[Extrait-Entretien] Wade: Côte d’Ivoire, c’est le rapport de force physique, militaire, qui va déterminer l’issue.

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Mercredi 9 mars 2011, SlateAfrique a passé deux heures avec le président sénégalais Abdoulaye Wade à Paris, dans la résidence du Sénégal. Ce dernier venait de s’entretenir longuement au téléphone avec le colonel Kadhafi, à qui il a demandé d’arrêter les bombardements sur les civils. Très disert, il pense déjà à la campagne présidentielle de 2012.

La crise ivoirienne

SlateAfrique – Il y a un autre pays à problèmes, qui a été quelque peu occulté par les événements en Egypte et en Libye, et où l’Union africaine se trouve également au premier plan: la Côte d’Ivoire. Comment pensez-vous que ce pays peut sortir de l’impasse?
A.W. –
Je crois qu’en Côte d’Ivoire il faut simplement constater que nous sommes entrés dans une phase de guerre. C’est déplorable, car je crois que personne ne cherche ça, mais il y a toujours des circonstances qui font qu’on se retrouve dans ce genre de situation. J’ai eu aujourd’hui au téléphone les gens d’Alassane Ouattara, comme Guillaume Soro, qui me disent que ses forces ont repris trois villes à l’ouest, et se dirigent certainement sur San Pedro et sur Yamoussoukro.

Les forces de Guillaume Soro contrôlent déjà 65% du territoire, et avec cette offensive, la bataille d’Abidjan est pour bientôt. Il y a déjà des manifestations dans la ville chaque jour. Donc pour la Côte d’Ivoire, c’est le rapport de force physique, militaire, qui va déterminer l’issue.

SlateAfrique – Est-ce qu’un gouvernement de cohabitation, comme on l’a vu au Kenya et au Zimbabwe, ne peut pas offrir une issue à la crise?
A.W. –
On a dépassé ça. Parce qu’au sein d’un gouvernement de cohabitation, qui est vraiment président? Au Zimbabwe, il y a un président et un Premier ministre qui ne s’entendent pas. Je le sais d’autant plus que j’ai été chargé de la médiation là-bas. Tandis qu’en Côte d’Ivoire, il y a un président élu, et un président sortant qui ne veut pas sortir.

Gbgabo avait proposé à Ouattara d’être vice-président, de le soutenir pendant trois ans, et après… [grand éclat de rire du président Wade] et après il lui donnera le pouvoir. En réalité, il y a des dimensions subjectives. Gbagbo répète: «N’importe qui, sauf Alassane Ouattara!»; il n’arrive pas à comprendre qu’il puisse être remplacé par Alassane Ouattara, qui a été choisi par le peuple ivoirien. Donc la situation va se résoudre par des rapports de force.

SlateAfrique – Si la guerre civile est déclarée, est-ce que les partisans de Gbagbo ne risquent pas de s’attaquer aux populations d’origine étrangère?
A.W. –
Ça dépend de Gbagbo, mais on ne peut pas l’exclure. Nous savons que les chefs d’Etat concernés se sont réunis à Abuja [capitale du Nigeria, ndlr]. Chacun a évoqué ses ressortissants. Les plus nombreux en Côte d’Ivoire sont les Burkinabè, viennent ensuite les Ghanéens, les Nigérians, les Maliens et les Sénégalais. Contrairement à ce qu’on peut lire un peu partout, il n’y a pas 700.000 Sénégalais à Abidjan. Il y en a 350.000 —du moins ceux qui sont identifiés. Le Mali a un million de ressortissants étrangers.

La Côte d’Ivoire en elle-même est un pays hospitalier, il faut le reconnaître. C’est le deuxième pays le plus hospitalier d’Afrique, le premier étant le Soudan. Il y a énormément d’étrangers là-bas, parce que tout Africain qui arrive au Soudan a le droit de prendre la nationalité au bout de 72 heures. La côte d’Ivoire est un pays qui compte au moins 40% d’étrangers. Maintenant, qu’ils s’attaquent aux étrangers, c’est possible.

Personne n’aime la violence, on est tous contre la violence, mais dans le cas de la Côte d’Ivoire, c’est inévitable. Parce que cette violence, elle ne vient pas de l’extérieur, elle vient des rapports internes entre le président et son opposition, entre des forces politiques. S’il y avait des interventions extérieures, on pourrait peut-être éviter cette confrontation. Mais pour l’instant, il n’y en a pas, sauf des forces qui viennent appuyer Gbagbo, des Angolais qui l’aident financièrement, et peut être militairement. Mais l’Occident veille à ce qu’il n’y ait pas d’apport extérieur, ni par voie aérienne, ni par voie maritime, d’où qu’il vienne, notamment de l’Angola.

SlateAfrique – N’avez-vous pas l’impression que le temps travaille pour Laurent Gbagbo? D’autant que l’Afrique du Sud semble changer de position pour se rapprocher de ce dernier.
A.W. –
L’Afrique du Sud a toujours été du côté de Gbagbo, même à l’époque de Thabo Mbeki [le prédécesseur du président actuel Jacob Zuma, ndlr]. Mais elle ne peut rien faire. Car il ne faut pas oublier que la Côte d’Ivoire est en Afrique de l’Ouest. Et c’est nous qui déterminons la position de l’Afrique. Nous avons pris une résolution qui a été endossée par l’Union africaine, et par là même endossée par les Nations unies. Maintenant, évidemment, avec son poids l’Afrique du Sud peut faire des déclarations. Mais les Africains considèrent qu’ils sont mus par des considérations économiques plutôt que par des considérations politiques.

SlateAfrique – Au lendemain de l’élection, nombre de dirigeants africains ont fait des déclarations tonitruantes, notamment le Nigeria, qui s’est positionné en faveur d’une intervention militaire de la Cédéao.
A.W. –
La Cédéao, c’est quinze pays; il ne faut pas isoler le Nigeria. Après, c’est vrai qu’ils ont tous soutenu cette position.

SlateAfrique – On a l’impression aujourd’hui qu’on ne parle plus tellement d’une intervention militaire de la Cédéao…
A.W. –
En fait, il s’agissait plutôt d’un moyen de pression dans l’esprit de beaucoup de gens, et ça, Gbagbo l’a bien compris On ne l’avait pas envisagé sous l’angle d’un débarquement aérien ou maritime. Il ne s’agissait pas d’arriver en Côte d’Ivoire et de chasser Gbagbo, je pense que personne ne l’a imaginé comme ça.

SlateAfrique – Si la guerre civile arrive à Abidjan, est-ce qu’il ne faudra pas une intervention militaire pour éviter qu’il n’y ait trop de morts? Parce que s’ils se battent à l’arme lourde en plein cœur d’Abidjan, il risque d’y avoir des dégâts.
A.W. –
Peut-être qu’à ce moment-là, il y a aura une intervention. Peut-être. Pour l’instant, il n’en est pas question. Ça, je vous affirme qu’il n’en est pas question. Ils ne peuvent pas faire une intervention sans que nous au Sénégal nous ne soyons au courant. A propos des révolutions arabes, on a beaucoup parlé d’un effet de contagion. On regarde l’Algérie, on regarde le Yémen

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