Et si le Haut Conseil des Collectivités Territoriales n’était pas une institution de plus ?

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Et si le Haut Conseil des Collectivités Territoriales n’était pas une institution de plus ?
Après le vote du référendum durant lequel le oui a pris le dessus sur le non, la suite logique était que l’on matérialise les nouvelles dispositions constitutionnelles. C’est dans ce cadre que le Président de la République a décidé de donner forme et vie au Haut Conseil des Collectivités Territoriales(HCCT).
Une structure de plus pourrait-on dire dés lors que le Sénat s’est vu délivré son acte de décès pour des raisons qui semblent pouvoir être judicieusement évoquées à l’encontre de la nouvelle institution.
Une trompette que des partis de l’opposition, parmi lesquels le Rewmi, le grand parti et une frange du PDS ont opportunément décidé d’emboucher en brandissant la pancarte du boycott au motif principal qu’ils ne pouvaient ou ne devaient concourir pour des postes d’une structure qu’ils auront combattu de toutes leurs forces et qu’au surplus, il s’agit d’une structure de plus, destinée principalement à caser une clientèle politique.
Des arguments qui, confrontés à la réalité de la décentralisation, finissent par convaincre de leur totale absence de pertinence, mais aussi et surtout, d’une démarche à courte vue de la part de ceux qui les invoquent.
D’abord, ils auront oublié de se rendre à l’évidence. En effet, l’arme du boycott a toujours été inopérante au Sénégal et un bref retour sur le passé politique récent leur aurait permis d’appréhender le danger qui les guettait. En effet, le fameux boycott du Front Sigguil Sénégal en 2007 avait fini par se transformer en un redoutable boomerang politique qui n’aura pas épargné ses auteurs. D’où notre conviction que cette arme politique peine encore à convaincre de son efficacité et que son échec patent a d’ailleurs été à l’origine de la mise en place des assises dites nationales.
De grandes rencontres de l’opposition qui nous ont toujours renvoyé l’image d’une trouvaille uniquement destinée à sortir les candidats au boycott de l’anonymat dans lequel leur incurie les avait plongés.
Pour ces nouveaux adeptes de la chaise vide, cette leçon de l’histoire a été apprise dans la douleur. En effet, malgré leur mot d’ordre, une bonne frange de leurs conseillers a participé au vote, effritant dangereusement au passage leur autorité. Il eût donc été plus judicieux de participer et, s’il ya lieu, de se mouvoir à l’intérieur de la structure tout en continuant à défendre les principes autour desquels ils ont fait campagne, ou alors, posture plus noble, faire de telle sorte que la nouvelle institution ne soit pas une de plus, en la formatant positivement de la plus vigoureuse des manières possibles. C’était la seule attitude citoyenne qui prévalait, le HCCT étant une institution républicaine, mise en place de manière on ne peut plus honorable, le peuple l’ayant validé par référendum. Il n’appartenait dés lors à aucun citoyen de le rejeter, au risque de ramer à contre courant de la volonté du peuple et de l’histoire ou de se parer d’attributs acquis d’une autorité supranationale qui n’existe que dans sa conscience égocentrique.
Le Président Macky SALL, dans sa volonté de révolutionner le processus de décentralisation, a mis en place l’acte III. Et ce machin (le HCCT), comme l’appellent ses détracteurs, n’en est que le prolongement logique et n’est en réalité, qu’un nouveau rendez- vous avec l’histoire contemporaine des collectivités locales. Le boycotter, c’est manifestement se mettre en marge de la volonté du citoyen et rater le train de l’histoire. Ceci pour la bonne et simple raison qu’en partant du postulat que les structures ne valent que par la valeur et la compétence des hommes et des femmes qui les animent, on peut arriver à la conclusion que le HCCT ne sera naturellement pas ce que le Président de la République en fera, mais ce que ses animateurs en feront.
Du reste, il faut savoir gré au Président d’avoir, par la force de ses convictions, traduit une vision en acte. Il appartient désormais aux Hauts Conseillers de prendre de la ‘’hauteur’’ dans le but de trouver des points d’équilibre et d’aller vers des avancées majeures en veillant à ne pas décevoir les sénégalais qui ont de plus en plus la fâcheuse impression que la politique ne sert que les hommes qui en sont les acteurs. En somme, ils sont dans l’obligation d’imposer les lignes de la morale et des valeurs au sein de l’institution.
Le Président a déjà tracé deux lignes dans le sable pour les citoyens, en instaurant la territorialisation des politiques publiques adossée à l’approfondissement de la décentralisation consacré par l’acte III.
Je ne trahis pas de secret en faisant noter que cette option du Président quant à l’acte III procède d’une vision théorisée et déjà expérimentée en 2005. A l’époque Premier Ministre, Macky SALL posait déjà les jalons de la térritorialisation dans un programme dénommé PRAESC (Programme de Relance des Activités Economiques et Sociales en Casamance), dans lequel le département, territorialement plus homogène que la région, a été identifié comme l’entité la plus adaptée au déploiement et au contrôle citoyen des activités.
C’est ainsi qu’au plan institutionnel, des Comités Départementaux de Pilotage du programme ont été mis en place. Composés des représentants de l’Etat et des forces vives du département, ils étaient chargés de valider, de contrôler et d’évaluer les réalisations sur le terrain.
Cette démarche novatrice avait permis de mettre en place et de d’exécuter un projet dénommé PARC (Projet d’Appui d’urgence à la Reconstruction de la Casamance), réalisé à 120 % et primé comme l’un des meilleurs projets de la Banque Mondiale en Afrique de l’Ouest.
Mes conclusions à l’occasion de l’évaluation de ce projet clôturé en 2009 s’inscrivent en droite ligne de cette vision et présageaient de la mise en place de l’acte III « le département, entité territoriale ignorée dans la mise en place de la stratégie de la décentralisation (cantonnées dans les régions et les Communautés Rurales), devient le principal centre d’intérêt d’une gestion de proximité, avec la mise en place des antennes départementales. En effet, la déconcentration a pris en charge les différentes strates territoriales de la Communauté Rurale (sous préfet) à la Région (gouverneur) en passant par le Département (préfet) ; ce qui n’est pas le cas pour la décentralisation.
Le département, circonscription administrative et territoriale qui comporte une réalité sociologique plus marquée que la région a été oublié. Si l’on trouve le pendant du gouverneur dans la région (Président de Conseil Régional) et celui du sous- préfet dans la Communauté Rurale (Président de la Communauté rurale), il n’en est pas de même dans le département, d’où l’urgence de mettre en place une nouvelle organisation à l’échelle départementale.»
L’acte III vient confirmer ces allégations, même si, à mon sens, la qualité des outputs n’est pas totalement conforme à la commande initiale du Président de la République.
En effet, l’approfondissement de la décentralisation ne se limite pas à une simple décision politique. Sa mise en pratique doit en trancher le nœud gordien notamment en allant jusqu’au chiffrage des politiques, à l’analyse précise des coûts des compétences transférées et à un dialogue constant entre les concepteurs institutionnels et juridiques d’une part et les conseillers (municipaux et départementaux) et comptables publics de l’autre.
Il est donc normal que les élus de la décentralisation prennent le relais dans le but d’affiner cette réforme majeure et d’en tirer le meilleur profit, en prenant en charge le souhait citoyen, maintes fois exprimé, d’une perspective politique progressiste forcément liée à l’approfondissement de la souveraineté locale.
Le HCCT sera une institution consultative sur la vie des territoires qui se prête plus à la dépolitisation et à l‘éclosion de l’expertise, au contraire du Sénat qui était une deuxième chambre délibérative qui s’apparentait plus à l’Assemblée nationale. Son rôle, par conséquent, sera d’organiser le dialogue entre les services de l’Etat et les collectivités territoriales en mettant le citoyen au cœur de ses préoccupations.

Pour ce faire, les membres doivent bien comprendre qu’ils ont tout à gagner à poser les vrais problèmes et à servir de creuset de réflexion et d’action pour permettre aux acteurs de comparer leurs expériences, de chercher des réponses à leurs défis communs, d’identifier les bonnes pratiques et de travailler à la coordination et à l’harmonisation de leurs politiques.
Une de ses conditions de réussite sera pourtant d’enjamber cette mission basique en travaillant à organiser différemment ce débat avec comme finalité la mise en capacité des territoires et le renforcement de la qualité du plaidoyer en direction des autres acteurs publics et privés nationaux et internationaux. Le défi étant d’aider à mieux définir, comprendre, fusionner et accompagner les différentes logiques de développement mais surtout de coopération,
en vue d’aboutir à une plus large et plus efficace coopération sociale et citoyenne au Sénégal.
Sur le même versant, un autre défi à relever par le Haut Conseil reste le déficit de capacités administratives généralement imputable au manque d’expertise des agents de l’Etat (interroger les modules de formation) et aux réticences des spécialistes dédiés au niveau local, à l’approche très politisée de la gestion locale, mais encore à la taille microscopique de certaines communes.
La capacité administrative comprend les ressources managériales, humaines, techniques et financières et l’aptitude d’une institution administrative à faire face à ses responsabilités de façon efficiente et efficace.
Cette notion de « capacité administrative » est un préalable à toute prise en charge efficiente des compétences transférées. Elle permet de respecter l’obligation d’offrir des services publics de bonne qualité mais aussi de qualité comparable à tous les citoyens et suppose naturellement que la collectivité soit en mesure de manager ses compétences de façon convenable.

Cette qualification institutionnelle passe notamment par une nouvelle définition du rôle de l’élu local, non pour aller dans le sens de l’affaiblir mais de le responsabiliser davantage en réaffirmant son rôle et en le réarmant au plan moral et juridique. Un vaste programme pour le HCCT qui doit accoucher d’une nouvelle façon de faire la politique au double plan local et national.
Un autre grand chantier du HCCT est l’approfondissement de la décentralisation financière. En effet, le transfert de responsabilités vers l’échelon local doit normalement s’accompagner du transfert obligatoire du financement correspondant. Ce qui ne semble pas être le cas au vu des récriminations et autres complaintes des maires et des agents sous leurs ordres. Il s’agira donc de déterminer des règles d’évaluation de coûts, qui seront partagées et validées, afin de permettre au gouvernement de budgéter équitablement les fonds nécessaires à la prise en charge de toutes les compétences transférées.

Etant entendu que ce dernier, de son côté, va travailler à consolider l’autonomie financière locale et à introduire des critères objectifs pour les transferts aux collectivités locales, s’inspirant d’objectifs de péréquation financière indispensable au développement équilibré du pays.

A cela, il faut ajouter la prise en charge de la fiscalité locale, qui devra mettre le curseur sur l’élargissement et l’approfondissement de l’assiette et du recouvrement de manière à accroître et optimiser les ressources. Il s’agira de trouver une stratégie efficace contre la fraude et l’évasion fiscale en faisant appel aux différents spécialistes en fiscalité locale qui ne sont plus légion.

Voilà pourquoi je souscris à un point de vue différent de celui des pourfendeurs du HCCT. Convaincu que je suis que la prise en charge de ces défis demande certes de la rigueur et de l’abnégation, mais ne nécessitera pas de renverser la table. Il suffit juste d’éviter de tomber sous le pouvoir lénifiant de la mauvaise volonté et de la paresse, qui, seules, pourront faire que le HCCT devienne ce qu’elle ne doit pas être : une institution de plus.

Boucar DIOUF Coordonnateur National de la CIAR (Convergence d’Idées Autour de la République)
[email protected]

1 COMMENTAIRE

  1. Mon cher je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi. Le SENEGAL fait partie des 25 pays les plus pauvres du monde on ne peut pas se permettre de créer des institutions pour caser de la clientèle politique d’ autant plus qu’on a un ministère chargé de la décentralisation,l’association des
    maires,l’association de élus locaux etc…
    Une institutions ou la majorité des désignés ne feront que chanter les mauvaises performances de ce régime en place pourquoi dissoudre une institution pour en créer une autre suivez mon regard ton ami fait du Wade sans Wade et pire méme .On ne peut pas vouloir une chose et son contraire les candidats au boycott ont raison et l’ avenir leur donnera raison.
    Il faut plutôt dénoncer les dérives de ce qui ne veut ni la transparence ni la bonne gouvernance dans les affaires de la cité,à la limite ceux qui dénoncent les dérives de ce régime sont les ennemis qu’il faut diaboliser.

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