Ex-Administrateur Fpe: «Je n’ai pas voulu défier l’Etat»

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Ndèye Khady Guèye, ancien Administrateur des ADM et du FPE, s’est confiée à nos confrères de « Walfadjri » et s’est expliquée sur plusieurs points lié à la mutation du Fonds de Promotion économique (Fpe) en Banque de Développement de la Petite et Moyenne Entreprise (Bdpme). Un projet qui tarde à être effectif, même si cela a été déjà fait par décret. Le retard est-il le fait de l’obsession des nouvelles autorités de cette banque à vouloir, coûte que coûte, la confondre alors que le Fpe est régulièrement audité depuis 2003. Morceaux choisis de l’entretien avec «Walf Quotidien»…

Limogeage…

«Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je ne suis plus le directeur général de la Bnde (Banque nationale pour le développement économique, Ndlr), parce que je n’ai pas voulu défier l’Etat du Sénégal, qui a commis une faute lourde dans le processus qui a abouti à mon départ de la Bnde. J’aurais pu exiger que les statuts de la Bnde, qui ont été violés en l’une de leurs dispositions, soient respectés au préalable. En effet, le Conseil d’administration qui s’est tenu, ne pouvait valablement délibérer, un des administrateurs n’ayant pas été convoqué. Je n’ai toujours pas de retour sur la correction de cette erreur.

Autre paradoxe : je suis encore, d’un point de vue juridique, l’administrateur du Fpe, dont la liquidation n’a pas été faite! L’argument qui m’est servi est que le Fpe est devenu Bnde mais je pense que quelque part on oublie que je suis maître d’œuvre de tout le processus dont il est question, depuis 2006. Seule la mutation du Fpe a été autorisée par décret; et encore, il s’agit d’une mutation en Bdpme (Banque de Développement de la Petite et Moyenne Entreprise). La nouvelle appellation et les multiples ajustements qu’elle appelle sont négligés, ce qui peut créer à terme un cercle vicieux dommageable pour le projet.

Tout ceci est une incongruité générée par la précipitation, l’intoxication, une volonté incompressible de règlement de comptes, qui ne date pas d’aujourd’hui. Je pense que les plus hautes autorités ont été abusées (la personne concernée est connue et se reconnaîtra, elle qui a mis une énorme pression dans le processus pour éviter que les explications et informations idoines ne soient données à temps).

J’ai cependant accueilli la nouvelle sans surprise, avec fair-play, philosophie. A vrai dire, je m’y attendais, une administration nouvelle devant s’installer. Les hommes passent, les institutions demeurent.

Proximité avec Wade…

Ma proximité avec l’ex-président de la République est réelle et ne date pas de son accession au pouvoir. Elle découle de ses relations avec mes parents et de l’intérêt que son parcours politique, son cursus universitaire, bref sa personnalité ont suscités chez moi, comme chez beaucoup de Sénégalais. La relation hiérarchique que j’ai développée avec lui par la suite est venue la renforcer. Je voudrais profiter de cette occasion que vous m’offrez pour lui rendre un vibrant hommage et le remercier infiniment pour la confiance qu’il a toujours placée en moi et pour tout ce qu’il a fait pour le Sénégal et l’Afrique. Il m’a permis d’ «exploser» professionnellement ; c’est extrêmement important pour le bourreau de travail dont on me qualifie et que je reconnais être, sans complexe.

Abdoul Mbaye à l’origine de votre limogeage ?

Je pense que cette interprétation est erronée. Tout du moins, je l’espère. Je ne saurais comprendre qu’à ce niveau de responsabilités, on puisse tenir ce type de propos, avoir ce raisonnement. Il est vrai que les coïncidences sont troublantes, mais laissons le temps dévoiler tous les secrets, s’il en est. Ce que je puis affirmer, c’est que le Fpe n’a jamais financé le Pds. Cela aurait fait scandale et je n’ai jusque-là été citée dans aucun scandale. Dans ce secteur d’activités, tout se sait, toutes les transactions peuvent être retracées.

Pour ce qui est de mon militantisme politique, il était motivé par le soutien que je voulais apporter au président Wade, qui lui-même ne m’a imposé aucune contrainte. De toutes les façons, je reconnais être davantage une technocrate qu’une femme politique. En politique c’est plutôt la définition étymologique, l’aspect social, altruiste qui m’intéressent. Je me plais à rappeler que je suis originaire d’une zone défavorisée de Dakar: Gueule Tapée, Médina, Fass, Colobane, Fann Hock, et Dakar-Plateau que je ne dissocie jamais parce qu’originellement peuplées des mêmes familles, nos familles. Je partage leur quotidien et essaye d’apporter ma modeste contribution à leurs efforts…

Nous nous connaissons bien pour avoir partagé des positions de pouvoir dans l’Administration Wade. Nos relations ont toujours été bonnes et le sont restées.

Retard démarrage Bnde…

Une banque doit d’abord être agréée par la Bceao, avant d’exercer ses activités dans notre espace communautaire. La Bnde n’a pas encore franchi cette étape. Je profite de l’occasion pour rappeler que l’ex-président de la République voulait, à l’origine, créer une banque dont l’actionnariat devait être privé. J’ai travaillé à rallier le secteur privé, national et étranger, à la Banque de Développement des Pme (Bdpme) qui devait être initialement créée, dans la foulée et le même esprit que l’Adpme. La réaction escomptée ne s’est pas produite.

Je vais faire une révélation : C’est lorsqu’une haute autorité, dont la mission était de fournir l’effort décisif qui débloquerait le dossier, a écrit à l’ex-président de la République pour lui suggérer de surseoir au projet, que celui-ci a décidé de créer une banque nationale, solution qui était devenue la plus accessible, compte tenu des contraintes.

Il fallait alors créer les conditions d’une prise de participation majoritaire de l’Etat du Sénégal et dérouler tout le circuit connexe : exposé des motifs, projet de décret, examen en conseil des ministres puis décret, examen en commission des finances puis adoption en plénière par l’Assemblée nationale, examen en commission des finances puis adoption en plénière au Sénat, avant promulgation.

Dès lors, les concessions faites par l’Etat du Sénégal sur le niveau et la composition du capital social rapportés à la situation nette florissante du Fpe étaient compréhensibles puisqu’il restait lui-même, l’actionnaire majoritaire de la nouvelle banque (82 % avec ses démembrements).

Réduction de la participation de l’Etat à 25%…

De projet, il était question, à terme, je dis bien à terme, dans un délai de cinq ans, de réduire la participation de l’Etat, pour permettre une participation encore plus importante du secteur privé.

Votre bilan depuis 2003?

Le bilan le plus éloquent, c’est la mutation en banque, qui constitue un aboutissement. Je vous renverrai aux états financiers, plus particulièrement aux bilans successifs, qui sont une lecture complète de l’évolution du Fpe, dont la situation nette est de près de 40 milliards aujourd’hui. Je ne reviens pas sur certains détails, car je veux éviter de verser dans l’autosatisfaction. Mais les réalisations sont extrêmement importantes et surprenantes pour moi-même, avec le recul…

Lors de mon départ, seules 3 observations qui n’étaient pas insurmontables persistaient sur les 21 originellement faites par l’autorité chargée de délivrer l’agrément (…).

Le Fpe n’a jamais financé les activités de Me Wade ou du Pds. Vous savez, certaines dérives des gestionnaires sont dues à une volonté de satisfaire le mentor et conserver son poste, coûte que coûte. Quand on maîtrise son dossier, il est possible d’apporter une contribution réelle au bilan de son mentor, en innovant, rationalisant, sans titiller les lois et règlements ou abuser d’une position dominante. C’est vrai que ce n’est pas la voie la plus facile, la plus visible, mais elle est moins démagogique, plus loyale et plus sécuritaire. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, je n’ai besoin de renier personne pour survivre professionnellement.

Projets financés par le Fpe?

Le Fpe a financé près de 30 000 projets, créé 150 000 emplois, permanents et temporaires, agréé plus de 75 mutuelles d’épargne et de crédit dans les 14 régions du Sénégal, a signé des conventions de refinancement avec 13 banques, a injecté plus de 120 milliards dans l’économie. La majorité écrasante de ses réalisations (70 % au moins) a été enregistrée pendant les dix ans de ma gestion. Quatre administrateurs se sont succédé depuis sa création en 1991.

Relations avec la nouvelle administration du Fpe…

Elles sont devenues malheureusement tangentes du fait du comportement du nouveau dirigeant, qui ayant découvert qu’il n’avait malheureusement rien à faire sinon s’atteler à finaliser la procédure d’agrément, s’est inscrit dans une dynamique belliqueuse et grossière d’investigation et d’intimidation insensées et rétrogrades. Il recherche inlassablement, obstinément de «gros lièvres» à soulever. Il n’a pas pu en soulever parce qu’il n’en a pas vu. Il n’en a pas vu parce qu’il n’y en a pas, tout simplement. Je trouve ce comportement pathétique.

Dans le nouveau pouvoir pour échapper à un audit?

Le hobby de la nouvelle direction, c’est d’auditer ma gestion. Il paraît qu’un nouvel audit a été lancé ce mois-ci. Apparemment, cette direction doute des compétences des structures qui, régulièrement auditent le Fpe. Depuis ma nomination, le Fpe a été audité tous les ans par des structures de référence, habilitées à le faire.

Encore pas perçu d’indemnités

Pendant cinq mois, la nouvelle équipe m’a toujours demandé de patienter quelques semaines avant de refuser officiellement de me régler mes indemnités sous le prétexte récent que j’ai contracté avec le ministre de l’Economie et des Finances d’alors. Dans quel Etat sommes-nous ? Comment peut-on donner des responsabilités aussi importantes à des individus qui se défaussent sur l’Etat quand leur sensibilité, ici exacerbée, ne leur permet pas de prendre leurs responsabilités? Les droits de mes 3 prédécesseurs ont toujours été liquidés aussitôt par leur successeur. J’ai écrit au ministre de l’Economie et des Finances pour demander son intercession qui, je l’espère, ne tardera pas à produire ses effets.

Avenir du Réseau Ramatou

Ramatou est toujours debout et je suis interpellée quotidiennement par ses membres pour la relance des activités. Mon ambition a toujours été d’en faire une organisation non gouvernementale, qui avec l’aide de partenaires pourrait davantage apporter sa contribution à la solution des problèmes économiques, sociaux et environnementaux. En tout cas, son positionnement est national, ses membres toujours solidaires et ses réalisations appréciables. Nous allons bientôt nous réunir pour lancer la réflexion autour de ses nouveaux projets et mettre en place une équipe qui pourra lui donner l’impulsion conforme à son potentiel.

Situation politique ?

Je n’aime pas tellement parler publiquement de cette question. Mais, je souhaite une réunification des familles politiques, libérale et socialiste notamment, et qu’à terme une lisibilité soit assurée sur une équipe qui gouverne et une opposition, disposant d’un statut, qui joue son rôle, qui est aussi important. Je pense que le niveau de maturité démocratique de notre pays le permet. C’est un gage de stabilité.

Avenir du Pds

Son avenir dépendra de ses dirigeants. L’humilité et le réalisme de ses prétendants détermineront celui-ci.

Source : Walfadjri Quotidien

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