Entretien exclusif avec Djibo Ka: « En temps normal, le mandat du président de l’Assemblée nationale est de cinq ans »

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ans cet entretien, le Secrétaire général de l’Union pour le renouveau démocratique (URD) et non moins ancien ministre de l’Intérieur, Djibo Leyti Ka, se prononce sur : le mandat du président de l’Assemblée nationale, la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif, l’insécurité grandissante… Il s’insurge également contre les coalitions de partis qui représentent, à ses yeux, un danger pour la démocratie.

Le mandat de Moustapha Niasse doit être porté à un ou cinq ans ?

Le débat sur le mandat du président de l’Assemblée est très personnalisé. Comme c’est un débat de personnes, je n’y entre pas. Les gens ne sont pas capables de parler de principes. Dans le principe, le mandat du président de l’Assemblée nationale est de cinq ans. Mais, c’est en temps normal. Actuellement, ce n’est pas ce que nous avons au Sénégal. C’est pourquoi, je veux rester neutre dans ce débat. Ce qui est dangereux, maintenant, c’est d’avoir un président de la République qui a un président de l’Assemblée nationale qui n’est pas de son parti. C’est une coalition de circonstance qui a mis l’un et l’autre à la place où il est, aujourd’hui. Ce qui change complètement les données du problème.

Comment expliquez-vous la mainmise de l’exécutif sur le législatif ?

D’abord, la séparation des pouvoirs n’a jamais existé au Sénégal. Depuis Senghor et Mamadou Dia, Senghor /Lamine Guèye, Senghor/Amadou Cissé Dia, en passant par Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et jusqu’à Macky Sall. L’Assemblée nationale a toujours obéi au palais. C’est le Palais qui manœuvre tout. C’est une question structurelle. Parce que le président de la République est en même temps président d’un parti. Cela n’existe maintenant qu’au Sénégal. C’est une belle exception sénégalaise. Le président de la République doit être au-dessus de la mêlée, pour incarner la nation et le pays. C’est pour pouvoir porter des arbitrages objectifs. Tant que cela n’est pas réglé, le législatif se soumettra toujours à l’exécutif. Au Sénégal, c’est le parti qui prime sur l’Etat. Or, cela devait être l’inverse. Cela me rappelle l’Union soviétique où il y avait la primauté du parti sur l’Etat. Cela était un débat farouche durant notre jeunesse. On s’est rendu compte qu’on s’est trompé en défendant, à un moment, la primauté du parti sur l’Etat, alors que cela devait être le contraire. Car, l’Etat est éternel. Si l’Etat reste debout, tout est possible. Si l’Etat s’écroule, tout s’écroule.

Pour cela, il faut trancher ce débat par une loi qui interdise d’être président de la République et chef de parti. C’est une question de fond qui va se poser au pays et dont il faudra débattre un jour. En tant qu’homme politique, je souhaite qu’on verrouille cela à jamais dans la Constitution. Je ne personnalise pas le débat. C’est question de principe.

Est-ce que la sécurité des personnes et des biens est si inquiétante ?

Je le pense. Nous constatons tous les jours qu’il y a des morts d’hommes à cause des agressions à Dakar. Et maintenant, on constate qu’il y en a de plus en plus en campagne, si l’on se réfère à ce qui s’est passé à Darou Mousty. Donc, c’est un débat de fond que j’ai voulu ouvrir à l’Assemblée nationale. Parce que c’est un problème national, maintenant. On a fait deux constats : la Police n’a pas assez de personnel pour être partout, la Gendarmerie non plus ; le pays a changé, en termes de mentalité et de culture. On est un pays ouvert, nos frontières sont poreuses.

Quel regard portez-vous sur le ministre de l’Intérieur qui est quelque part votre prédécesseur à ce poste ?

Je remercie le ministre de l’Intérieur, Pathé Seck, c’est un homme de l’art. Si on le laisse travailler, il fera un bon travail. Il n’a pas d’émotions, c’est un homme froid qui ne panique pas. Ce n’est pas un homme agité. C’est un homme calme. Il est silencieux. Un ministre de l’Intérieur ne doit pas parler beaucoup. S’il parle, c’est pour dire quelque chose d’important ou pour rassurer. L’émotion tue le ministre de l’Intérieur. C’est le seul ministre qui ne dort pas tranquillement depuis Napoléon. Le ministre de l’Intérieur doit être de sang-froid. Il doit être entouré d’hommes et de femmes compétents, aguerris.

Que pensez-vous de l’Agence nationale de la sécurité (ANS). Qu’en pensez-vous ?

Il me semble que c’est une promesse de campagne de Macky Sall. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Bref, le ministre de l’Intérieur, nous a annoncé la création d’une Agence nationale de la sécurité (ANS) de proximité, pour renforcer la Police et la Gendarmerie. C’est une idée que je partage. Je crois que c’est un raccourci pour être efficace. C’est une question de rapidité, mais à condition qu’elle soit intégrée dans la Police et la Gendarmerie. L’ANS ne doit pas être une structure autonome de la Police. Sinon, elle sera une excroissance de la Police et cela sera dramatique. Cela va être la source de divisions graves, dont on sait où elles commencent mais jamais où elles se terminent. Le ministre de l’Intérieur nous a rassurés dans ce sens. Elle ne sera pas une milice, dit-il.

Les soupçons de l’opposition sont-ils fondés ?

Pas pour moi. Je n’en fais pas partie. Je fais confiance à ce que m’a dit Pathé Seck, en tant qu’homme de foi et de loi. Je le prends au mot jusqu’à preuve du contraire. L’Agence nationale de la sécurité n’est pas encore créée, j’attends de voir. Pour le moment, on a parle comme en l’air. Pour une chose aussi importante, on ne peut pas en parler sans un texte de base. Le texte n’est pas encore arrivé à l’Assemblée nationale.

Quel sera le statut de ceux qui seront recrutés ?

Les gens ont parlé de « Calots bleus » (Nom donné à ceux qui assuraient la sécurité de Abdoulaye Wade dans l’opposition Ndlr), attendons de voir. A l’assemblée nationale, Pathé Seck a dit que les agents qui vont composer l’ANS seront recrutés dans leur département de résidence. J’attends de voir.

Quelles sont les causes de la montée de la délinquance ?

Les causes sont nombreuses. Il y a la pauvreté, l’environnement global du pays avec des frontières poreuses et les images qui nous viennent de l’extérieur. Il y a maintenant de nouvelles formes d’agressions avec des armes blanches, des fusils. De plus, les malfaiteurs agissent maintenant en bandes organisées. On constate même qu’il s’y trouve des femmes, qui sont plus atroces que les hommes. C’est la mondialisation, à laquelle il faut beaucoup prêter attention. Cela me rappelle les évènements de 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie. Ce jour-là, ce sont de nouvelles formes d’agressions que j’ai vues. J’étais surpris de ces agressions qui n’existaient pas au Sénégal. Depuis lors, on est devenu un pays violent. C’est la raison pour laquelle il ne faut jamais dormir sur nos lauriers. La sécurité d’un pays et des personnes et des biens incombe d’abord et avant tout à l’Etat. S’il ne le fait pas, il a échoué dans une de ses missions régaliennes. C’est un drame pour un pays. Et cela va être chacun pour soi, Dieu pour tous. L’Etat a intérêt à s’armer de courage et de fermeté. Il ne faut jamais reculer, il ne faut jamais paniquer devant les menaces.

On dit souvent que la Police et la Gendarmerie manquent de personnel…

On peut le dire. Mais, il faut reconnaître que dans la Police et la Gendarmerie, on a des hommes et des femmes très compétents. Il suffit juste d’accroître les effectifs par un recrutement massif sur cinq ans. Si chaque année, on recrute 1000 dans la Police, cela va faire 5000 hommes et femmes au bout de cinq ans. On doit en faire de même pour la Gendarmerie. Ce sont ces deux corps-là qui doivent veiller sur la sécurité des personnes et des biens. Mais, ils doivent pour cela s’appuyer sur un bon service de renseignements.

Est-ce que le Sénégal est à l’abri d’attaques terroristes ?

Je pense qu’il faut qu’on mette en place, entre le Mali, la Mauritanie, la Guinée, la Guinée Bissau et la Gambie, un système de concertation permanente sur la sécurité aux frontières. Chaque mois, au moins, ils doivent faire le point sur les questions de sécurité. Ces cinq pays qui entourent le Sénégal constituent la ceinture de feu. Les menaces terroristes sont réelles dans ces pays et même à l’intérieur de chaque pays. Parce qu’il y a des cellules dormantes. Qu’elles s’endorment pour toujours (rires). C’est une forme de lutte qui doit concerner tout le monde.

Un recrutement de mille policiers est annoncé à partir de juillet…

C’est une très bonne chose, mais, je rêve d’un plan quinquennal pour les deux corps. Ils doivent être équipés et modernisés.

L’Urd participera aux élections locales ?

Bien sûr. On aura des candidats partout.

 

L’ANS ne doit pas être une structure autonome de la Police. Sinon, elle sera une excroissance de la Police et cela sera dramatique. Cela va être la source de divisions graves, dont on sait où elles commencent mais jamais où elles se terminent.

 

En coalition ?

Je suis contre les coalitions de partis aux élections législatives et locales. Il faut qu’on arrête cela. On ne voit les coalitions pour aller à ces élections qu’au Sénégal. Ailleurs, les gens vont aux élections et, après, ils forment des coalitions au parlement ou dans les assemblés. Au Sénégal, on masque tout. Que les masques tombent donc ! Les gens entrent dans les coalitions pour masquer leurs faiblesses, pour faire nombre. Ils n’ont pas le courage d’aller seuls aux élections. Je dénonce les coalitions informes sans queue, ni tête. Si on veut financer les partis politiques, on le fera sur la base de quels critères ? Il n’y en a pas. A l’Assemblée nationale, les grands partis sont noyés dans les alliances. Ce n’est pas sain pour la démocratie. Il faut qu’on interdise cela par une loi. Je proposerai bientôt une loi à l’Assemblée nationale pour qu’on interdise les coalitions aux législatives et aux locales. La présidentielle est différente. C’est la rencontre d’un homme avec le peuple. Les partis peuvent se mettre derrière un homme. Mais, pour les locales et les législatives, on ne peut pas s’allier avant.

Propos recueillis par Mamadou SARR

lagazette.sn

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