisme peut frapper partout. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut une situation favorable, liée à l’insécurité et à l’absence de l’Etat sur plusieurs question et particulièrement sur celle-ci (la sécurité, l’absence de paix, le conflit), pour qu’on assiste à ce qui s’est passé au Mali.
    Je n’ai pas le temps de tout analyser. Mais retenons que Monsieur Sambe prétend que que ce sont les confréries qui protégerait les Sénégalais de l’extrémisme. Ce qui est étonnant d’un « scientifique » c’est cette non prise en comme du recul nécessaire. Dans le passé (colonial) ces confréries ont été accusé de déstabilisation de l’ordre social et politique. Cette perspective historique nous nous pousser à être moins catégorique sur les mouvement qui se prétendent réformistes. Mais bon passons…. Monsieur Sambe semble ignorer que ces confréries ont leurs propres fanatiques. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire sur elles, sinon… la violence s’installe, et on a déjà vécu ces cas. Passons… Il ne doit pas oublier que nous avons une culture de la tolérance en dehors des confréries et en dehors des religions. Le Joola et son ami Sérère, c’est quand même important ! Eh oui, les liens sanguins, culturels… sont à prendre en compte dans toute analyse. Cette parenté qui lie les différents groupes ethno-linguistiques sont source de paix. Le chrétiens Sénégalais verra toujours le musulman Sénégalais comme son frère, et vice versa, pour entre autres ces raisons…
    Je suis d’accord avec Monsieur Sambe sur quelques points. Notamment sur la culture de la paix et de la tolérance (je préférerai le terme respect). L’éducation, la culture… sont des remparts contre les extrémismes. Il nous faut une culture de paix, d’amour, de justice, du vivre ensemble en tenant compte de nos différence, du respect mutuel. Mais dans tous les cas, il faut un Etat fort et juste pour nous protéger contre toute menace extérieure ou intérieure.
    Quant à Monsieur Sambe, je crois que son idée de départ était louable. Il faut bien connaître ces phénomènes qui nous assaillent pour les comprendre, pour prévenir leurs conséquences dévastatrices. Mais il ne sert à rien de courir. Prenons le temps de la réflexion, le temps d’élaborer et de maîtriser les concepts (je reviens à « radicalisation », voire même à charia, qui n’a pas forcément le même sens au Sénégal et en France…). Prenons le noms d’analyser un certains nombre de phénomènes sociaux, politiques, économiques, sécuritaires, internationaux. Prenons le temps de comprendre les bouleversements du monde (il s’allier avec les USA, alors que ce pays est créateur de terrorisme, n’est ce pas contradictoire ?). Les questions géopolitiques sont, il me semble plus déterminantes dans ces problématiques, que la question de la connaissance de la religion, des question de prise en charge de la pauvreté ou autre.
    Nos encouragements Monsieur Sambe. Soyez tout simplement ouvert à la critique (pas seulement des scientifiques, mais de tout citoyen). La critique qui est l’essence de toute science.
    Wa Salam.

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